La stagione dei sensi
Autres titres:
Real: Massimo Franciosa
Année: 1969
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 82mn
Acteurs: Udo Kier, Laura Belli, Edda Di Benedetto, Eva Thulin, Susanne von Sass, Gaspar Zola, Ugo Adinolfi, Andreina Paul...
Résumé: Quatre filles et deux garçons atteignent une ile en apparence déserte après que leur bateau à moteur soit tombé en panne d'essence. Ils aperçoivent un château et demandent au jeune et séduisant châtelain de leur offrir l'hospitalité pour la nuit. Il accepte. Séduites par la beauté de leur hôte les jeunes filles décident de passer le week-end au château afin de mieux faire sa connaissance. Jaloux les deux garçons quittent l'ile une fois le plein du bateau fait. Désormais seules avec le jeune homme les filles vont assez vite découvrir qu'elles sont entre les mains d'un pervers qui va prendre un malin plaisir à jouer avec elles. Mais quel est le but exact de ces jeux?
Essentiellement scénariste Massimo Franciosa réalisa au milieu des années 60 une petite dizaine de films pour la plupart des comédies aujourd'hui bien oubliées. De sa courte filmographie on retiendra surtout deux films, Le voci bianche / Le sexe des anges, une comédie réalisée à deux mains avec Pasquale Festa-Campanile se situant dans le milieu des castrats et La stagione dei sensi, un étrange drame érotique sur fond de contestation juvénile.
Une nuit quelque part sur une plage. Un groupe de jeunes bourgeois font la fête. Quatre filles, Michele, Marina, et deux garçons Peter et Marco, quittent les réjouissances, prennent
un petit bateau à moteur et tombent en panne d'essence au milieu de la mer non loin d'une ile. Ils parviennent à l'atteindre. En quête d'un abri où passer la nuit ils se dirigent vers le lugubre château qui surplombe l'ile. Ils sont accueillis par Luca le maitre des lieux, un jeune noble étrange peu bavard. Il accepte de les héberger pour la nuit. Les filles tombent vite sous le charme quasi hypnotique de Luca tant et si bien qu'elles désirent rester au château pour le week-end afin de mieux le connaitre et assouvir le feu qu'il suscite en elles. Cette décision n'est guère du goût des garçons, jaloux, qui préfèrent repartir après avoir récupéré un peu d'essence. Les quatre filles sont désormais à la merci de Luca qui très vite va se montrer
agressif, bizarre. Il va faire des filles le jouet de ses fantasmes érotiques les obligeant à participer à des jeux extravagants. Entre simples divertissements et brutale réalité la frontière devient floue. Lorsque les quatre malheureuses comprendront qu'elles sont les prisonnières de Luca, un être pervers qui a assassiné son amante, une femme d'âge mûr riche qui lui était entièrement dévouée et partageait avec lui une relation intéressée sadomasochiste, il sera trop tard. En restant sur l'ile elles se sont elles mêmes condamnées à mort.
Dés la fin des années 60 jusqu'au début de la décennie suivante toute une série de films plus ou moins contestataires prenant pour thème le malêtre de la jeunesse bourgeoise vit le
jour en Italie. La période fut riche, créative, parfois originale dans sa manière de mettre en scène la recherche du plaisir, la totale liberté des sens sur fond de philosophie, principal objectif de ces jeunes bien sous tout rapport pour échapper à la monotonie de leur vie. Le film de Franciosa dont le scénario fut écrit par un certain Dario Argento et Barbara Alberti (Portier de nuit, Le maitre et Marguerite, La désobeissance, Ernesto, Pensione paura, La maladolescenza...) appartient à ce courant dont il n'est peut être pas le meilleur exemple mais très sûrement une véritable curiosité.
