Lupi nell'abisso
Autres titres: Les loups dans l'abime / Wolves of the deep
Real: Silvio Amadio
Année: 1959
Origine: Italie / France
Genre: Drame
Durée: 91mn
Acteurs: Massimo Girotti, Folco Lulli, Jean-Marc Bory, Alberto Lupo, Horst Frank, Piero Lulli, Giancarlo Sbragia, Nino Dal Fabbro, Giorgio Cerioni, Enrico Salvatore...
Résumé: Durant la seconde guerre mondiale un sous marin allié est touché de plein fouet par un bombardement. Le submersible coule au fond de la mer et se retrouve bloqué. Seuls dix membres de l'équipage ont survécu. Ils apprennent qu'un seul d'entre eux pourra être sauvé par l'équipe de sauvetage. La tension monte, les rancoeurs refont surface alors que le commandant doit faire son choix...
Ce petit film claustrophobe subaquatique est la première réalisation de Silvio Amadio qui quinze ans plus tard allait lancer la carrière d'une Gloria Guida encore mineure (La minorenne). Peu connu, oublié des éditeurs, difficilement visible aujourd'hui si ce n'est par ses quelques diffusions sur les chaines italiennes Lupi nell'abisso marquait d'une pierre blanche le début d'une carrière aussi prometteuse que fructueuse. Peu connu, oublié des éditeurs, difficilement visible aujourd'hui si ce n'est par ses quelques diffusions sur les chaines italiennes.
Durant la seconde guerre mondiale un sous-marin allié est torpillé lors d'un bombardement alors qu'il faisait surface. Le submersible coule et se retrouve immobilisé par 110 mètres de fond. A bord les trois-quart de l'équipage trouve la mort. Il ne reste que dix survivants dont le commandant. Gravement endommagé le dispositif de sauvetage ne permettra qu'à un seul homme de sortir du sous-marin. Dans un premier temps le commandant décide de garder cette information secrète ignorant encore comment il le choisira. Après une discussion avec le solide mécano Nostromo, un des dix survivants, il pense que ce choix sera psychologique, un choix de conscience basé sur le comportement des hommes, leur vie, leur passé, ce
qu'ils pourront apporter une fois sauvés. Si la nuit se passe sans heurt la découverte du secret du commandant provoque la colère des survivants. Chacun tente alors de se mettre en valeur. La tension monte, les rivalités explosent, la peur envahit les marins, la folie en guette certains. Ils sont maintenant prêts à tout pour être l'élu même à tuer. La véritable nature de chacun se révèle. Au fil des heures le choix comme le nombre de survivants s'amenuise par la force des choses. A la fin n'en restera qu'un.
Lupi nell'abisso est un film plutôt singulier ne serait-ce déjà que par le lieu de l'action: un sous-marin. Rares voire très rares sont en effet les films de guerre italiens subaquatiques.
Silvio Amadio fait donc ici preuve d'originalité, un choix qui au départ n'était pas évident. Un huis-clos peut en effet très vite devenir ennuyeux d'autant plus s'il s'agit d'une série B à petit budget. Force est de constater que le cinéaste, pour ses grands débuts à l'écran, a su brillamment relever le défi. Lupi nell'abisso est une véritable réussite, un film totalement maitrisé passionnant de la première à la dernière minute. Passées les dix premières minutes, l'attaque du sous-marin à grands renforts de stock-shots de vieux films de guerre et le naufrage du submersible au fond de l'océan, une petite maquette dans un bel aquarium,
autrement dit de quoi craindre le pire même si l'ensemble reste réaliste, Les loups dans l'abime démarre véritablement et se transforme en un drame psychologique captivant, intelligemment mis en scène par un Amadio qui est admirablement bien parvenu à mettre en avant les différentes facettes de l'être humain face à l'inexorable, une mort devenue inévitable, à travers ses dix survivants, dix hommes tous différents dont un seul pourra au final sortir de cet enfer.
