Falconhead
Autres titres:
Real: Michael Zen
Année: 1976
Origine: USA
Genre: X
Durée 71mn
Acteurs: Vince Perilli, Buddha Jon, Joe Diedrich, Tony Lee, Sabato Fiorello, Adrian Wade...
Résumé: Un étrange miroir antique d'origine inconnue envoute ceux qui le possèdent. Une fois entre leurs mains ils entrent dans une transe sexuelle durant laquelle ils vivent leurs fantasmes les plus débridés et sauvages...
Si l'américain Michael Zen, décédé en 2017, est essentiellement connu pour ses très nombreux films pornographiques hétérosexuels, une bonne cinquantaine entre le début des années 80 et 2008, il réalisa également quelques porno gay dans les années 70 devenus aujourd'hui des classiques, des oeuvres stylisées qui bien plus que ses productions hétéros firent sa renommée. Falconhead fut le premier hardcore homosexuel qu'il tourna, un film devenu culte aujourd'hui aux yeux des amoureux de X vintage aussi glauque qu'envoutant.
Un homme à tête de faucon, tout de cuir noir vêtu, détient un petit miroir antique aux pouvoirs
surnaturels. Quiconque se regarde dedans est immédiatement ensorcelé par le reflet de sa propre image déclenchant une crise instantanée de narcissisme profond. Les sens du mâle s'enflamment réveillant en lui une sexualité débridée. Le rituel est toujours le même. L'homme s'endort, entre en transe et, déchainé, se met à s'aimer passionnément dans une sorte de rêve torride, fou, avant qu'inéluctablement un second mâle le rejoigne, attisant encore plus sa folie passionnelle. Trois hommes seront les proies du miroir, trois hommes qui se retrouveront dans un ultime rêve lors d'un final aussi délirant que violent et cauchemardesque.
Les miroirs ont toujours séduit tant la littérature que le 7ème art nourrissant ainsi un imaginaire quasi infini. La pornographie tant hétérosexuelle qu'homosexuelle, lorsqu'elle celle ci pouvait encore être considérée comme du véritable cinéma, explora elle aussi ce thème et donna quelques petits chefs d'oeuvres du X fantastique dont le classique Femme ou démon / Through the looking glass de Jonas Middleton dans lequel une femme frustrée se transposait dans un univers charnel débridé grâce à un miroir magique qui l'emportera aux Enfers. Avec Falconhead, réalisé la même année, Zen reprend cette trame dans un contexte cette fois 100% viril tout en empruntant ça et là quelques mythes et symboles de la
mythologie grecque et égyptienne. Cet homme à tête de faucon, sculpturale silhouette encapée vêtue de cuir noir, fait référence au Dieu tout puissant Horus. Il détient ce fameux miroir qui va se retrouver entre les mains de trois étalons après qu'un soumis ait rampé à ses pieds pour mieux lui lécher ses bottes et lui offrir son corps. Falconhead est ainsi composé de trois segments d'environ vingt minutes que rien ne relie entre eux si ce n'est ce miroir et un mystérieux shaman, une sorte de hippie barbu inquiétant outrageusement maquillé. Qui est il réellement? L'énigme subsistera.
Pour Michael Zen le miroir comme d'ailleurs chez Jonas Middleton est considéré comme un
passage vers l'Enfer, vers un univers cauchemardesque dans lequel ceux qui s'y perdent donnent vie à leurs fantasmes sexuels les plus pervers. Falconhead est un film sur le narcissisme qui doucement glisse vers la soumission, l'avilissement, la domination. Les trois protagonistes sont attirés par le cuir, le bruit des chaines, la brutalité dans les rapports homme/homme. Ils sont plongés dans ce monde où plaisir et agonie se marient dans un cocktail de sexe sulfureux, sale, animal. L'homme n'est plus qu'une bête livrée à ses désirs les plus crasses qu'il vit seul dans un premier temps lors de longues et frénétiques séances d'onanisme avant de les continuer à deux dans une puissante relation dominant/dominé tout aussi bestiale sans ne plus pouvoir ensuite pouvoir s'échapper de cet univers qui suinte la
sueur et le sperme, où règnent bondage et sadomasochisme extrême. Le sexe est un piège qui se referme dont l'homme ne pourra plus s'extirper, prisonnier du miroir, de l'Enfer, en fait de ses désirs, de ses appétits. C'est ainsi que les trois étalons transformés en furies se retrouveront réunis lors d'un final indescriptible hautement onirique, surréaliste, projetés dans une espèce de purgatoire où le plaisir animal, le désir charnel remplacent la véritable jouissance, le réel bonheur sexuel détruisant toute liberté. Rarement avait-on atteint un tel climax, un tel déchainement de violence sexuelle filmée de manière frénétique par un Zen qui
marie admirablement bien extase et agonie, sous l'oeil du shaman transformé pour l'occasion en démon hystérique, d'Horus et de son esclave, tout deux impassibles. Rien que pour ses quinze dernières minutes apocalyptiques Falconhead vaut d'être vu.
