Ondata di calore
Autres titres: Dead of summer
Real: Nelo Risi
Année: 1970
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 88mn
Acteurs: Jean Seberg, Luigi Pistilli, Lilia Nguyen, Gianni Belfiore, Paolo Modugno, Franco Acampora, Stefano Oppedisano...
Résumé: Joyce est seule chez elle quelque part à Agadir. L'air est suffocant. Une vague de chaleur s'est abattue sur la ville. Elle attend son mari qui ne la rejoint pas. Elle est seule, anxieuse, nerveuse, apeurée. Elle a chaud, très chaud. Elle se sent frustrée. Elle va voir son médecin, se fait hospitaliser. A son retour un cadavre git sur le sol de son appartement...
Frère du cinéaste Dino Risi Nelo Risi s'est fait connaitre à la télévision et surtout dans le film documentaire et le court-métrage dans lequel il officia durant la majeure partie de sa carrière. Il signe son premier long métrage en 1966, Andremmo in citta un drame de guerre avec Geraldine Chaplin. Cinq autres films suivront étalés sur pratiquement dix ans, tous tombés aujourd'hui dans l'oubli malgré leurs prétentions auteuriales. Réalisé en 1970 Ondata di calore est son second film, son plus ambitieux mais également son plus abstrait, une oeuvre difficile, étrange, qui n'a malheureusement pas permis à son auteur d'atteindre la popularité de son célèbre frère.
Joyce, séduisante quadragénaire, est l'épouse d'un architecte mondialement réputé, Alexander Grasse. Ils se sont installés à Agadir dans un bel appartement. Alexander est parti en voyage d'affaires. Joyce l'attend mais ignore lorsqu'il rentrera, si jamais il rentre. Elle est seule dans l'appartement. L'air conditionné est en panne. Une vague de chaleur exceptionnelle s'est abattu sur Agadir. La ville est balayé par une tempête de sable. Joyce a chaud, elle n'en peut plus. Elle cherche à se rafraichir. Elle suce un glaçon, veut prendre une douche mais l'eau est terreuse. Elle écoute en boucle la voix de son mari sur des bandes magnétiques, seule présence rassurante dans cette ville étrangère où elle ne sent pas à
l'aise. Elle découvre une poupée gonflable, joue avec. Joyce en plus de souffrir de cette solitude, est sexuellement frustrée. La chaleur accentue sa frustration. Elle voit ses voisins faire l'amour. Elle tente alors de séduire Ali, un adolescent, qui s'enfuit terrorisé. Joyce est de plus en plus frustrée. Tout l'effraie, l'angoisse la saisit. Elle ne supporte plus ni cette canicule ni cette tempête de sable. Elle va à la plage, s'enlise, rend visite à son médecin, le docteur Volterra. Elle lui demande la permission de rester à la clinique pour se reposer un peu. Il accepte. Elle regarde la télévision un documentaire sur les danses tribales locales. Les chants la rendent hystérique. Son docteur la rassure et l'amène faire un tout en voiture. Elle
prend peur et s'enfuit. Elle retourne chez elle. L'appartement est envahi de policiers. Le jeune Ali a le visage tuméfié, un cadavre est allongé sur une civière. La police écoute les bandes magnétiques sur lesquelles on entend la voix de Joyce tentant de séduire l'adolescent. Tout semble accuser la jeune femme d'avoir commis un meurtre. Hagarde elle semble avoir sombré lentement dans la folie à moins qu'elle ait perdu la raison déjà bien avant.
Difficile de résumer Ondata di calore, le film se regarde. Nelo Risi signe ici une sorte de drame existentiel, celui d'une épouse laissée à l'abandon par son mari dans une ville inconnue qui lui fait peur car elle n'en comprend pas les us et coutumes. Ce malaise est
amplifié par la vague exceptionnelle de canicule qui sévit sur Agadir et l'empêche d'interagir avec le monde extérieur. Bloquée dans cet appartement où elle suffoque l'angoisse, la peur l'envahissent, des sentiments que la solitude, le doute, l'isolement amplifient encore plus. La frustration s'empare d'elle, lui fait perdre son sang froid, soudainement prête à tout pour un peu de compagnie... de sexe. Joyce est une femme fragilisée, sensible, en panique, totalement déboussolée qui a tout moment peut perdre pied dans un environnement qu'elle ressent comme hostile. Seule chose qui la rassure, lui permet de tenir est d'écouter la voix de son mari sur des bandes magnétiques, une présence fantomatique qui l'apaise. Mais où
est ce mari? Où est il parti? Reviendra t-il? Est il encore là tout simplement? Et ne serait il pas homosexuel comme le suggèreraient certaines photos prises aux cotés du jeune Ali mal à l'aise avec les femmes? N'est il pas les premiers signes de la folie latente de Joyce?
