Labbra di lurido blu
Autres titres: Lips with lurid blue
Real: Giulio Petroni
Année: 1975
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 111mn
Acteurs: Lisa Gastoni, Corrado Pani, Jeremy Kemp, Hélène Chanel, Silvano Tranquilli, Antonio Casale, Daniela Halbritter, Gino Santercole, Margareta Veroni, Giulio Baraghini, Umberto Alivernini, Bruno Arié, Armando Brancia, Franco Deriu, Alberto Tarallo, Alberto Tarrolo, Francesco Caracciolo, Paolo Pazzaglia...
Résumé: Marco a épousé Elli afin de pouvoir dissimuler son homosexualité. Ils forment un couple atypique puisque tout deux souffrent d'un profond traumatisme lié à leur enfance. Elli était très souvent témoin des ébats contre-nature de ses parents et a développé au fil du temps une pathologie freudienne. Elle est devenue nymphomane à tendance masochiste. Le père de Marco a quant à lui forcé son fils à perdre sa virginité dans les bras d'une putain obèse. Marco est devenu homosexuel. Afin de satisfaire ses frustrations sexuelles et ses pulsions malsaines Elli se donne à tous les hommes en acceptant l'homosexualité de son mari dont l'amant, George, est revenu dans sa vie. Leur relation devient de plus en plus difficile, lentement le couple sombre...
Dernier véritable film de Giulio Petroni dans lequel le cinéaste s'est intégralement investi puisqu'il en est l'auteur, le scénariste, le réalisateur et le producteur, Labbra di lurido blu fait définitivement partie de ces dramatiques érotiques qui s'ancrent dans les milieux haut bourgeois italiens très en vogue dans les années 70. Si le titre laisse rêveur une chose est certaine, il ne ment pas sur la chromatique dominante du film, le bleu, qu'on retrouve essentiellement lors des scènes nocturnes magnifiquement photographiées et dans les superbes décors intérieurs qu'on doit à Franco Bottari. C'est dans cet univers que vivent Elli et Marco, un couple qui derrière un mariage par obligation cache de profonds traumatismes relatifs à leur enfance. Elli lorsqu'elle était enfant espionnait ses parents faire l'amour sans pudeur ni respect aucun pas même pour les morts. Elle a au fil du temps développé une sorte de pathologie freudienne qui l'a droit mené à la nymphomanie.
Contraint et forcé par son père, Marco a quant à lui été déniaisé adolescent par une prostituée obèse et repoussante sous les rires de ses camarades et les remontrances paternelles. Traumatisé par cette expérience, il est devenu homosexuel et partage une relation secrète avec un de ses vieux amis aristocrates, le fantomatique George. Même si cette union était vouée inéluctablement à l'échec, épouser Elli était pour Marco le meilleur moyen de cacher cette homosexualité inavouable pour laquelle il tuera afin de préserver le secret. Incapable d'être sexuellement satisfaite, Elli se donne à tous les hommes qu'elle rencontre, putain nymphomane à tendance masochiste désespérément seule qui souffre de cette situation qui la détruit lentement d'autant plus qu'elle aime Marco mais doit accepter son homosexualité et la présence de George.
Homosexualité, nymphomanie, masochisme tragédie érotique sur fond de bourgeoisie perdue dans une Italie ancrée dans ses valeurs morales, voilà qui promettait à l'image même de l'ouverture troublante et quasi surréaliste du film où conduite par un étrange motard, Elli se retrouve dans une vieille église où elle est malmenée et violentée par trois travestis outrageusement maquillés droit sortis d'un conte futuriste. Malheureusement la suite est loin d'être aussi fascinante que cette introduction. Labbra di lurido blu est au bout du compte un simple mélodrame certes complexe mais à qui il manque de cette intensité dramatique indispensable à ce type de film. Si
l'histoire est belle et le sujet particulièrement fort il n'en va pas forcément de même pour son
traitement trop peu convaincant. Pas assez impliqué, le spectateur se laisse simplement emporter par la beauté des images, des décors, des sublimes paysages de Peruggia où fut tourné le film et la jolie partition musicale signée Ennio Morricone. La détresse, la dérive et de manière générale le malheur de ce couple atypique n'arrive jamais réellement à toucher tant il manque de force émotive tandis que la complexité de leur relation est traitée de manière trop légère. On pense parfois à Visconti mais Labbra di lurido blu n'est qu'une pâle copie de ce que le Maitre aurait pu tirer d'un tel scénario. C'est donc plus déçu que réellement enthousiaste qu'on ressort de la vision de ce drame érotique dont il ne reste d'attrayant au final que le coté sexuel.