Outre son coté fantastique, irréel, ce qui caractérise Falconhead c'est l'aspect crasse de la sexualité masculine qu'il étale sur près de 70 minutes. Loin de toute sensualité, d'érotisation ou d'auto érotisation, Michael Zen montre de l'homosexualité sa face la plus âpre, la plus redoutable, la moins reluisante. Le sexe est ici brut de décoffrage et renvoie à l'image d'une certaine virilité "hyper machiste", animale à l'instar des pratiques sexuelles décrites. Dés
l'ouverture trois éléments sont omniprésents, la salive, le crachat, la bave dont on s'enduit le corps tout entier y compris ses plus intimes recoins. Ils servent de lubrifiant, se mélangent à la sueur, au sperme. Ils dégoulinent, on lèche et on se lèche, on se dévore jusqu'à provoquer l'écoeurement chez les plus sages ou les plus sensibles, le tout amplifié par une avalanche de bruits sonores organiques, de succions, de râles, de soupirs dégoutants, de borborygmes du moins dans la version vidéo originelle (le DVD semble avoir été adouci). On s'offre, on se soumet, on se déchaine consumé par le feu des Enfers qui brûle les entrailles, à deux puis à trois même si Zen reste assez classique au niveau des scènes de sexe, aussi
intenses soient-elles, composées pour la plupart de longues et goulues fellations, anulingus, masturbations frénétiques et quelques sodomies. C'est plus l'image sadomasochiste qui prime ainsi et ce qu'elle renvoie comme fantasme. Le metteur en scène ose tout de même quelques audaces notamment lors des ébats entre l'homme à tête de faucon et un des étalons, soumis à ses penchants abjects, comme ce préservatif noir qui recouvre son sexe. L'homme va le lécher, le sucer puis l'avaler avant que l'homme oiseau ne le récupère au fond de sa gorge et s'en serve comme gant de latex.
Malgré l'aspect décapant, poisse, sauvage, vénéneux de ces scènes Falconhead se
caractérise aussi par une constante recherche visuelle qui donne à l'ensemble un coté plutôt arty parfois expérimental, envoutant souligné par une bande originale entre rock progressif et plages synthétiques planantes accentuant l'aura mystérieuse, étouffante, presque cauchemardesque dans laquelle baigne tout entier Falconhead. Zen use et abuse des fumigènes et privilégie les tons rouges, oranges, or en totale adéquation avec les flammes de l'enfer afin d'accentuer encore plus l'incandescence des scènes de sexe. Malgré une orientation trash évidente Zen s'évertue cependant à mettre ça et là quelques touches d'onirisme, de poésie macabre (les apparitions de l'homme faucon) et d'homo-érotisme qui
telle une bouffée d'air frais allège le tout. On regrettera simplement que le metteur en scène se soit essentiellement concentré sur la pornographie, le sexe oubliant un peu trop l'histoire elle même qui malgré son scénario demeure frustrante car pas réellement traitée d'où ce sentiment parfois gênant de répétition. Les trois segments se suivent et se ressemblent ce qui pour certains peut s'avérer un brin lassant.
L'affiche est alléchante. Le spectateur pourra lui aussi se lécher les babines et baver sur une distribution à l'image du film, virile, composée d'inconnus dont ce fut la seule et unique prestation à l'exception de Tony Lee vu auparavant dans Morning noon and night, une jolie
brochette de comédiens tous mieux membrés les uns que les autres à la beauté fortement estampillée années 70, un plaisir pour tous les amoureux de moustaches et de cheveux mi longs, de muscles explosifs et de corps fins mais solides à la Freddie Mercury dont Vince Perilli semble être le sosie. Dans un rôle non sexuel l'imposant Buddha Jon en shaman hippie effroyable est impressionnant.
Régulièrement primé lors de festivals, une oeuvre incontournable, un film culte de la
pornographie gay 70s Falconhead est un porno vintage aussi surprenant que captivant de par son atmosphère suffocante, irréelle. Michael Zen a mis en scène un rêve humide qui vire au cauchemar afin de nourrir nos rêves interdits à nous. Voilà une des pièces maitresse du hardcore gay pré condom, l'union parfaite entre la pornographie et le fantastique qui devrait faire le bonheur des adeptes de virilité crasse aimant faire rimer comme nous puissance, violence et jouissance.
A privilégier la version vidéo américaine éditée jadis préférable à la version restaurée allégée au niveau bande son.
Michael Zen tournera une séquelle huit ans plus tard, en 1984, Falconhead 2: the maneaters, plus travaillée au niveau du scénario et surtout plus impressionnante encore que le premier opus.