I giovani tigri
Autres titres: Les jeunes tigres
Real: Antonio Leonviola
Année: 1967
Origine: Italie
Genre: Comédie dramatique / Action
Durée: 99mn
Acteurs: Helmut Berger, Massimo Farinelli, Luca De Filippo, Vanni De Maigret, Martine Malle, Maria Pia Arcangeli, Ray Lovelock, Elena Borgo, Luca De Filippo, Sabrina Ciuffini...
Résumé: Cinq jeunes bourgeois tous mineurs se retrouvent en garde à vue suite à une partie de roulette russe qui a mal tourné lors d'une hippie party. Innocentés ils décident afin de tuer le temps de dérober dix milliard de lires au père de l'un deux. En véritables petits James Bond qu'ils sont ils montent un plan machiavélique particulièrement astucieux...
Ultime réalisation de Antonio Leonviola, petit metteur en scène à la brève carrière qui durant les années 60 tourna quelques péplums, I giovani tigri / Les jeunes tigres est une véritable trouvaille, un curieux petit joyau pré-soixante-huitard qui à sa façon annonçait toute une vague de films mélangeant délires, humour, aventures sur fond de psychédélisme bon enfant, un soupçon d'anti conformisme en plus ici.
Afin de fêter les vacances d'été, cinq bourgeois milanais âgés de 16 à 18 ans, Dario, Sam, Paride, Fosco et la jolie Consuelo, se retrouvent dans une villa où se déroule une party
mondaine entre jeunes. Afin de pimenter cette soirée déjà assez bien arrosée Dario qui vient de trouver un pistolet quelque part dans la demeure propose une partie de roulette russe. Si certains sont tout d'abord réticents, alcool et joints aidant, tous finissent par trouver ce défi très excitant. Lorsqu'une jeune fille meurt une balle dans la tête tous s'enfuient. Afin que personne ne soit accusé de meurtre Dario alerte la police. Les cinq jeunes après une nuit en prison sont relâchés. Les vacances peuvent continuer. Lors d'un déjeuner à bord du yacht du père de Dario, un armateur, ils apprennent qu'il est en passe de signer un contrat avec un groupe d'asiatiques qui travaillent sur un appareil photo instantané révolutionnaire, une
affaire de quelques dix milliard de lires. Fosco met alors sur pied un plan machiavélique digne de James Bond destiné à dérober l'argent lors de son transport en train dans une valise. Après moult péripéties ils réussissent à s'en emparer. Ils doivent maintenant trouver un moyen pour l'utiliser sans être accusés de vol. Sam, fils d'un avocat, a la solution. Ils vont s'appuyer sur un article du code pénal qui dit que tout objet quelque qu'il soit trouvé et n'appartenant à personne devient la propriété de celui qui a mis la main dessus. Ils n'ont plus qu'à cacher la valise quelque part dans la nature, organiser une promenade en vélo en famille, prétendre une crevaison proche de l'endroit où l'argent est camouflé et faire semblant
de le trouver par hasard. Le stratagème fonctionne. Nos cinq tigres sont riches et vont passer un superbe été.
Tout démarre comme un énième film sur l'ennui et le mal être de la jeunesse bourgeoise, du vide existentiel qui frappe ces fils de riches dans l'Italie de cette fin d'années 60, prêts à tout pour tromper leur ennui. Point étonnant donc que dés l'ouverture du film on se retrouve au coeur d'une hippie-party de luxe où une foule bigarrée de jeunes bourgeois chevelus dansent au son de jerks endiablés, fument, boivent, s'enlacent sur un sol en mosaïques à fleurs avant un épisode dramatique, une partie de roulette russe orchestrée par un des cinq tigres. Cette longue séquence (plus de cinq minutes) menée avec brio est un petit monument
certes d'insouciance mais surtout de suspens et de tension qui ne prendra fin qu'avec la mort d'une lolita de 15 ans, une tragédie atroce qu'on prévoyait sans pour autant savoir quand elle se produirait ou sur qui elle tomberait. Ceux qu'on pouvait penser être des monstres, des délinquants dorés totalement inconscients, antipathiques, vivant dans leur réalité vont se transformer en jeunes garçons espiègles, un peu fous-fous, drôles et surtout inoffensifs, bercés par les aventures de James Bond dont ils ont vu les films, une transformation que Leonviola opère à merveille. L'intensité dramatique de cette ouverture tranche en effet avec le coté bien plus ludique et délirant du reste du film qui dés lors va
prendre une tournure tellement plus légère, plus folle, plus absurde.
