Ich ein groupie
Autres titres: Je suis une groupie / Sesso a domicilio / Higher and higher / I am a groupie / Me a groupie
Real: Erwin C. Dietrich
Année: 1970
Origine: Suisse / Allemagne
Genre: Drame
Durée: 78mn
Acteurs: Ingrid Steeger, Rolf Eden, Vivian Weiss, Liz Paelz, Stewart West, Terry Mason, Sharon Richardson, Bernd Koschmidder, Bruno Frenzel, Petra Prinz, Brend Noske, Andreas Scholz, Joaquim Schmidt, Wolfgang Rumler, Reinhold Sobotta...
Résumé: Vicky, une jeune londonienne, passe la nuit avec le chanteur d'un groupe de rock rencontré lors d'un concert dans un parc. Il lui promet de l'emmener avec lui à Berlin le lendemain. Malheureusement lorsqu'elle se réveille il est déjà parti. Elle décide de le rejoindre par ses propres moyens dans la capitale allemande. Elle part avec une groupie, Vivian. De Londres à Amsterdam en passant par Zurich et Munich elles vont coucher avec les musiciens des groupes qu'elles croisent, se font de l'argent en vendant de la drogue et finissent par arriver à Berlin...
Producteur, scénariste, metteur en scène l'allemand Erwin C. Dietrich, décédé en 2018, débuta sa prolifique carrière dés le milieu des années 50 avant d'y mettre un terme à l'aube des années 2000. En quasiment cinquante ans dissimulé sous de nombreux pseudonymes c'est une centaine de films qu'il produisit et/ou réalisa en se spécialisant plus particulièrement dans l'exploitation, l'érotisme et la pornographie douce.
Avec Ich ein groupie / Je suis une groupie tourné fin 1969 Dietrich tente une incursion dans l'univers du psychédélisme, un thème alors très à la mode au cinéma, un film pop dans tous
les sens du terme en nous invitant à suivre les aventures d'une jeune anglaise, Vicky, bien décidée à retrouver Stewart, le chanteur de son groupe rock favori avec qui elle a passé la nuit et découvert ses premiers joints. Malheureusement à son réveil Stewart est parti pour Berlin pour honorer sa tournée. Accompagnée d'une groupie, Vivian elle décide de se rendre à Berlin par ses propres moyens pour rejoindre son chanteur chevelu qui dans son délire hallucinatoire lui a dit qu'il était amoureux d'elle. Amsterdam, Zurich, Munich seront les différentes étapes de nos deux groupies. Au gré de leur route, elles trouvent refuge au creux des bras des musiciens qu'elles vont voir en concert ou en boites de nuit et se font de
l'argent en vendant de la marijuana. Vicky devient une vraie groupie et prend gout aux drogues dures. Enfin arrivée à Berlin Vicky pense revoir Stewart mais celui ci n'est déjà plus là. Après avoir retrouvé Vivian Vicky se fait un shoot d'acide qui tourne mal. Malade, en plein délire, elle s'enfuit entièrement nue dans les rues de la capitale et meurt écrasée par un automobiliste.
L'idée du film est née de la rencontre entre Roger Corman, habitué à ce type d'oeuvres, et Dietrich. Au départ le film ne devait pas être réalisé par Dietrich mais par Jack Hill (Spider baby the maddest story ever told). Malheureusement Hill, stone quasiment 24h/24, était
dans l'incapacité de travailler et fut vite renvoyé par Dietrich qui reprit les rênes et assuma l'entière paternité du film. C'est très certainement une des raisons pour laquelle Ich ein groupie porte à 100% la griffe du réalisateur c'est à dire un mélange d'érotisme salace, d'exploitation aux limites du trash et de psychédélisme. En fait Ich ein groupie est un pur sexploitation, un véritable film pop psychédélique dans le sens profond du terme.
Le film n'est ni plus ni moins qu'une illustration de la culture hippie vu sous l'angle de l'exploitation, une peinture aux senteurs patchouli de la libération sexuelle, de l'amour libre, du sexe à gogo et de la consommation presque sans limite de stupéfiants qui caractérisait
cette période bénie. L'intrigue est simplissime et n'est finalement qu'un prétexte pour accumuler des scènes de coucheries entre nos deux groupies et les rock stars qu'elles croisent, de prises de drogues et de fumerie auxquelles s'ajoutent avec une certaine impudence quelques séquences plus singulières comme l'enlèvement de Vicky par une bande de Hell's angels, énorme clin d'oeil à Easy rider, et surtout celle d'un rite satanique dont notre blonde à forte poitrine est la victime. Il fallait oser!
