Deadly manor
Autres titres: La danza del diavolo / Savage lust
Real: José Ramon Larraz
Année: 1990
Origine: Espagne / USA
Genre: Horreur
Durée: 86mn
Acteurs: Jennifer Delora, Claudia Franjul, Liz Hitchler, Mark Irish, Jerry Kernion, Kathleen Patane, Clark Tufts, Greg Rhodes, Douglas Gowland, William Russell, Richard Rohr...
Résumé: Un groupe de jeunes a décidé de camper au bord d'un lac. Ils se trompent malheureusement de route. Ils prennent à leur bord un étrange auto-stoppeur qui leur apprend qu'ils tournent en fait le dos à la bonne direction. Le soir tombant ils coupent à travers bois en quête d'un endroit où passer la nuit. Ils tombent sur un manoir abandonné perdu au milieu de l'épaisse forêt. Malgré les lugubres découvertes qu'ils y font ils décident d'y dormir. Le manoir n'est peut être pas aussi abandonné qu'il en a l'air. Quelque chose ou quelqu'un hante les lieux. Tour à tour ils vont être tués...
José Ramon Larraz fut l'un des réalisateurs espagnols les plus subversifs des années 70, cinéaste marginal qui nous offrit quelques incontournables de l'exploitation ibérique, des oeuvres troubles de pure perversité telles Whirlpool / L'enfer de l'érotisme, Deviation, Scream... and die, La visita del vicio / Sodomia. Les années 80 furent un peu plus classiques puisqu'il se tourna essentiellement vers le film d'horreur traditionnel avec quelques intéressantes petites pellicules dont les comédies horrifiquesLos ritos sexuales del diablo et Polvos magicos / Lady Lucifera. En toute fin de carrière Larraz s'orienta vers le
slasher en réalisant trois coproductions américano-hispaniques sanglantes, dans l'ordre Rest in pieces / Repose en paix, Al filo del hacha et Deadly manor qui nous intéresse aujourd'hui.
Six amis ont décidé de partir camper sur les bords du lac Wapakonoke. Malheureusement pour eux ils se perdent sur la route. Ils prennent à leur bord un jeune autostoppeur, Jack, un garçon étrange qui semble avoir des démêlés avec la police. Jack leur apprend qu'ils sont encore à plusieurs heures du lac. Le soir commençant à tomber ils décident de couper par les bois afin de trouver un endroit où dormir. Ils tombent sur un manoir perdu qui semble
abandonné. Dans le parc de la bâtisse une voiture accidentée est érigée en guise de monument. Une des filles du groupe croit apercevoir une silhouette à la fenêtre du manoir. Terrifiée elle refuse d'y passer la nuit. Elle décide de partir. Elle est assassinée quelques minutes plus tard dans les bois. Le groupe visite le manoir qui leur réserve bien des surprises. Une des pièces est tapissée de photos d'une jeune fille magnifique. La cave dissimule des cercueils vides. Des scalps garnissent un autel. Un journal de la veille repose sur un fauteuil, preuve que l'endroit est habitée. Enfin, une fissure dans le mur du salon semble s'étendre d'heures en heures. Nonobstant ces effrayantes découvertes les jeunes
gens décident d'y passer la nuit. Ils vont être tués l'un après l'autre par une silhouette qui hante les lieux. Lorsque les deux survivants parviennent à fuir et regagnent la route. Une voiture les prend à son bord. Le conducteur n'est autre que le tueur. Il les ramène au manoir. Surgit sa femme Amanda, la belle jeune fille des photos, le visage dissimulé derrière un masque. Victime d'un terrible accident de voiture causé par une bande de jeunes motards excités elle est aujourd'hui atrocement défigurée. Depuis, elle et son mari vouent une haine meurtrière à la jeunesse en général qu'ils tiennent pour responsable de tous les maux de la terre.
Après l'intéressant Al filo del hacha, slasher sanglant rondement, mené on pouvait s'attendre à deux autres films du même acabit. Rest in pieces n'était pas à la hauteur des espoirs qu'on pouvait y mettre. Deadly manor est tout aussi mitigé. Ce troisième et ultime slasher du metteur en scène est en fait bien plus un film d'atmosphère qu'un véritable slasher sanguinolent. Larraz revient aux sources même du genre, celles de Vendredi 13, The burning, Survivance et autre Don't go in the woods, ces films d'horreur forestiers mettant en scène un groupe de joyeux adolescents partis en week-end vert confronté à un psychopathe qui les décime tour à tour. L'originalité n'est donc pas au rendez-vous. La trame scénaristique
a été vue et revue maintes fois. Larraz ne fait que réutiliser les éléments qui ont fait le succès du genre. On a donc notre bande de jeunes stéréotypés à la recherche d'un lac qu'ils ne trouveront jamais, une épaisse forêt qui cache un inquiétant manoir déserté dans lequel ils passent la nuit, coincés par l'orage, et un tueur impitoyable qui rôde. Personnages et décor en place l'horreur peut commencer mais ceux qui espéraient de Deadly manor une série de meurtres sanglants, des excès gore, seront amèrement déçus.
