Du cabaret au grand écran: Piero Santi
Durant plusieurs décennies il est resté une véritable énigme quant à savoir qui était réellement Jean-Pierre Sabagh. Etait ce son véritable nom? Etait ce un pseudonyme? Etait il français exilé en Italie ou italien d'origine française? Tant en France qu'en Italie le mystérieux Jean-Pierre suscita bien des interrogations mais aucune information, aucune piste ne semblait vouloir éclaircir ce mystère. Ce n'est que récemment que le voile se leva enfin en Italie. Derrière ce nom d'emprunt car il s'agissait bel et bien d'un sobriquet se cachait l'italien Piero Santi, un comédien de café théâtre qui le temps de quelques films fut une figure générique du cinéma d'exploitation. Nous n'avons que trop attendu. Dévoilons sans plus tarder la vérité sur Jean-Pierre Sabagh alias Piero Santi.
Piero Santi de son nom complet Piero Santi Pulci n'avait pas pour vocation première d'être acteur pour le grand écran. Ce fut plutôt en ce qui le concerne une opportunité. Pour retracer le parcours de Piero il faut remonter au début des années 70 à Rome. En 1965 le journaliste parolier scénariste et écrivain Mario Castellacci et le dramaturge réalisateur scénariste Pier Francesco Pingitore fondèrent un petit café-théâtre cabaret nommé Il bagaglino spécialisé dans les spectacles satiriques qui rapidement allait rencontrer un très grand succès. En 1972 la petite compagnie déménage et s'installe au Salone Margherita, un célèbre café
chantant de Rome, A cette époque Piero Santi fait partie des artistes qui travaillent pour Castellacci et Pingitore aux cotés notamment de Pippo Franco et Oreste Lionello. Il se produit régulièrement sur la scène aux cotés de ses confrères.
Lorsque Pingitore et Castellacci décident de mettre en scène pour le cinéma quelques uns de leurs numéros Piero fait bien évidemment partie du projet. C'est ainsi qu'en 1976 il se retrouve au générique des deux premiers films des réalisateurs Nerone et Remo e Romolo: due figli di una lupa, deux parodies satiriques en costumes dans la grande tradition du Bagaglino. Dans le premier film Piero interprète Vinicio, le fiancé de la féministe chrétienne
Licia jouée par Paola Tedesco qui passe une partie de son temps à le gifler. Dans le second il joue tout simplement un romain, un courte apparition cette fois. Il se trouve qu'à cette époque Claudio Barnabei dont le nom est indissociable de celui de Joe D'Amato période hardcore, travaillait au Bagaglino en tant qu'assistant metteur en scène. C'est ainsi qu'il connut Piero et c'est une des raisons pour laquelle Piero est toujours en 1976 à l'affiche mais très brièvement cette fois de Voto di castità / Voeu de chasteté de Joe D'Amato, une polissonnerie avec Laura Gemser où il joue l'électricien avec lequel la maitresse de maison fait l'amour. 1976 sera pour Piero une année faste puisque Mario Imperoli lui offre ensuite un
des rôles principaux de son nouveau film, Come cani arrabbiati, un polar ultra violent pour lequel il endosse la peau du commissaire de police et partenaire de Paola Senatore. Et c'est bel et bien pour ce personnage, ce film brutal, qu'on se souvient encore aujourd'hui de Piero dissimulé pour l'occasion derrière ce fameux pseudonyme français si mystérieux et intrigant. L'année suivante Imperoli fait de nouveau appel à ses services pour Canne mozze.
Piero quittera ensuite le grand écran et poursuivra tranquillement sa carrière d'artiste au Bagaglino. A la surprise générale il réapparait au cinéma en 1980 là où on ne l'attendait pas, dans un des nombreux films pornographiques de Joe D'Amato, Blue erotic climax / Symphonie mortelle aux cotés des stars du hardcore d'alors Laura Levi, Sandy Samuel et
Mark Shanon. S'il y joue de nouveau un commissaire de police, Albert Faure, Piero, un peu plus dégarni désormais, n'y a cependant aucune scène X. Comme le confirme Barnabei qui l'a bien connu Piero a toujours refusé d'interpréter des scènes pornographiques, se limitant comme pour Voto di castita et Come cani arrabbiati à l'érotisme. Blue erotic climax sera son ultime apparition au cinéma.
Piero retournera sur la scène du Bagaglino avant de disparaitre progressivement du feu des projecteurs avant qu('on ne perde sa trace. Mais l'important est que le mystère Jean-Pierre Sabagh ait enfin été élucidé. Son identité découverte Jean-Pierre Sabagh n'en demeure pas moins l'archétype même de ces visages d'un jour qui vous marque pour toujours.