La marca del hombre lobo
Autres titres: Les vampires du Dr Dracula / Le vampire du Dr Dracula / Les fantômes de Dracula / Le notti di Satana / Frankenstein's Bloody Terror/ Hell's Creatures / Die vampire des Dr Dracula
Réal: Enrique Lopez Eguiluz
Année: 1968
Origine: Espagne
Genre: Horreur
Durée: 91mn
Acteurs: Paul Naschy, Dyanik Zurakowska, Manuel Manzaneque, Aurora de Alba, Julian Ugarte, José Nieto, Carlos Casaravilla, Rosanna Yanni...
Résumé:
Ex-catcheur Jacinto Molina plus connu sous son nom d'artiste Paul Naschy débuta sa carrière d'acteur de manière plutôt discrète en interprétant la plupart du temps des rôles de second voire de troisième plan. Il va lui falloir attendre 1968 pour que ce passionné de cinéma d'horreur et de fantastique, amoureux de Lon Chaney et des productions Universal et de la Hammer, décroche enfin un premier rôle dans un film dont il a lui même écrit le scénario. Il s'agit de La marca del hombre lobo / Les vampires du Dr Dracula qui marquera à jamais non seulement le destin de Paul Naschy mais également le cinéma d'horreur ibérique.
Quelque part en Allemagne un homme issu de la noblesse polonaise, Waldemar Daninsky, se rend à un bal masqué organisé à l'occasion des fiançailles de la comtesse Janice Von Aarenberg avec Rudolph Weissmann. Si Daninsky n'est pas le bienvenu à cette fête Janice est étrangement attirée par l'homme avec qui elle se lie très vite d'amitié puis, séduite, en tombe amoureuse. Alors qu'une tempête se prépare un couple de gitans trouve refuge au château abandonné des Wolfstein. L'endroit est réputé maudit puisque la légende veut que Imre Wolfstein se soit jadis transformé en loup-garou une nuit de pleine lune avant d'être tué avec un poignard en argent. Sa dépouille repose depuis dans le caveau familial que les deux
gitans, ivres et désireux de voler tour ce qui est précieux, vont profaner. La tombe ouverte, l'épouse retire du corps de Wolfstein le poignard d'argent. Il n'en faut pas plus pour que le mort se réveille, redevienne un lycanthrope et massacre les deux tziganes. Désormais libre Wolfstein commet une vague de meurtres atroces que la population met sur le dos des loups. Seul Daninsky connait l'horrible vérité. Il participe à la battue organisée par la population pour détruire les loups. Fort heureusement Daninsky est le premier à trouver Wolfstein et le tue grâce au poignard en argent. Malheureusement Imre Wolfstein a eu le temps de le mordre. Contaminé, la malédiction est désormais sur Daninsky qui à son tour
se transforme à chaque pleine lune en loup-garou. Afin que personne ne découvre son secret il décide de fuir et trouve refuge dans une crypte isolée. Seuls Rudolph et Janice sont au courant de son état. Ils vont tout faire pour l'aider à trouver un remède afin de rompre la terrible malédiction. Ils font appel aux services du docteur Mikhelov, un spécialiste de la lycanthropie, mais c'est son fils Janos et sa jeune assistante Wandessa qui vont se charger de guérir Waldemar. Ils ignorent encore que le couple sont des vampires bien décidés à faire de Janice et Rudolph des créatures de la nuit. Seuls leur père respectif aidés de Waldemar peuvent leur éviter le pire.
Réalisé par un obscur metteur en scène spécialisé dans le petit film populaire, Enrique Lopez Eguiluz, Les vampires du Dr Dracula restera surement son film le plus connu, celui qui lui permit de se faire enfin une place au soleil du moins dans l'univers du cinéma horrifique espagnol. Mais avant toute chose il est intéressant de revenir sur la genèse du film tant il faillit ne jamais voir le jour, par conséquent ne jamais faire faire décoller la carrière de Naschy qui serait resté très certainement un obscur petit comédien. Personne en Espagne ne voulant de son scénario Jacinto Molina part avec en Allemagne où il espère enfin le vendre. Intéressée une petite maison de production accepte de le tourner avec en vedette
Lon Chaney Jr que Molina tenait absolument à avoir dans le rôle de Daninsky. Trop malade, Chaney Jr refuse la proposition. Les producteurs demandent alors au futur grand acteur s'il serait d'accord pour jouer Daninsky. C'est ainsi que Molina dont la stature rappelait celle de Chaney Jr se retrouve dans la peau de son héros poilu. Une légende venait de naitre, une légende qui à l'occasion décida de se faire appeler Paul Naschy.
