Nude si muore
Autres titres: Le sadique de la treizième heure / The young the evil and the savage / Naked you die / The miniskirt murders / Schoolgirl killer / Sette vergini per il diavolo / Jungfrauen für den teufel
Réal: Antonio Margheriti
Année: 1968
Origine: Italie
Genre: Giallo
Durée: 98mn
Acteurs: Mark Damon, Sally Smith, Michael Rennie, Eleonora Brown, Luciano Pigozzi, Patrizia Valturri, Ludmila Lvova, Franco De Rosa, Vivian Stapleton, Ester Masing, Aldo De Carellis, Giovanni Di Benedetto, Valentino Macchi, Umberto Papiri, Caterina Trentini, Silvia Dionisio, Lorenza Guerrieri, Malisa Longo, Paola Natale, Nando Angelini...
Résumé: L'école Sainte Hilda est un pensionnat pour jeunes filles issues de riches familles. C'est la rentrée. L'établissement situé en pleine campagne reçoit ses nouveaux professeurs. Parmi eux Richard Bennett dont deux élèves rivales, Lucille et Betty Ann, sont amoureuses. Betty Ann est assassinée. La directrice préfère ne pas alerter la police pour éviter tout scandale. Tous penchent pour une fugue. Lorsque une autre élève est tuée puis une troisième elle ne peut faire autrement que d'avertir les autorités. L'inspecteur Gabon est chargé de l'enquête. Un maniaque rôde dans le pensionnat...
Après avoir réalisé au début des années 60 quelques chefs d'oeuvres du cinéma d'épouvante gothique (La vierge de Nuremberg, La sorcière sanglante, Danse macabre) Antonio Margheriti nous a offert quelques fleurons de science fiction à l'italienne, un genre particulièrement délaissé de l'autre coté des Alpes, en mettant en scène quatre petits films certes bien désuets aujourd'hui mais toujours aussi fascinants et surtout ludiques. En 1967 ce touche à tout à l'évident professionnalisme s'attaque à un nouveau style sublimé par Mario Bava puis Dario Argento, le giallo. Il est d'ailleurs intéressant de savoir qu'à l'origine
Nude si muore devait être tourné pour l'Amérique par Bava qui trop occupé par l'écriture de Diabolik dut abandonner le projet, initialement intitulé "Cry nightmare". Il fut remis entre les mains de Margheriti qui transforma alors le scénario originel et en débuta le tournage à la mi 67.
Alors qu'elle prend son bain une jeune femme est assassinée par un mystérieux meurtrier ganté de noir. Il met le corps dans une malle qu'il entrepose dans le débarras d'une pension pour riches jeunes filles, l'école Sainte Hilda, tenue de main ferme par Mrs Transfield. La rentrée s'y prépare. Le séduisant professeur de lettres, Richard Barrett, est parti à la gare
chercher les nouveaux enseignants. Richard est au centre de l'attention de deux élèves, Lucille et Betty Ann, qui en sont amoureuses. Il ne s'en cache pas et batifole avec les deux rivales jusqu'au jour où Betty Ann disparait, assassinée dans le débarras où la malle contenant le corps de la première victime est entreposée. Si tout le monde part à sa recherche elle reste introuvable. Mrs Transfield, par peur du scandale, refuse d'alerter la police. Tout le monde préfère retenir l'hypothèse de la fugue. Jill, une élève espiègle passionnée de romans policiers, est persuadée que Betty Ann a été tuée. Elle mène l'enquête comme on peut le faire dans un de ses romans notamment avec un walkie-talkie
qui lui sera fort utile. Lorsqu'une nuit une seconde élève est retrouvée morte dans sa douche la directrice est contrainte d'alerter la police. L'inspecteur Gabon est chargé de l'affaire. C'est dans un premier temps le jardinier qui est soupçonné puisqu'il a été surpris entrain d'observer les jeunes pensionnaires nues, entrain de se doucher. Malheureusement il est à son tour assassiné. Jill est bien décidée à aider à sa façon l'inspecteur à trouver le criminel. Assez vite Lucille est suspectée de cacher des secrets. Elle pourrait même être au centre de l'énigme. D'ici quelques jours elle aura 18 ans et s'apprêterait à toucher à cette occasion une coquette somme d'argent en guise d'héritage familial.
