Le sorelle
Autres titres: Les deux soeurs / The sisters / Las hermanas / Umarmung
Real: Roberto Malenotti
Année: 1969
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 110mn
Acteurs: Susan Strasberg, Nathalie Delon, Massimo Girotti, Giancarlo Giannini, Lars Bloch, Franco Abbina, Gianni Pulone, Attilio Dottesio, Nicoletta Elmi, Alfonso Giganti, Filippo Perego
Résumé: Fraichement divorcée Diana décide de passer l'hiver chez sa soeur Martha avec qui elle a eu autrefois une relation amoureuse passionnée. Martha est aujourd'hui mariée mais elle a également un amant qu'elle voit régulièrement. Diana toujours folle amoureuse de sa soeur va se servir de cette faille pour tenter de reconquérir Martha...
Assistant réalisateur pour Mauro Bolognoni Roberto Malenotti s'est à son tour essayer à la réalisation sans grande conviction malheureusement. Après une première tentative en 1964 aux cotés de son père le producteur Maleno Malenotti avec le mondo Les esclaves existent toujours il met en scène en 1969 ces Deux soeurs, un drame incestueux à prétention auteuriale.
Le mariage de Diana vient d'être prononcé. La jeune femme décide de quitter Rome et son travail de traductrice pour passer l'hiver chez sa soeur Martha qu'elle n'a plus vu depuis deux
ans. Diana tient surtout à rallumer la flamme qui existait jadis entre elle et Martha. Elle était passionnément amoureuse de sa soeur qui a mis un terme à cet inceste pour épouser Alex, un gentil et tranquille cultivateur de fleurs exotiques bien plus âgé qu'elle qui lui offre et apporte tout ce dont une épouse peut souhaiter. Si Martha semble heureuse une ombre plane pourtant sur leur union. Alex est impuissant. Elle le trompe donc avec Tamyn un homme qu'elle retrouve régulièrement dans une cabane. Alex est au courant de ses incartades. Il en souffre mais il préfère se sacrifier pour garder Martha auprès de lui. Diana consciente de cette faille dans le mariage de sa soeur est bien décidée à en profiter pour la
reconquérir d'autant plus qu'elle n'a jamais pu aimer une autre personne aussi fort qu'elle a aimé Martha, pas même son mari. Malgré l'impuissance d'Alex Martha n'a cependant aucune intention de le quitter. Au fil des jours Diana ne supporte plus que sa soeur ne lui appartienne pas, plus que jamais désireuse de revivre ses amours morbides. Elle tente de la convaincre de lui revenir mais Martha refuse catégoriquement. Elle préférerait mourir plutôt que de revivre une telle relation incestueuse du moins c'est ce qu'elle affirme. En fait elle a préféré enfouir ses sentiments pour Diana pour vivre une vie en apparence plus normale. Martha n'a cependant jamais cessé d'aimer sa soeur.
Ecrit par Brunello Rondi sur un sujet de Alessandro Fallay Le sorelle / Les deux soeurs discrètement sorti en France trois ans après sa réalisation s'inspire visiblement des oeuvres de Antonioni voire de Bergman. N'est malheureusement pas Antonioni encore moins Bergman qui veut. Malenotti qui par la suite disparaitra des écrans durant plus de quinze années malgré un sens de l'esthétique et de la mise en scène évident se contente simplement de signer un petit film d'atmosphère tout en demi ton. Les deux soeurs n'est jamais qu'un film érotique aux ambiances saphènes qui se rattache au courant de ce cinéma érotico-morbide qui fera fureur en Italie dés les années 70 dont il pourrait être un des
précurseurs. Malenotti met en scène un schéma classique, les rapports aussi exclusifs que morbides entre deux soeurs incestueuses, seules dans une vaste demeure perdue dans la campagne hivernale, sous le regard désarmé tant de l'époux aimant mais impuissant que du jeune amant. Le sorelle c'est l'histoire d'un amour interdit entre deux soeurs, un amour passionné, obsessionnel, destructeur qui resurgit deux ans après que l'une d'elles y ait mis un terme pour se marier et rentrer dans une normalité qui ne la satisfera cependant pas. Leurs retrouvailles fera rejaillir ce passé, leurs souvenirs et des sentiments qu'elles ont tenté de refouler plus ou moins profondément en elles jusqu'à ce que leur apparaisse
malheureusement trop tard l'évidente vérité. L'amour fou se transforme alors en haine mais lutter contre sa nature profonde est vain. Seule la mort les délivrera, ou l'éternel combat entre Eros et Thanatos.