Le film de Dietrich est une ode à la jeunesse de cette fin d'années 60 et début d'années 70 et son insouciance, à la liberté sexuelle, à la surconsommation de produits illicites et
hallucinogènes, à l'émancipation des sens, à la musique rock, au psychédélisme. Le ton est toujours léger, presque joyeux, frisant parfois la comédie, une des marques de l'oeuvre du cinéaste germanique, un agréable voyage au coeur des capitales et grandes villes d'Europe où cette jeunesse chevelue et colorée vit finalement au diapason, se rassemble autour des mêmes vibrations. Cette incroyable liberté, cet affranchissement de tout code, cette joie de vivre cheveux au vent, cette soif de musique définit Ich ein groupie du moins jusqu'à l'ultime quart d'heure qui voit soudain le film basculer dans l'horreur en montrant l'envers du rêve, la
toxicomanie, la mort. Le ton change, les aiguilles se plantent dans la chair, les cerveaux explosent et les délires aux teintes pourpres se muent en hallucinations cauchemardesques afin de ne pas faire oublier que les abus, les addictions aux drogues sont toujours mortelles aussi doux que puissent être les voyages au départ. L'herbe est beaucoup moins dangereuse que l'alcool assurait Stewart à la novice Vicky en ouverture de film, elle est finalement tout autant destructrice et aura raison de la jeune groupie. Cet hymne à la vie hippie peut ainsi se lire comme une sorte de documentaire sur ces années de douce utopie d'autant plus que Dietrich pour plus de véracité a demandé à quelques uns des groupes de
rock psychédéliques allemands, le krautrock, les plus en vue d'alors de signer la partition musicale et jouer leur propre rôle, un véritable plus pour tous les amateurs de rock teuton. On retrouve ainsi Birth control et Murphy Blend, deux groupes que les critiques comparaient alors à Deep purple et Uriah heep, mais aussi l'énigmatique Luke Zane et son chanteur crédité Stewart West (le groupe fut il formé pour le film, leur titre Liar devint cependant un tube) et le jazzman noir Pony Poindexter. Totalement investis dans le film les membres des différents groupes en plus de donner leur concert se donnent à fond dans les scènes de fumerie mais surtout les séquences érotiques durant lesquelles ils n'hésitent pas à se
déshabiller et même quitter leur petit slip coloré pour notre plus grand bonheur. Le bassiste des Birth control, Bernd Koschmidder, va même plus loin puisqu'il nous gratifie d'une scène à la limite de la pornographie, notamment un cunnilingus étonnant, lors de ses ébats très chauds avec Vicky, l'occasion de dévoiler en partie ses attributs masculins.
La nudité sous tous ses angles et l'érotisme sont omniprésents tout au long du métrage même si Dietrich reste décent à l'exception de cette scène et des ébats saphiques de Vicky et Vivian en fin de pellicule, On mentionnera également une séquence assez amusante
lorsque Vicky fait une fellation au batteur des U.A en plein concert. La plantureuse Ingrid Steeger et son physique de playmate, alors égérie du cinéma érotique germanique avant sa reconversion dans l'univers des spectacles pour enfants, est loin d'être avare de ses charmes et joue une partie du film entièrement nue, désinhibée, ou très légèrement vêtue ce qui est également vrai pour sa partenaire, l'anonyme Vivian Weiss dont on retiendra avant tout les fabuleux déhanchés.
A leurs cotés à l'exception du générique allemand Rolf Eden, vu quelques années plus tard dans SOS danger uranium, toute une pléthore de jeunes comédiens inconnus qui jouent leur propre rôle, des hippies engagés par le cinéaste dont on tombera forcément sous le charme, un point d'honneur au junkie à qui Vivian achète de l'herbe dans les toilettes du bar. Pour l'anecdote la bande de Hell's angels qui violente et kidnappe Vicky et sa copine était de vrais Hell's à qui Dietrich avait gentiment demandé de participer au film.
Si Ich ein groupie se taille une place fort honorable dans l'univers de l'acid movie c'est pour son coté très réaliste, son aspect documentaire sur le mode de vie et la culture hippie, très agréable illustration de ce début d'années 70 qui joint avec aisance et bonheur l'exploitation,
le trash, le voyeurisme à la magie de cette époque à jamais révolue. Hormis cette valeur informative ce sexploitation est avant tout un joli voyage dans le temps qui remplira d'étoiles les yeux de tous les nostalgiques, les amoureux et inconditionnels de l'ère hippie toujours aussi fascinante. Des cascades de cheveux longs, des fleurs dans la tête, une guitare sur les genoux, l'ivresse sexuelle à n'en plus finir sur des lits de pavots et fond d'hindouisme de pacotille, nu en tailleur sur des mottes de champignons égaré au milieu de vapeurs
pourpres, l'époque de toutes les libertés et de tous les rêves, la plus belle que l'être humain n'ait jamais connu quand l'homme comme la vie était au summum de sa beauté christique.
Ich ein groupie... Ich ein verliebter der 70er jahre!