Si Nude si muore s'inspire de 6 femmes pour l'assassin, si l'ouverture (un tueur ganté de noir noie une femme dans sa baignoire) renvoie au giallo traditionnel selon la recette de Bava et de Argento le film de Margheriti s'apparente bien plus au giallo-rosa dont il est un des précurseurs, ces thrillers que Lenzi notamment rendra quelques années plus tard célèbres. En effet après cette excellente séquence d'ouverture qui en outre nous permet de suivre le trajet de la malle en taxi puis en train de la salle de bain au pensionnat, un moyen absolument parfait et original de nous catapulter en quelques minutes sur le lieu d'action
principal. C'est par la suite que les choses et le ton changent. Margheriti délaisse le thriller pour mieux s'orienter vers une certaine légèreté avec une longue, très (trop?) longue présentation des jeunes protagonistes et des professeurs. On batifole pas mal, on plaisante, l'ambiance est ludique, collégiale, flirte par instant avec la comédie par le biais entre autre du personnage de Jill, jeune fille espiègle, malicieuse, une détective en herbe (et en mini jupe) qui joue du walkie-talkie comme Sherlock Holmes jouait avec sa loupe. Oublié le coté angoissant de la séquence pré-générique. Nous voilà plongés au sein de ce pensionnat campagnard baigné de soleil, bordé de bois, un lieu idéal pour que se créent des idylles
notamment entre le séduisant jeune professeur de lettres et deux de ses élèves, deux rivales qui doivent partager son coeur. Ce changement de ton pourra déconcerter voire engendrer un certain ennui mais la beauté des décors et des couleurs vives, la magnifique photographie et le professionnalisme de la mise en scène évite cet écueil. On sent l'inspiration de Bava, on retrouve l'amour du metteur en scène pour un certain gothique. Le pensionnat comme ses extérieurs est aussi magnifique qu'il peut être inquiétant. Si l'intérêt pour l'intrigue s'était relâché il remonte très lentement dés le second meurtre, très soft soit dit en passant, lorsqu'une des deux rivales est assassinée et disparait. Il faudra attendre le troisième au
bout d'environ 45 minutes pour que Nude si muore prenne réellement sa vitesse de croisière et décolle enfin. Il y a bel et bien un assassin tapit au coeur du pensionnat bien décidé à occire nos belles collégiennes. Reste à savoir qui. Certes le suspens n'est pas extraordinaire mais Margheriti est suffisamment futé pour l'entretenir et faire de chaque pensionnaire une victime ou un suspect potentiel, (plus spécialement Lucille et son amie Denise) tout comme les professeurs. Du séduisant Richard, bellâtre au comportement trouble, à la directrice intransigeante en passant par Mrs Clay, la surveillante austère, Miss Martin et l'inquiétant jardinier voyeur qui manie si bien la serpe le spectateur se fait ses
opinions jusqu'au final, avouons le, assez inattendu. Ceux qui avaient misé juste sur l'identité du tueur n'avaient cependant pas imaginé ce petit rebondissement, aussi trouble que troublant, reflétant assez bien une époque où on aimait jouer et se passionner pour la confusion des genres.
On pourra surtout reprocher au film son coté un peu trop sage. On a connu des pensionnats de jeunes filles bien plus oppressants et surtout de riches collégiennes tellement plus perverses. C'est peut être ce qui fait défaut à Nude si muore, son manque de perversité. On est loin par exemple de La résidence de Narciso Ibanez. Nos jeunes pensionnaires sont si
légères, si fades, presque inintéressantes à l'exception peut être de Jill, l'élément comique du film, une vraie personnalité. Difficile donc de s'attacher à elles, d'adhérer à leurs personnages donc de s'y intéresser vraiment. Victime ou coupable qu'importe, on reste détaché. De plus fortes personnalités, des caractères plus trempés, plus pervers auraient donné au film une toute autre dimension surtout dans un tel décor et renforcé un peu plus son intérêt.
L'affiche quant à elle est plutôt sympathique avec en tête les yeux toujours aussi bleu électrique de Mark Damon qui joue parfaitement de son physique de jeune premier pour
séduire nos élèves. Autour de lui papillonnent quelques débutantes qui quelques années plus tard deviendront des valeurs sûres du cinéma de genre italien. Parmi elles Lorenza Guerrieri, Malisa Longo et Silvia Dioniso toutes deux dans des rôles de troisième plan. Caterina Trentini et Patrizia Valturri remarquées auparavant dans quelques spaghetti westerns et Spy movies mettront un terme à leur carrière après ce film tout comme Eleonora Brown qui fut la petite fille de Sophia Loren et Jean-Paul Belmondo dans La paysanne aux pieds nus / La ciocciara. Luciano Pigozzi, mais est-ce étonnant, campe le jardinier sinistre et Michael Rennie, ex-Klatuu dans Le jour où la terre s'arrêta, interprète avec une certaine fougue l'inspecteur Gabon.
Bénéficiant d'une bonne partition musicale signée Carlo Savina et d'une chanson-thème ("Nightmare") qui fait référence aux James Bond chantée à tue-tête par Rose Brennen Nude si muore est un agréable giallo-rosa dont le coté Bavesque parvient facilement à cacher les défauts. La splendeur des décors, des couleurs, magnifiquement mise en valeur par une photographie léchée, le coté toujours aussi studieux de Margheriti et son gout pour le gothique ainsi que cet érotisme certes léger (nous sommes en 1967) mais qui en son temps fit son effet sur la censure (les plans de nus aussi délicats soient ils furent coupés) jouent en la faveur d'un film pas forcément entièrement réussi mais qui demeure cependant efficace et ludique.