Il tunnel sotto il mondo
Autres titres: The tunnel under the world
Real: Luigi Cozzi
Année: 1969
Origine: Italie
Genre: Fantastique
Durée: 57mn
Acteurs: Alberto Moro, Bruno Salviero, Anna Mantovani, Lello Maraniello, Gretel Fehr, Isabel Karalson, Pietro Rosati, Ivana Monti, Luigi Cozzi...
Résumé: Le 32 juillet d'une année incertaine dans une société dévorée par la technologie un homme marié revit chaque matin la même journée. Il sort de chez lui et se fait tuer par le père de sa secrétaire avec qui il sort.
Essentiellement connu pour ses collaborations avec Dario Argento et quelques peu films bien peu reluisants (l'insupportable Starcrash, le désespérant Il gatto nero, l'hilarant Herculesmais un intéressant et très fonctionnel Contamination) Luigi Cozzi débuta sa carrière en tant que réalisateur en 1969 à tout juste 22 ans en adaptant le court roman de Frédéric Pohl Il tunnel sotto il mondo, une étrange histoire de science-fiction cérébrale.
Très peu connue du grand public, souvent oubliée dans la filmographie du metteur en scène, cette adaptation relève en fait plus de la curiosité que du grand art puisqu'on se trouve face à une véritable bizarrerie qu'il est assez difficile de résumer.
L'action se situe un 32 juillet. Le héros qu'on suppose être un publiciste se réveille chaque matin et revit à chaque fois la même journée à quelques détails près. Il se lève et se fait tuer d'un coup de fusil tiré par un homme qui s'avère être le père de sa secrétaire. la jeune fille est amoureuse de lui mais l'homme est marié. Lui seul semble s'en rendre compte. Ces évènements se déroulent dans un monde désolé dévoré par la technologie, le consumérisme et envahi d'êtres masqués inquiétants (dont un déguisé en monstre de Frankenstein) cachés dans les bois. A partir de là le scénario part en vrille. Il n'y a plus vraiment d'intrigue. Seules comptent les images et les nombreux personnages qui la
traversent en récitant en voix off de longs, très longs monologues. Il n'y a en effet aucun dialogue entre les divers protagonistes. Le seul que compte le film, un vrai délire philosophique est en fait avec un robot. Autant dire que Il tunnel sotto il mondo, écrit par Alfredo Castelli, le créateur de Martin Mystère, est un film, un moyen-métrage plus exactement particulièrement déroutant. On pense inévitablement à Un jour sans fin et Truman show bien avant l'heure en visionnant cette satire particulièrement acide du consumérisme et de la publicité moderne, ce pamphlet contre la propagande capitaliste qui tente en fait de répondre de manière ironique à la question qu'est ce que le temps, à quoi
ressemble t-il, quel aspect peut il prendre. Reste à savoir si Cozzi y arrive.
Visiblement non puisque c'est perplexe, dubitatif qu'on arrive en fin de métrage, un sentiment d'ennui et de surprise mêlés nous tenaillant. Ce fameux tunnel sous le monde décrit en ouverture comme un tunnel métaphorique étroit, obscur qui se déploie en multiples ramifications, s'étend en nous, dans nos maisons, nos vies, nous terrifie jusqu'au plus profond de notre âme et semble vouloir nous avaler tel un tourbillon vertigineux, un tunnel qui est également une sorte de tuyau d'échappement dont on aimerait justement s'évader tant le metteur en scène ne parvient jamais à créer une véritable atmosphère.
Entre film expérimental et tentative de science-fiction tendance philosophique façon 2001 réalisé sans aucun budget Il tunnel sotto il mondo vaut avant tout pour quelques séquences curieuses comme celle où un ordinateur est à la recherche de Dieu afin de prendre en compte son existence pour parfaire ses données même s'il hait Dieu car c'est lui qui a droit de vie et de mort sur l'Homme. Dieu est donc un assassin mais en même temps c'est de sa volonté que la machine qui bien ironiquement fait tourner le monde fut créée, une machine qui n'a cependant ni volonté ni choix de décision. Elle a donc de quoi détester ce Dieu.
Pour le reste Il tunnel sotto il mondo privé tant de ligne narrative que de langage narratif est
un assemblage, un collage d'images destructuré qui narrent mille historiettes auxquelles on a du mal souvent à donner un sens. Surnagent ça et là quelques plans délirants tels ces Père Noël meurtriers abattus dans la neige par un jeune étranger, les personnages qui se transforment en dessins animés fluorescents ou la retranscription du rêve d'Isabel la princesse des étoiles, faite d'images réelles, de stock-shots retravaillés et d'effets psychédéliques, une opération technique intéressante qui montre la volonté de Cozzi de vouloir faire quelque chose d'innovateur, unique en Italie surtout à cette époque. Cette retranscription est certainement un des meilleurs moments du film. Il est regrettable que la
singularité du projet soit loin des ambitions de départ de Cozzi, incapable d'instaurer ce climat d'angoisse, d'inquiétude, d'aliénation relatif à sa vision du futur sans parler de ce coté amateur qui ne fait qu'appuyer ce sentiment d'échec. Difficile dans ce cas d'accrocher à cette expérience cinématographique dont les comédiens certains non professionnels étaient pour la plupart des amis de Cozzi.
Louable dans ses intentions Il tunnel sotto il mondo entièrement tourné à Milan en plein hiver 69 se révèle au final un échec, un essai underground malheureusement exempt de l'essence même qui donne à ce type de cinéma tout son intérêt et fait son charme, fascine et
intrigue. Noyé dans un prêchi-prêcha politico-philosophique obscur sans grande signification ce premier essai cinématographique de Luigi Cozzi ennuie bien plus qu'il n'intrigue. La curiosité s'éteint assez rapidement laissant place à une lente lassitude. Outre qu'il soit aujourd'hui devenu difficilement visible si ce n'est lors de passages en festivals ou via une vieille édition vidéo italienne reste l'aspect bizarre de l'ensemble, quelques séquences étranges pour sauver ce tunnel sous le monde des abimes de l'ennui. Son principal intérêt réside ailleurs. Il faut simplement le voir et le regarder comme un des premiers films si ce n'est le premier film underground, le premier film expérimental tourné en Italie à une époque où ce style de cinéma n'existait pas encore au pays de Dante. Ca ne sauvera pas le film mais ça le fera voir simplement sous un autre angle. Là est sa seule et unique force. Cozzi débutera véritablement sa carrière trois ans plus tard avec le giallo L'assassino è costretto ad uccidere ancora, une de ses meilleures réalisations avec Contamination.