Le cinéaste pose avec sincérité la difficile question de savoir comment un seul homme, le commandant, peut choisir en son âme et conscience celui qui mérite plus qu'un autre d'être
sauvé. Sur quels critères le définir? Que prendre en compte? Comment assumer ce choix, comment pouvoir le faire accepter à ceux qui se verront ainsi condamnés? L'homme peut-il, a t-il le droit de se faire juge, se substituer à Dieu? Le choix sera un choix psychologique dénué de tout état d'âme et de considérations personnelles en sachant qu'aucun homme n'est égal. Certains ont une femme, des enfants, des parents, des rêves, des choses qu'ils laissent derrière eux. Certains ont jeunes, d'autres plus âgés. Chacun a un passé, a commis des fautes. Tous ces éléments vont devoir être pris en compte. Le temps de réfléchir et de donner à ses hommes quelques heures de repos avec l'espoir qu'ils vont revoir leur famille
dés le lendemain le commandant se laisse la nuit avant d'annoncer la terrible nouvelle qu'une imprudence va malheureusement éventer.
L'homme est un loup pour l'homme. C'est ce à quoi fait référence le titre du film. Face à la mort tout se brise, les personnalités se révèlent, les apparences explosent. Tout est bon pour être celui qui sera choisi. Certains vont mettre en avant leurs atouts quitte à mentir, à tricher, trahir tandis que, l'égoïsme, la folie, le suicide s'emparent d'autres réduisant ainsi le nombre de survivants comme une sorte de sélection naturelle jusqu'au dénouement, tragique, déchirant mais terriblement logique.
Dans un seul et unique décor, exigu, Silvio Amadio signe un huis-clos étouffant, prenant, dont toute la force repose sur des dialogues tout simplement parfaits et une interprétation très juste. Il met l'accent sur l'aspect psychologique, pose les bonnes questions, y répond avec intelligence et sagesse tout en mettant en avant la difficulté d'un tel choix. Difficile de ne pas être touché par l'émotion qu'il distille tout au long de la pellicule, l'humanité du commandant et du bon Nostromo comme il est difficile de ne pas se mettre à la place de l'équipage condamné à une mort certaine, de ne pas être touché par ces hommes qu'on découvre un à un prêts à tout pour vouloir être celui qui vivra. Le suspens est savamment
entretenu. Il monte crescendo jusqu'à l'explosion de violence finale qui n'est guère une surprise. Les loups se dévorent entre eux et le choix de l'élu se fera presque de façon naturelle même si certains auront peut-être assez vite deviné son nom.
L'interprétation est à la hauteur des ambitions du scénario. Elle est tout bonnement parfaite, toujours très juste. Aucun des dix comédiens ne se vole la vedette. Tous sont excellents dans leur rôle respectif, en tête Massimo Girotti, le commandant humain qui fait face à au plus cruel dilemme de sa carrière en jouant sur toute une palette d'émotions. Le solide Folco Lulli est un Nostromo dévoué, jovial, plein de compréhension, une sorte de figure paternelle.
Horst Frank joue avec conviction la carte de la folie et de la cruauté. Le français Jean-Marc Bory est un officier classieux imbu de lui même qui mettra finalement ses failles en lumière. A leurs cotés la gueule renfrognée de Alberto Lupo, Piero Lulli et un tout jeune Giorgio Cerioni (le marin blessé) qui terminera sa carrière à la fin des années 70 dans le nazisploitation.
Sorti en France trois ans après sa réalisation Les loups dans l'abime, tourné dans un très beau noir et blanc, est un drame humain de bon niveau qui sans aucun effet spécial, sans fioriture scénaristique, plus rare encore sans aucune musique (hormis quelques mesures le
film est dépourvu de bande originale, seul le silence pesant du sous-marin et le tic-tac d'une horloge accompagne le récit) réussit à captiver, toucher et convaincre tout en donnant une peinture réaliste de la noirceur, de la cruauté de l'âme humaine face à l'instinct de survie. Angoissant, claustrophobe et si terriblement humain. Tout simplement un petit chef d'oeuvre d'émotion.