Malheureusement là encore, on pourra être déçu par la timidité dont semble faire preuve Petroni. En effet seul l'aspect hétérosexuel est mis en avant alors que l'homosexualité quant à elle demeure suggérée. Ce sont donc d'une part les errances sexuelles de Elli, d'autre part l'illusoire et vaine histoire d'amour entre elle et David qui alimentent principalement l'ensemble. Du comportement masochiste de Elli on retiendra tout spécialement deux scènes qui avec l'ouverture forment le clou du film, celle particulièrement perverse où elle s'allonge sur une table de billard dans un bar afin d'offrir son corps à quatre rustres et celle où elle se fait sodomiser par un vieillard devant une fenêtre lors d'une fête rurale.
On regrettera donc que tout le contenu homosexuel, une des principales du base de l'histoire, soit ainsi réduit à quelques allusions ou billets trouvés par l'épouse. On pourra juger un brin hypocrite la démarche dans la mesure où Petroni donne l'impression d'évincer le sujet par peur du scandale alors qu'il met en exergue la nymphomanie et la perversion de son héroïne tout aussi provocantes.
Si Elli se perd dans une relation amoureuse avec David, un écrivain plein d'humanité et de bonté, qui lui donne l'impression de retrouver une certaine normalité, cela ne suffira cependant pas à éviter une inéluctable tragédie. Incapable d'oublier Marco, d'accepter les faits ou même de faire un choix, c'est une fois de plus de Thanatos que viendra le salut lors d'un joli mais dramatique final tout empreint d'une ombre fantastique.
Labbra di lurido blu n'est pas un mauvais film encore moins un film raté. Il souffre simplement de cette absence de force émotive, d'un certain manque de poésie qu'on retrouve pourtant par instant au détour de quelques scènes. Si les rapports entre ce couple semblent clairs, si leur attitude est pleine de significations, la face destructrice n'est pas assez mise en avant faute à non seulement une mise en scène trop en retrait mais également à une interprétation trop froide de Lisa Gastoni qui perpétue ainsi ses rôles habituels de femme névrosée (elle atteindra le paroxysme de la névrose dans le tout aussi
paroxysmique et impensable L'immoralità) et le regretté Corrado Pani, trop fade dans la peau de Marco. Si Silvano Tranquillo paraitra quant à lui trop doucereux, on saluera la prestation de deux seconds rôles, ceux de Gino Santercole et Margareta Veroni, ex-Miss Italie 1973 dont ce fut la seule apparition à l'écran. Les quelques scènes de cour qu'ils partagent à la fois tendres et morbides sont un réel petit plaisir. Malgré ses défauts, Labbra di lurido blu reste un intéressant et curieux film d'amour triangulaire dont l'essence est la force même de la relation qui les unit, l'amour d'une femme trop seule et frustrée qui oublie son malheur dans les bras d'un homme charmant mais s'accroche avant tout à un époux amoureux d'un homme, le seul être au monde qui ne l'a jamais aussi bien compris et aimé.
Fustigé jadis par la critique, le film de Petroni connut cependant un petit succès en salles avant de lentement disparaitre et devenir au fil du temps une des perles si recherchées des amateurs de bizarreries et autres curiosités transalpines ce qu'est ce film. Ce sera là le dernier véritable film de Petroni si on excepte L'osceno desiderio sorti trois ans plus tard, une série B érotico-satanique hybride dont le cinéaste a souvent renié la paternité.