Que vaut donc ce premier film qui allait inaugurer une longue série puisque La marca del hombre lobo est le premier d'une quadrilogie. Suivront ainsi Las noches del hombre lobo, Dracula contre Frankenstein puis La furie des vampires qui reprenait là où Les vampires
du Dr Dracula se terminait. Mais au delà de cette quadrilogie le personnage de Daninsky reviendra également dans une quinzaine d'autres bandes jusqu'à la fin de la carrière de Naschy. En soi La marca del hombre lobo est assez représentatif des futures pellicules de l'acteur puisque ce premier opus, loin d'être parfait, est truffé d'invraisemblances que chacun pourra s'amuser à relever lors du visionnage, une des plus improbables étant le fait que Rudolph accepte sans sourciller que sa fiancée se jette dans les bras de Waldemar et entame une relation avec lui. Dans son extrême magnitude il ira même jusqu'à lui offrir son aide pour le guérir de la malédiction dont il est frappé. Le film est également une sorte de
gentil fourre-tout où Naschy, en passionné de fantastique, mélange joyeusement bon nombre de mythes cinématographiques, le loup-garou côtoie ici sans mal des vampires, et s'inspire tant des films Universal, de Lon Chaney que des productions Hammer et du gothique italien notamment de Mario Bava. Rien de très méchant en fait et finalement ces défauts scénaristiques, le comportement souvent illogique des protagonistes, certaines énormités, ce mélange ce thèmes ne gâchent en rien le plaisir pris à la découverte de cette pellicule qui fera certes sourire mais qui malgré tout demeure en bien des points fascinante notamment de par ses inspirations.
Voilà bien le point fort des Vampires du Dr Dracula. Le visuel et l'imaginaire qu'il déploie. Sur ce point précis le premier film de Naschy est un véritable petit chef d'oeuvre d'esthétique. On se laissera porter par la beauté des costumes mais surtout des décors, fabuleux, magiques, qui renvoient à toute une imagerie du gothique jadis sublimée par la Hammer et le cinéma italien dont le réalisateur grâce à son directeur de la photographie, Emilio Foriscot, a su en tirer la quintessence même. Le film tout entier baigne dans des couleurs vives, privilégiant les tons rouge, jaune et or, l'ensemble teinté de sublimes teintes bleutées lors de certaines scènes de nuit. On oublierait presque par moment que nous sommes en Espagne tant le
film aurait pu être signé Bava. Eguiluz y ajoute un zeste d'onirisme parfois maladroit (la danse des vampires, la fuite de Janos et Janice dans la nuit lorsqu'ils quittent la crypte), parfois très réussi (le voile qui se pose comme par magie sur Wandessa lors de son accouplement avec Rudolph), mais qui contribue indéniablement à la beauté surréaliste de la bande.
Au crédit du film toujours une jolie brochette d'acteurs physiquement fort bien choisis. La blonde Dyanik Zurakowska, une habituée du western paëlla et du cinéma d'horreur mais également des comédies françaises, et Manuel Manzaneque, jeune acteur venu de la télévision, forment un bien beau couple. Aurora De Alba est une envoutante Wandessa et
Rosanna Yanni une pulpeuse gitane. Quant à Julian Ugarte et ses faux airs à la Peter Cushing il est simplement parfait en vampire. Reste Paul Naschy qui pour son premier rôle n'est pas forcément à la hauteur. Pataud, souvent maladroit, mono expressif lorsqu'il est Waldemar il en fait des tonnes lorsqu'il se transforme en loup-garou, gesticulant, se démenant, hurlant comme un diable dans un bénitier, faisant perdre de sa crédibilité au monstre qu'il incarne. Encore plus dommage est qu'il ait confondu loup-garou et gorille puisqu'il faut reconnaitre que notre lycanthrope même s'il s'inspire de Chaney ressemble plus dans sa physionomie et sa gestuelle à un gros gorille qu'à un garou. Mais cela a son
charme et ajoute à l'ensemble une once supplémentaire de curiosité mais également une bonne dose de violence. Les meurtres sont en effet plutôt sanglants et assez graphiques pour l'époque. Qui s'en plaindra?
Si le titre français est mensonger (aucune ombre de la cape de Dracula ici bien sûr) et que pour la médiocre version française certains dialogues ont été réécrits pour coller à ce titre racoleur (on préférera la version espagnole) Les vampires du Dr Dracula, malgré ses défauts et ses improbabilités, est un bien bel exemple de cinéma horrifique ibérique rondement mené par un metteur en scène inspiré. Avec ce film il signe une oeuvre
visuellement stupéfiante, grandiose, flamboyante, nimbée d'une touche de poésie que n'aurait pas renié ni Bava ni Freda. Ce premier opus des aventures de Daninsky est certainement un des meilleurs avec La furie des vampires +, un must pour tout ceux qui aiment le gothique venu cette fois de l'autre coté des Pyrénées. Si Naschy n'est malheureusement pas aussi connu que Jesus Franco il devance et de loin l'ignoble tâcheron et demeure un des maitres du cinéma d'horreur et fantastique espagnol.