Ondata di calore est une oeuvre à la limite de l'expérimental, un film d'auteur dans la lignée d'Antonioni même si Risi n'a pas le talent ni l'expérience du grand metteur en scène. Cependant il réussit à mettre en scène une pellicule atmosphérique envoutante, curieuse, fascinante, prenante malgré sa lenteur. Toute la force du film tient dans la réussite à avoir su créer un véritable climat d'angoisse palpable, à faire parfaitement ressentir au spectateur
cette vague de chaleur suffocante tant extérieure qu'intérieure faisant ainsi naitre un sentiment de malaise tout aussi palpable dans un quotidien qui prend alors une dimension quasi fantastique, irréelle donc effrayante. Et la tempête de sable traversée par les silhouettes noires et voilées des indigènes n'est qu'un élément de plus à cet environnement étouffant. Risi sait parfaitement bien jouer de chaque objet, de chaque situation, de chaque action et geste aussi anodin soit-il de son héroïne. Tout devient prétexte à créer une impression d'oppression, d'anxiété, de bizarre, révélant petit à petit la névrose de Joyce. On suspecte la folie sans pour autant jamais en avoir des preuves tangibles. Joyce s'apparente
facilement au personnage de Catherine Deneuve dans Répulsion de Polanski. La solitude et la frustration couplés à cette peur de plus en plus forte auront raison d'elle à moins que tout ça n'ait été qu'une terrible machination comme pourraient le laisser penser les quinze dernières minutes du film qui soudainement sombre dans le thriller.
Quel rôle a joué Ali l'adolescent qu'on retrouve chez Joyce le visage tuméfié de manière inexpliquée? Qui est le cadavre allongé sur la civière? est ce son mari? Joyce l'aurait elle tué? Pourquoi la voix de Joyce a t-elle été enregistrée sur les bandes magnétiques qui l'accusent de ces terribles évènements? Quand aurait elle pu commettre ces délits à moins
d'avoir depuis longtemps sombré dans une folie schizophrène qui remettrait en cause tout le film? Le docteur aurait il joué un rôle? Pourquoi en effet ne bronche t-il pas lorsque Joyce vole sa voiture sous ses yeux pour s'enfuir? Aurait il aidé sa patiente à entretenir sa folie pour d'obscures raisons? Toute la fin du film est ainsi laissée à l'imagination du spectateur qui aura donc ses propres théories, une fin ouverte qu'on jugera plus ou moins réussie, plus ou moins frustrante mais qui accentue l'aspect étrange, fascinant de l'ensemble. Difficile après que le mot fin soit apparu ne pas avoir un gout amer au fond de la gorge, de ne pas être perplexe, troublé, les neurones en ébullition.
Si la mise en scène, la photographie superbe, l'adresse de Risi à avoir su créer une atmosphère palpable sont les atouts majeurs de Ondata di piacere bénéficie en plus d'une impressionnante partition musicale faite de sons distordus, étranges, de mélodies inquiétantes auxquelles se mêlent des chants tribaux marocains stridents et d'une interprétation hors pair de Jean Seberg. Magistrale dans le rôle de Joyce ellei occupe à elle seule les trois-quart du métrage. Belle, fragile, perdue Jean parvient à traduire de manière très convaincante les troubles névrotiques de cette femme en proie à ses démons et porte à elle seule le film sur ses frêles épaules. Les seconds rôles sont tout aussi excellents aussi
brefs soient-ils. Luigi Pistilli est un docteur (symboliquement nommé Volterra) bien calme et impassible face à la névrose de sa patiente. On sera séduit par la beauté du jeune Gianni Belfiore (Ali) dont ce fut l'unique prestation à l'écran et l'apparition du générique Stefano Oppedisano (le voisin) tout aussi ravissant. La voix off de Renzo Palmer, le fantomatique mari de Joyce, joue également un rôle important quant à l'atmosphère générale du film, omniprésente tout au long du métrage.
Oeuvre sensorielle Ondata di calore est une descente trouble et troublante au coeur même de la solitude d'une femme névrosée, un film à la fois tragique et puissant qui sans avoir la
force philosophique d'un Antonioni n'en demeure pas moins aujourd'hui particulièrement envoutant, hypnotique, presque dérangeant. Après un voyage dans les méandres de la schizophrénie de la patiente de son premier film et avant Una stagione all'inferno (une vision personnelle des derniers jours de la vie de Rimbaud au coeur de l'esclavagisme noir) et sa reconstitution aussi cruelle qu'infamante d'une des pages les plus dramatiques de l'Histoire de Milan (La colonna infame) Nelo Risi montrait de réels talents de réalisateur qui bizarrement ne lui permirent néanmoins pas de sortir de l'ombre de son frère. Son oeuvre est malheureusement perdue aujourd'hui.
Voilà en tout cas une petite gemme du cinéma italien des années 70 d'autant plus que précieuse que la rareté du film oublié tant des éditeurs vidéo que DVD, disparu de la programmations des festivals, uniquement visible aujourd'hui via quelques épisodiques passages sur les chaines italiennes nocturnes, en fait une véritable pièce de collection à l'instar des autres films du réalisateur.