Saphisme, adultère, inceste Malenotti mélange des thèmes forts, délicats surtout pour l'époque dans un film qui aurait pu être sulfureux mais ne l'est jamais vraiment. Tout se passe en fait dans le jeu des personnages. Le film est une succession de regards, d'expressions physiques, de sous-entendus, gestes suggestifs, équivoques, de silences, l'ensemble filmé comme un roman-photo morbide bercé par une partition musicale signée
Giorgio Gaslini tout en piano et violons aussi tendre et romantique que par instant étrange, inquiétante. Tout est dans le jeu des deux protagonistes, sobre presque froid, qui évoluent dans un climat mêlant zénitude et déliquescence, des décors somptueux aux couleurs intenses magnifiquement photographiés contrastant avec les paysages de cette campagne aux tons hivernaux, glacials, tout aussi joliment photographiés qui appuient ce sentiment de tristesse, de souffrance de ces deux femmes en proie aux tourments d'un amour impossible, violent. C'est de là que le film tire toute sa force, son élégance même si beaucoup risquent de rester imperméables à cette histoire somme toute banale dont le gros défaut,
contrairement à Antonioni, est de n'avoir pas su donner une profondeur psychologique à ses personnages.
Privés de toute psychologie difficile de s'attacher à ces personnages, de partager leurs souffrances intimes, leurs tourments, de plonger avec eux dans leur désespoir qui conduira au drame final. Aussi tragique soit cette conclusion il manque cette montée dramatique qui l'aurait rendu encore plus douloureuse, plus profonde. On sent, on devine l'effort mais il reste trop superficiel, trop discret pour réellement emporter le spectateur avec lui. A la psychologie le cinéaste a préféré décadence et morbidité sur fond d'érotisme glacé.
Fort heureusement l'interprétation est à la hauteur des ambitions de son sujet. La froideur, la rigidité de la blonde Nathalie Delon, impassible, presque cruelle contraste parfaitement avec le jeu de la brune Susan Strasberg, très expressive, tout en sensibilité et souffrances intimes. Elles se complètent parfaitement, sensuelles et sensibles, livrant un érotisme lui aussi discret, un jeu sur lequel repose tout le film. A leurs cotés Massimo Girotti est l'homme mature, impuissant, qui a tout compris dés le départ et regarde avec abnégation et amertume sa relation se consumer, se détruire. Un tout jeune Giancarlo Giannini interprète Dario le cousin de l'époux qui tombe amoureux de Diana ignorant dans quelle tragédie il se
prépare à plonger. Est ce un hasard si Giancarlo semble être le sosie de Alain Delon jeune à tel point que par moment on a l'impression de voir le couple Nathalie-Alain réuni. Lars Bloch, figure récurrente du western spaghetti, joue quant à lui l'amant de Martha. Ceux qui ont l'oeil reconnaitront un caméo de la petite Nicoletta Elmi, sa toute première apparition au cinéma en fait, un plan fugace dans le train en début de film.
Avec Le due sorelle Roberto Malenotti signe un film érotique subtil, atmosphérique et morbide, sensible et sensuel, étayé de quelques jolies scènes (la séance de photo sur la
plage au son du End of the world des Aphrodite child, la promenade dans la grotte, le jeu pervers et malsain de Dario et les réponses d'Alex illustré par une projection de diapositives, le final maladif et la lente agonie de Martha...). Certes téléphoné dans son intrigue, malgré son manque de profondeur cette petite bande distille une réelle émotion tout en traitant avec pudeur un sujet tabou, cette folle passion amoureuse proche de l'obsession entre deux soeurs. On en crierait presque Vive l'inceste!