Dés leur sortie de garde à vue nos cinq tigres vont élaborer un plan époustouflant pour dérober au père de l'un deux une somme d'argent considérable non pas par cupidité, par vice ou méchanceté mais pour tout simplement s'amuser et passer le temps. I giovani tigri se transforme alors en "casse du siècle" mené de main de maitre par cinq grands adolescents qui pour l'occasion se transforment en James Bond en herbe, leur héros. On passe du drame, du documentaire sur les moeurs bourgeoises pré-années 70 au pur cartoon, aux fameux fumetti comme le laissait d'ailleurs envisager le générique de début
gaiement déjanté réalisé tout en animé. L'ensemble est complètement invraisemblable, délirant mais qu'importe. Leonviola s'amuse tout comme nos jeunes mais ils s'amuse avec rigueur. On peut être sérieux tout en étant dans la plus totale improbabilité. N'est ce pas le propre du dessin animé? C'est donc avec une rigueur mathématique presque algébrique qu'ils montent leur plan, se déguisent, traquent, espionnent, détournent et prennent même d'assaut le train qui transporte l'argent, le tout avec humour et en toute impunité. L'épopée est épique et, aussi hallucinante soit-elle, captive tant on s'amuse avec cette jeunesse irrévérencieuse jusqu'au final joyeusement amoral ou quand le code pénal donne raison aux
voyous en s'appuyant sur un obscur article. Entre la comédie juvénile, la parodie des James Bond version adolescente, le cartoon, la farce grotesque (le repas final à la campagne) et le drame social juvénile l'ensemble sur fond de décors et d'atmosphère typiquement fin années 60 pré-hippie le tout arrosé d'une bonne dose d'immoralité voire d'un zeste de subversion I giovani tigri est un régal absolu d'où suintent quelques touches d'audace comme on aimait alors en user (l'adolescente candide qui aguiche innocemment l'homme qui a l'âge de son grand-père, Lolita n'est pas très loin).
Plus surprenante et surtout étrange est cette aura d'homosexualité latente dans laquelle
baigne tout le film, étonnante car jamais justifiée. Outre la présence d'un tout jeune Helmut Berger solaire plus précieux que jamais dont c'était le premier film, d'une élégance raffinée dans ses cuirs noirs moulants et ses pantalons pattes d'éph' blancs, mèche au vent, nos tigres ne se quittent jamais, multiplient les poses suggestives que Leonviola semble filmer avec un certain désir notamment torses nus ou en maillots de bain, virils, enchainant les plans d'un homo-érotisme malicieux ensorcelant. Encore plus ambigües sont les scènes où Luca De Filippo sort de la douche et s'assoit à demi nu près d'un Helmut Berger lascif, celle où Luca de Filippo, encore lui, se détend au bord de la piscine sur les jambes de Vanni De Maigret, celle déconcertante où Helmut déjeune le pantalon ouvert, slip bien visible, face à Luca De Filippo uniquement habillée de sa serviette. Aucune fille ne gravite autour de ce noyau de jeunes minets à l'exception de Consuelo, l'amie des quatre tigres qui de son coté vole de bras en bras mais en simple amitié. Aucune ambiguïté de ce coté!
La distribution est un des autres gros atouts de ce petit film. Aux cotés d'Helmut virevoltent trois séduisants play-boys qui sont un peu plus âgés que le personnage qu'ils interprètent, le brun ténébreux Massimo Farinelli, futur petit prince du roman-photo et étoile filante du cinéma contestataire made in 70s, l'inénarrable faciès de clown du futur grand metteur en
scène et comédien de théâtre Luca De Filippo dissimulé derrière le pseudonyme Luca Della Porta et l'éphémère et très masculin Vanni De Maigret qui restera à jamais associé au film de Damiano L'ile des amours interdites. Consuelo est quant à elle interprétée par la française Martine Malle, mi-hippie mi-lolita qui fut remarquée par la productrice Marina Cicogna alors qu'elle se promenait sur une plage de Saint-Tropez. Ceux qui ont l'oeil repèreront la présence fugace de Sabrina Ciuffini parmi les invités de la party et celle tout aussi furtive d'un Ray Lovelock chevelu encore inconnu dans le rôle du jeune propriétaire de la villa où se déroule la fête.
Réalisé de manière alerte, sans temps mort, avec un sens du rythme évident par un Antonio Leonviola ludique, I giovani tigri, tourné durant l'été 1967, sorti en février 68 en Italie, est un
petit plaisir visuel multicolore aux ambiances pré-psychédéliques rythmé par une agréable musique aux accents jazz rock 60s signée Piero Piccioni. Quasiment invisible aujourd'hui, oubliée des éditeurs, cette surprenante curiosité particulièrement stylée mérite tout l'attention d'une part de l'amateur de gentilles folies anticonformistes, d'autre part des amoureux de cette période radieuse qu'était la fin des années 60 et le début des années 70 que le film reflète parfaitement. Un véritable bonheur! Un plaisir hautement sympathique parfumé d'un homo-érotisme bien innocent dont aucun message social n'est à tirer. Tout n'est ici qu'un jeu, une histoire "énoooorme" comme peut l'être une bande dessinée.