Forced entry

Autres titres:
Réal: Shaun Costello
Année: 1973
Origine: USA
Genre: X
Durée: 83mn
Acteurs: Harry Reems, Jutta David, Laura Cannon, Ruby Runhouse, Shaun Costello, Nina Fawcett...
Résumé: Devenu pompiste, un vétéran du Vietnam, traumatisé par les horreurs qu'il a traversé, repère des jeunes femmes qui s'arrêtent à sa station. Il les suit et les viole avant de les tuer. Lentement il ne fait plus la différence entre son passé et la réalité. Il sombre peu à peu dans la folie...
Les graves conséquences et traumatismes qu'engendra la guerre du Vietnam chez ceux qui combattirent au coeur de cet enfer fut un sujet que les réalisateurs américains ont aimé traiter dans les années 70 alors que l'ombre de ce douloureux thème planait encore sur une Amérique honteuse. Si de nombreux genres cinématographiques l'ont pris comme principal sujet, il en est un sur lequel on aurait bien peu misé, le cinéma X. On a malheureusement tendance à oublier que le X aimait alors se mélanger à d'autres genres- S-F, horreur, fantastique- avec lesquels il se mariait aisément grâce à l'intelligence de quelques réalisateurs féconds dont Shaun Costello qui en 1973 réalise Forced entry, une oeuvre choc aussi traumatisante que le sujet qu'elle aborde.
"Ceci est l'héritage que les vétérans ramènent de la guerre: un mélange de peur, de confusion, de rage et de frustration menant à la recherche désespérée d'un ennemi". C'est avec cette citation que le film s'ouvre lui donnant un dramatique air d'authenticité. Costello à qui on devait déjà une oeuvre fétide et particulièrement malsaine, Water power, plongée hallucinante dans l'univers d'un psychopathe obsédé par les lavements, s'attache à décrire le quotidien d'un pompiste, ancien vétéran du Vietnam. Ce qu'ignorent les jeunes filles qui s'arrêtent à sa station service c'est que cet homme d'apparence normale est malade. Il est psychologiquement dérangé par toutes les horreurs qu'il a connu dans cet enfer de feu et de sang. Il suit ces femmes et après s'être infiltré chez elles, il les viole et les tue.
Costello ne s'attarde guère sur les détails, il montre et quand il décide de montrer c'est de manière radicale, atrocement efficace. Trois filles, trois viols, trois meurtres, trois preuves de la folie de cet homme que le réalisateur nous présente par le biais d'images choc et de flashes-back cauchemardesques.
S'il vit à New York désormais son esprit est pourtant resté quelque part au Vietnam, incapable de dissocier le passé du présent. Costello fait alors un terrifiant parallèle entre la jungle du Vietnam et les rues de Manhattan, jungle cette fois urbaine où l'esprit du guerrier resurgit. Forced entry se transforme rapidement en une oeuvre nauséeuse, incroyable et indescriptible où les flashes-back en noir et blanc, représentation du subconscient du héros, se mêlent aux viols, aux sodomies brutales et pénétrations sauvages sur fond d'images d'archive effroyables de charniers putrides, d'enfants napalmés, de mutilés. Tandis qu'il éjacule, les bombes explosent, véritable enfer de flammes, feu d'artifice aux senteurs de chairs grillées. La puissance de cet impensable mélange particulièrement écoeurant est renforcé par un montage nerveux, sec, où chaque son semble amplifié au maximum jusqu'à devenir obscène. Les bruits indécents et visqueux de pénétration, des testicules qui battent contre la caméra, du sperme qui gicle résonnent dans la tête du spectateur comme un cauchemar sans fin.
Forced entry est une vertigineuse plongée au coeur des méandres d'un esprit à jamais dérangé. Tout y est sale. Les sexes comme les anus sont poilus, les corps sont bourrelettés, flasques, la chair est répugnante et se tachent de merde. You put shit on my prick, bitch! I've got shit on my cock! hurle notre psychopathe alors qu'il sodomise une de ses victimes.
L'issue de ce voyage au bout de l'horreur ne pourra qu'être la mort, libératrice, salvatrice. Cet homme au comble de la folie ne supportera pas de perdre la face, d'être la risée de deux hippies hilares qui sous l'effet du LSD prennent leur viol pour un jeu et se moquent ouvertement de leur bourreau. C'est pour lui le point de non retour, son cerveau disjoncte totalement. Dans un redoutable feu d'artifice d'images de massacres, de tueries et d'explosions auquel se mélangent les hurlements des victimes et des agonisants, il se tirera une balle dans la tête sous le rires convulsifs des deux hippies, mettant ainsi un terme à sa folie désespérée.
Une fois de plus, Costello a réalisé un film unique, nauséeux, maladif, dérangeant qui longtemps encore après la fin de son visionnage laissera des traces dans l'esprit du spectateur s'il est parvenu à le regarder jusqu'à son explosive conclusion. Cette plongée au coeur de l'indescriptible reste une des meilleures oeuvres qu'ait alors connu le cinéma X prouvant que le genre pouvait épouser avec force et intelligence l'horreur la plus éprouvante. Forced entry restera comme un des meilleurs exemple du genre, brillamment interprété par le pornophile Harry Reems aux cotés duquel on retrouvera son ex-fiancée, la séduisante Laura Cannon, porn star d'alors, dans la peau de la deuxième victime.