L'oasis des filles perdues
Autres titres: Filles perdues / Die Oase der gefangenen Frauen / El oasis de las chicas perdidas
Real: José Jara
Année: 1981
Origine: France / Espagne
Genre: WIP / Polar
Durée: 78mn
Acteurs: Françoise Blanchard, Nadine Pascal, Shirley Knight, Silvia Solar, Antonio Mayans, Claude Boisson, Karine Laure, Jean Roville, Jean-René Bleu, Pierre Ricard, Angel Caballero, Juan Chague, Oscar Cortina...
Résumé: Des jeunes filles sont droguées et enlevées puis envoyées par bateau en Afrique. Elles sont retenues prisonnières dans un bar nommé L'oasis où, surveillées par l'implacable Madame Gaby, elles sont contraintes de se prostituer. L'une d'entre elles a réussi à s'échapper. Elle alerte Interpol et le FBI qui, côte à côte, vont tenter de démanteler ce réseau de traite des blanches...
Cela n'est pas une surprise, Eurociné a rarement, très rarement, rimé avec qualité et ce n'est pas L'oasis des filles perdues qui viendra démentir cette règle établie. Voilà un produit type de la célèbre firme qui une fois encore tente d'appliquer avec la bonne humeur qu'on lui connait la fameuse recette d'un érotisme pseudo-douteux en mélangeant tant bien que mal sexe et violence sur fond de paysages exotiques. En partant d'un sujet à la base très prometteur, la traite des blanches, l'espagnol José Jara nous concocte un film bêtifiant mais ludique qui laissera à la fois hilare et sans voix tant on frise la plupart du temps le n'importe quoi. Il faut dire que Jara ne manque pas d'ambition du moins au niveau du scénario mais ce n'est pas avec les trois francs et six sous dont il a bénéficié qu'il a pu les réaliser. Qu'on en juge plutôt. Des jeunes filles sont droguées, violées puis enlevées pour être envoyées en Afrique dans un bar miteux nommé L'oasis où elles sont forcées de se prostituer. Parvenue à s'enfuir, l'une d'entre elles alerte ni plus ni moins que le FBI et Interpol qui vont travailler ensemble afin de démanteler le réseau. Voilà un joli programme dont il ne reste malheureusement que de bien tristes miettes à l'écran.
Tourné en Espagne, on devra se contenter d'une bananeraie, de quelques petits palmiers et stock-shots animaliers qui simulent difficilement la jungle africaine étouffante où devrait se dresser notre bar. Reviennent alors en tête Mondo cannibale ou pire encore Terreur Cannibale où quelques actrices en jupettes blanches feignaient la fuite dans une jungle épaisse en courant dans u vulgaire champs où se cachaient quelques faux cannibales peinturlurés de cirage noir et chaussés de tennis. L'oasis des filles perdues joue sur ce même registre et tout le reste du film est à l'avenant. Comment ne pas éclater de rire devant ces demoiselles censées vivre l'enfer mais souriantes et guillerettes enfermées non pas une cellule comme dans tout bon WIP mais dans une belle chambre au papier peint fleuri
qui rappelle celui des chambres de nos grands-mères joliment orné de guirlandes de Noël. On ne pleure pas, on ne se lamente pas mais on se raconte de belles histoires au son d'une guitare et nos prisonnières font même des batailles de polochons, en tenue d'Eve cela va de soi! Leur joie est tout de même assez vite interrompue par l'indispensable matrone sadique et revêche, la bien nommée Madame Gaby. Bien tristement pour tout ceux qui s'attendaient à une gardienne aussi sévère que cruelle, Madame Gaby est à l'image même de la tapisserie fleurie de la chambre. Voilà très certainement une des matrones les moins convaincante de toute l'histoire du WIP, une rombière au brushing impeccable aussi molle qu'inexistante vêtue comme une gardienne d'immeuble qui agite sans énergie une matraque en plastique achetée au rayon enfant dans le bazar du coin lorsqu'elle ne tente pas de se servir d'une mitraillette qui s'enraye.
