Un des piliers du cinéma Bis ibérique disparait: Décés de Jess Franco
Etrangement nombreux étaient ceux qui à travers le monde admiraient son oeuvre. Tête de proue du cinéma Bis ibérique et de l'érotisme à l'espagnol souvent incarné par sa compagne et muse Lina Romay, disparue l'an dernier, Jesus Franco est décédé à l'âge de 82 ans ce mardi 2 avril à Malaga, la ville où il résidait depuis de nombreuses années.
Né le 12 mai 1930 à Madrid, Jesus Franco après être rentré au conservatoire pour y apprendre le piano va faire son entrée dans le monde du cinéma en 1954 en tant que compositeur avant de faire ses premières armes comme réalisateur à travers une série de courts métrages. C'est en 1959 qu'il met en scène son premier film, Tenemos 18 anos, début d'une longue filmographie qui comptera plus de 250 films si on y ajoute les divers remontages et versions de ceux ci, présentés sous une kyrielle de titres différents.
Travailleur acharné, obsédé par l'objectif de la caméra, il ne sera pas rare que Franco tourne plusieurs films à la fois, se spécialisant rapidement dans des oeuvres à petits budgets et la série B avant d'être un des réalisateurs phare de la firme Eurociné. Emporté par sa folie créatrice, le cinéaste va lentement devenir dés les années 60 un des maitres du cinéma de genre espagnol en jouant sur tous les tableaux. Il sera en effet aussi bien réalisateur que producteur, scénariste, acteur et monteur. Il signera durant la première partie de sa carrière quelques classiques du cinéma d'horreur dont L'horrible Docteur Orloff avec Howard Vernon, un de ses acteurs fétiches, avant de
rapidement toucher à tous les genres. Du film de vampires au film de zombis, du cinéma cannibale aux films en costumes en passant par le WIP et tous les mythes que compte l'univers du fantastique, Franco est sur tous les fronts. C'est cependant dans l'érotisme et la pornographie qu'il semblera trouver le plus de plaisir et son terrain de prédilection dés les années 70. Téméraire, subversif, la provocation dont il fait preuve dans ses oeuvres vont le contraindre à l'exil dans une Espagne écrasée par le régime franquiste. Il fuit donc son pays et pourra enfin donner libre cours à sa fureur créatrice.
Sa rencontre avec Lina Romay en 1970 va bouleverser sa vie. Elle devient non seulement sa compagne mais il en fait aussi sa muse après la tragique disparition de Soledad Miranda. Il ne travaillera dés lors plus que pour et à travers elle.
Souvent comparé à Jean Rollin, il est comme lui un artisan du 7ème art, un bricoleur, un touche à tout qui se veut un poète de l'image. Mais là où Rollin réussissait à créer tout un univers aussi attachant qu'onirique, Franco ennuie et de poésie son oeuvre n'en a que l'ennuyante apparence. Bâclés, ennuyeux, souvent rébarbatifs et surtout visuellement bien peu esthétiques, ses films reflètent son incapacité à créer un véritable climax, une réelle atmosphère. Visuellement laids, ils sont à l'image et de son érotisme et de sa muse-compagne, vulgaires et si peu excitants. Là où Rollin parvenait à faire rêver, Jess Franco qui a collaboré avec de grands noms tels que Orson Welles et Javier Bardem irrite, gâche la plupart du temps tout le potentiel de ses histoires par son incapacité à les faire tremper dans cette aura fantastique si délectable. Et ses meilleurs films ou plus exactement ses moins pires, en somme les plus regardables (Macumba sexual, Sadomania, 99 women, Les nuits de Dracula, Le trône de feu...), sont telles de jolies peintures sur lesquelles serait venue se coller une vilaine mouche pour mieux les défigurer, provoquant inlassablement déception et hilarité. Avec ou sans budget, Franco, insupportable, n'aura jamais eu ni l'art ni la manière encore moins en matière de sexe et de perfection féminine. En définitive, il restera pour nous l'homme d'un seul et unique film, sa version de Justine et les infortunes de la vertu.
La guerre entre les pro et les anti Franco sera encore longtemps ouverte. De là où il est aujourd'hui, le réalisateur espagnol qui tourna jusqu'à son dernier souffle doit bien rire de sa désormais célèbre bouche édentée, amusé par cette polémique qui anima toute sa carrière qui reposait sur sa passion du 7ème art.
Récompensé par un Goya d'honneur en 2009, Jess Franco, depuis longtemps malade, s'en est donc allé rejoindre sa muse. Qu'on l'aime et vénère ou comme nous au Maniaco on le déteste, c'est quoiqu'il en soit tout un pan de l'histoire du cinéma Bis qui disparait avec lui. Hasta luego Jesus.