Larraz en effet choisi une toute autre option, celle du film d'horreur atmosphérique. Et contre toute attente cela fonctionne plutôt bien. Dés le générique, la découverte de corps nus gisant
dans un bosquet, Larraz instaure un climat de malaise renforcé par ce décor lacustre, ces routes et forêts perdues, et surtout ce manoir lugubre qui se dresse au milieu des arbres aux abords d'un parc. Originale est l'idée de la voiture-monument, inquiétant véhicule accidenté rempli d'objets morbides dont le klaxon se met en marche la nuit (Christine sort de cette épave!). L'intérieur du manoir ressemble à un gigantesque autel avec cette chambre tapissée de photos d'une splendide jeune fille dévêtue, cette armoire qui renferme des bocaux remplie de scalps, cette cave à cercueils et cette fissure dans le mur qui doucement, lentement s'agrandit. Il ne se passe rien mais le mystère plane, l'ambiance se fait gentiment
pesante, intrigue, pousse le spectateur à découvrir le secret de cette bâtisse si secret finalement il y a. L'assassinat hors champ de la première victime le confirme. Larraz y ajoute une légère dose d'érotisme par le biais d'un rêve troublant que fait un des protagonistes, assoupi sur le lit d'une des chambres du manoir. La fille des photos vient lui faire sauvagement l'amour. Il faut avouer que Larraz connait son métier. En bon professionnel qu'il est il parvient à capturer l'attention du spectateur, l'intriguer, lui faire ressentir ce doux petit frisson de peur avant de donner lors des vingt dernières minutes dans le slasher traditionnel, cette fois ci moins intéressantes. Fini les surprises, les interrogations, le suspens, tout a été
vu et revu. Le faux espoir de fuite, le retour au manoir et l'explication finale, si conventionnelle, forcément décevante et pas très crédible surtout, trop énorme. Deadly manor se transforme alors en un simple slasher comme on en faisait à la chaine dans les années 80. Le coté atmosphérique des trois quart du film laissait espérer une ultime bobine à la hauteur de nos espérances. Larraz a choisi la facilité, l'énorme. Dommage.
On regrettera également le comportement stupide, complètement illogique des protagonistes qui trop souvent vont à l'encontre du bon sens. Qui passerait la nuit dans une maison isolée truffée de scalps, envahie de cercueils... car le soir tombe (en plus), que la
pluie tombe alors que la voiture est tout prêt et ne demande qu'à repartir vers des lieux bien plus sûrs? Qui ne se poserait pas de question surtout dans ces circonstances si un des membres de la bande disparaissait? Qui ne prendrait pas peur en découvrant un album photos rempli de clichés de cadavres? Le récit devient donc vite improbable peu aidé par des dialogues souvent niais et un jeu de comédien parfois approximatif. Dernier regret, celui de ne pas avoir plus développé le personnage de Jack l'auto-stoppeur qui finalement ne sert pas à grand-chose si ce n'est de donner un semblant de crédibilité au dénouement. Dommage là encore. L'effort tombe vite à l'eau d'autant plus qu'il disparait en cours de route,
tué là encore hors champ. Un fait frappera cependant le spectateur attentif. Jack boite mais sur certaines séquences il oublie son claudiquement. Encore plus étonnant. Il enfonce une porte avec la jambe qui lui fait mal!
Aucun gros nom à l'affiche. On retiendra juste ceux de Greg Rhodes (Tony) qu'on avait vu auparavant dans Ghosthouse de Umberto Lenzi et Jerry Kernion qui par la suite fera une grande carrière à la télévision américaine. Notre oeil retiendra quant à lui la beauté de Clark Tufts, l'autostoppeur, qu'on reverra par la suite dans Voodoo aux cotés de Corey Feldman avant qu'il ne quitte le métier pour s'intéresser à la musique puis aux sports sur glace.
Deadly manor est un film d'horreur atmosphérique à tout petit budget, honnête, discret, réalisé avec un certain professionnalisme par un José Ramon Larraz qui s'est malheureusement laissé happer par la facilité en fin de bande. Reste donc une pellicule assez efficace au niveau de l'ambiance, visuellement très belle, joliment photographiée, ponctuée de quelques effets sanglants appréciables, de quoi faire oublier les nombreuses incohérences d'un récit peu crédible.