Si cette première partie qui emprunte beaucoup au WIP s'avère déjà assez drôle et absurde, ce n'est jamais qu'une mise en bouche pour nous amener vers la seconde moitié du film beaucoup plus axée vers le polar à échelle internationale. Ainsi donc, Interpol et FBI regroupent leur force et débarquent leurs meilleurs agents pour les envoyer en Afrique et démanteler ce réseau. Et c'est bien entendu au rabais que Jara se la joue de nouveau. Un malheureux bureau, un ou deux agents en chemise blanche et un téléphone, on téléphone beaucoup d'ailleurs dans le film, sont donc censés représenter la police internationale mais c'est dans une sorte de quatrième dimension que semble naviguer le spectateur. Economie oblige, Jara truffe son film de stock-shots empruntés à différentes oeuvres que l'amateur reconnaitra certainement dont Deux espionnes avec un petit slip à fleurs (afin de ne pas dénoter avec le papier peint) de l'imbuvable Jesus Franco, La maison des filles perdues
de l'inénarrable Pierre Chevalier et l'antédiluvien Sigma 3 agent spécial de l'italien Gian Paolo Callegari qui occupe une bonne moitié de cette deuxième partie. Cela nous donne l'amusante impression de voyager dans le temps tant les séquences sont disparates et anachroniques non pas que les inserts soient ratés mais surtout fortement datés. Ainsi lorsque notre agent prend d'assaut un bordel, on se retrouve avec des filles en choucroutes et mini-jupes très années 60. Quelques échanges de faux coups de poing en costumes désuets, l'ensemble dénote franchement avec le reste du film, avant de se retrouver sur un navire où sont montés deux étonnants hommes grenouilles issus d'une autre époque. On saute ainsi d'un film à l'autre mais Jara tient bon et son intrigue ne prend pas trop l'eau. Fabriqué, rapiécé, cousu et recousu, le patchwork est simplement drôle. Les acteurs communs aux trois films changent d'apparence, rajeunissent ou vieillissent au fil des inserts lorsqu'ils ne font tout simplement pas partie du film de Jara mais avouons que cela est plus amusant que dérangeant.
Quant à l'érotisme et la violence, les amateurs de séquences croustillantes seront amèrement déçus puisque L'oasis des filles perdues demeure plutôt sage. Les viols sont d'une sagesse exemplaire. Jara se contente de filmer quelques derrières poilus, quelques poitrines dénudées, quelques rapides plans de nu féminin frontal, quelques coups de langues lesbiens pris chez Franco et quelques rapides étreintes entrecoupées de petites gifles et autres gentils sévices sadomasochistes dont une séance de flagellation digne duClub Dorothée. Rien d'affolant encore moins d'excitant pour les voyeurs pervers que nous sommes. Jara se permet juste un joli petit coup d'audace fort amusant. Alors qu'elles fuient à travers une plantation, deux prisonnières trouvent tout de même le temps d'uriner sous un bananier. Et lorsqu'une des deux évadées n'est autre que Françoise Blanchard on salive. Quant à la violence, si on excepte ces petits moments d'égarements érotiques, il faut attendre le final et la prise d'assaut de L'oasis par Interpol pour qu'on échange quelques coups de feu dans la jungle en gardant tout particulièrement à l'esprit la mort de Antonio Mayans, qui en sautant par dessus un ruisseau glisse et s'accroche désespérément à une touffe de joncs!
On évitera de parler des dialogues, ineptes et de l'interprétation. Aux cotés de la regrettée Françoise Blanchard, on reconnaitra quelques noms indissociables aux productions Eurociné et autres films érotiques de cette époque dont Silvia Solar, Shirley Knight, Nadine Pascal et l'espagnol Antonio Mayans, tous jouant et surjouant plus mal les uns que les autres.
Soyons justes. L'oasis des filles perdues, bel assemblage de scènes souvent ridicules et improbables, est loin d'être le plus mauvais film qu'ait produit Eurociné. On a connu bien pire de sa part. On aurait simplement aimé un peu plus de salacité et de perversion d'un tel sujet. Trop gentillet, on reste un peu sur notre faim mais on compense par le rire ce regrettable manque. Et Eurociné n'est ce pas avant tout, ça? L'oasis des filles perdues est pour le novice un parfait exemple pour débuter gentiment avec ce type de productions.