Bocche cucite
Autres titres: Fino a spaccarti il cuore
Real: Pino Tosini
Année: 1968
Origine: Italie
Genre: Polar / Drame
Durée: 80mn
Acteurs: Lou Castel, Carla Romanelli, Rosalina Neri, Pier Paolo Capponi, Mirella Pamphili, Jean Valmont, Roland Carey, Giancarlo Prete, Michel Boulé, Lidija Jurakic, Paola Penni, Ezio Sancrotti, Bruno Boschetti, Elsa Boni, Ugo Bombognini, Claudio Ruffini...
Résumé: Un émigré sicilien est retrouvé mort à Milan. Les premiers indices mènent le commissaire chargé de l'enquête dans le monde de la prostitution. Il découvre bientôt que l'homme a été tué pour avoir refusé de prostituer sa belle-soeur. Elle est depuis contrainte d'offrir son corps aux frères du défunt. Il reste à découvrir au commissaire qui a tué l'homme. Vengeance familiale, règlement de compte mafieux... la clé de l'énigme se trouve peut-être à la prison de Milan en la personne du jeune Carmelo, un des frères de la famille du défunt...
A Milan un émigré sicilien est retrouvé mort sous un pont près d'un aéroport. Il s'agit de Totonne, un des frères Torchiello, des petits truands de basse envergure. L'enquête que dirige le commissaire le mène rapidement dans l'univers des prostituées puisqu'une catin reconnait le défunt. Il venait de temps en temps se payer une prostituée. Elle donne au commissaire un nom, celui d'un homme surnommé le tigre, connu des services de police pour Proxénétisme sur mineure. Il est actuellement en prison et pourrait être utile au commissaire pour comprendre les motivations du tueur. Le tigre est dans la même prison
que le plus jeune des frères LaManna, Carmelo. Sa fiancée Consolata qu'il devait épouser avant son arrestation vit recluse chez sa belle-mère. En fait Totonne a refusé que ses frères la prostituent. Son refus lui a couté la vie. Carmelo ignorait tout de cela. Consolata, déshonorée, considérée comme la pire des trainées, est depuis obligée d'offrir son corps aux frères LaManna sous l'oeil approbateur de leur mère qui la hait. Lors d'un coup raté dans une maison de jeu deux des frères Torchiello sont arrêtés. Ils nient toute implication dans la mort de Totonne encore plus l'idée de forcer leur belle-soeur à se donner à eux. Difficile pour le commissaire de prouver leur culpabilité et libérer Consolata des griffes des Torchiello et
des LaManna. C'est d'autant plus difficile que Consolata refuse de révéler à l'assistante sociale qui la suit ce qu'elle endure même si cette dernière s'en doute mais n'a aucune preuve tangible à présenter au commissaire. Carmelo doit sortir de prison dans très peu de temps. Il attend ce jour avec impatience tant il est pressé de retrouver la jeune fille. Le jour de sa sortie il va faire face à son destin après avoir découvert la vérité...
Réalisateur peu connu le romain Pino Tosini s'est surtout fait remarquer au début de sa carrière pour avoir mis en scène trois films plutôt singuliers qui jouaient essentiellement sur
l'aspect cinéma-vérité. C'est surtout vrai pour le très étrange La casa delle mele mature / Les assoiffées de sexe et Fratello ladro dont le scénario est tiré d'une histoire vraie. Son second film Bocche cucite (littéralement Bouches cousues), tourné en 1968 mais tardivement distribué dans les salles italiennes en 1970, n'échappe pas à cette règle. Inspiré de Rocco et ses frères de Luchino Visconti Bocche cucite est un mélange de polar, de film noir et de drame sur fond de misère sociale dans laquelle on retrouve ce fameux clivage entre l'Italie du nord et celle du sud. Malheureusement le film s'avère vite ennuyant tant il ne se passe rien. Si le titre fait référence à cette fameuse loi du silence le film de Tosini est tout aussi pesant
malgré quelques rares mais agréables éclats. Ces petits moments de plaisir, ces instants qui font mouche, ces passages indubitablement réussis ce sont justement ceux qui s'inspirent du quotidien, lorsque la caméra de Tosini capte la misère milanaise et recrée la vie dans les prisons. Ainsi la scène avec les putains juste avant leur rafle au début du film a quelque chose de touchant comme les scènes de rébellion prises sur le vif à San Vittore. Malgré ces petites touches fort honorables Bocche cucite rate son objectif face à l'incapacité
du metteur en scène à entretenir tout suspens et surtout donner un quelconque intérêt à cette banale histoire de vengeance familiale où l'honneur a son mot à dire. En quelques dix minutes seulement Tosini plombe son film par la mollesse de sa réalisation. D'une lenteur excessive, morne, bavard, on attend désespérément que quelque chose se passe mais au fil des minutes nos espoirs s'effondrent tant et si bien que le sommeil nous gagne doucement. On arrive même à oublier le meurtre du début, pourtant base de cette intrigue, peu concerné par le fait de savoir qui l'a finalement commis et pourquoi d'autant plus que les
personnages sont totalement creux et mal dessinés.
Outre l'ennui que distille ce petit polar social on regrettera que Tosini ait aligné les clichés notamment sur l'Italie du sud. Les siciliens sont ainsi forcément des malfrats, des êtres inférieurs légèrement racistes aux moeurs rétrogrades qui gangrènent le nord et dont Tosini force souvent l'accent lorsqu'il ne commet pas tout bêtement quelques erreurs de scénario regrettables.
Au crédit de Bocche cucite on retiendra avant tout outre le coté réalité de certaines séquences mis précédemment en avant la beauté de Carla Romanelli (Consolata) et
l'interprétation de Pier Paolo Capponi. A retenir aussi la scène finale, émouvante et cruelle à la fois, ainsi que la peinture de Milan, grise et froide, en cette fin d'années 60. Voilà qui est bien peu et ne parvient pas à sauver l'ensemble de la léthargie dans laquelle il plonge son spectateur. On regrettera que Lou Castel soit si peu présent même s'il est en tête d'affiche. Il en va de même pour Giancarlo Prete. Au générique on remarquera les noms du français Jean Valmont et surtout du suisse, le solide Roland Carey, ex-figure du péplum qui au début des années 80 se fourvoiera dans une poignée de films pornographiques signés Joe D'Amato. Il campe ici un commissaire de police totalement amorphe. Il faut aussi rétablir une
erreur régulièrement repérée au gré des crédits. Rosalba Neri n'apparait en effet à aucun moment dans ce polar, confondue avec la blonde Rosalina Neri surnommée de l'autre coté des Alpes la Marylin Monroe italienne.
D'un tel scénario aurait pu naitre un petit polar noir discret. Il est dommage que Pino Tosini l'ait saboté en ruinant la plupart des bonnes idées qu'il le composait pour en faire un film lent, ennuyeux à souhait et dont la critique sociale qu'il tentait de faire tombe totalement à l'eau. Reste une bobine aujourd'hui rare, quasiment oubliée de tous, qui en fait une pièce de collection pour l'amateur.