La stagione dei sensi (La saison des sens) s'ouvre de façon anodine, une fête sur une
plage, la nuit. Filles et garçons dansent sur des jerks endiablés. Six d'entre eux s'éloignent et montent à bord du petit bateau à moteur du père de l'un des garçons, le temps d'une petite virée en mer durant laquelle chacun s'apitoie sur son sort. La vie est en effet si triste sous le ciel de la bourgeoisie qui à 20 ans, blasée, semble avoir déjà tout vécu. Il faut aller chercher ailleurs un peu de piquant et cet ailleurs, du moins pour les filles, va se présenter bien fortuitement sous l'apparence d'une ile déserte où se dresse un sinistre château qu'une panne d'essence va obliger les jeunes gens à rejoindre. Le décor est planté. Force est de reconnaitre qu'il sied à merveille l'intrigue. Une ile perdue au large des côtes, un manoir
d'aspect lugubre et personne d'autre que ce jeune homme aussi séduisant qu'énigmatique et froid à l'horizon si ce n'est son chien qu'il va vite tuer lors d'un simulacre de chasse. Les garçons partis ne reste que les quatre filles toute émoustillées par ce châtelain qu'elles comptent bien séduire. D'une telle situation propre à créer une ambiance quelque peu horrifique comme bon nombre de films l'ont déjà fait et le referont à l'avenir nait déjà une certaine angoisse mais l'horreur n'est pas le but de Franciosa bien plus intéressé par l'aspect érotico-morbide de l'intrigue même si l'érotisme (tout juste quelques poitrines dénudées) reste somme toute assez discret voire pudique.
Mené par Luca, le maitre de jeu et ses états d'âme, les divertissements vont se succéder sans que leur objectif soit jamais très clair aux yeux des quatre filles, suscitant donc leur colère, leur crainte ou l'excitation. Chacune sera testée avant que Luca ne couche avec ou pas créant inlassablement un sentiment de frustration chez elles, d'incompréhension, de jalousie parfois décuplant ainsi leur désir de le posséder jusqu'à la cérémonie des sens sur la plage qui donne au film son titre et de façon plus générale une part de sa signification. Réunies autour d'un feu chacune doit bruler ses vêtements et se retrouver nue afin de se libérer de toute pudeur, toute inhibition et donner libre cours à leurs envies. tel est du moins
le discours du jeune noble en totale adéquation avec les courants de pensée de cette époque. Cette ode au libertinage va cependant prendre une tournure inattendue après un ultime jeu, celui assez farfelu et surtout récréatif des boules de peinture, puisque Luca va enfin dévoiler ses véritables intentions lors d'un final cruel qui cette fois n'a plus rien d'un jeu.
Il a joué avec chacune d'entre elles en utilisant leurs faiblesses, leurs peurs, leurs envies respectives pour qu'elles se révèlent avant de mieux les mettre face à leur funeste destinée. Si cette conclusion n'est guère originale car assez prévisible plus intéressante est l'utilisation d'écriteaux disséminés ça et là sur les murs annonçant le sort macabre qui attend ceux qui débarquent sur l'ile.
Malgré ses nombreux défauts, un discours libertaire un peu creux, ses incohérences et invraisemblances, des dialogues pas toujours très crédibles souvent bateau, La stagione dei sensi reste néanmoins un film souvent fascinant de par son ambiance maritime, le lieu de l'action (le manoir surplombant la mer), ses décors très pop art et les costumes délirants de Luca qui régaleront les adorateurs de cette période exceptionnelle, la magnifique, envoutante partition musicale d'un Ennio Morricone visiblement inspiré, la magie de certaines scènes et certains plans (l'allée déserte encadrée de murs blancs sur le sommet du manoir au milieu de laquelle se dresse un petit arbre mort digne d'une peinture
surréaliste) et la qualité de l'interprétation. Celle des quatre comédiennes, quatre sexy starlettes qui ne connurent qu'une brève carrière à l'écran, qui rivalisent de charme et de beauté, les brunes Laura Belli et Edda Di Benedetto, et les blondes Eva Thulin (découverte l'année précédente dans Top sensation) et Susanne Von Sass. Udo Kier dont c'était le tout premier véritable rôle à l'écran, hypnotique, envoutant, il est tout simplement parfait dans la peau de Luca. Rarement sa beauté quasi divine, son regard laser avaient été aussi bien mis en valeur, aussi bien utilisés au cinéma. Udo quelques années avant La marque du diable et le diptyque Chair pour Frankenstein et Du sang pour Dracula est tout simplement
ensorcelant transformé en monstre de perversion et de cruauté par un Franciosa qui semble en être amoureux tant il prend soin à le mettre en scène et le photographier, multipliant les gros plans sur ses yeux revolver tout en mettant en avant son coté puissamment érotique.
Si La stagione dei sensi pourra paraitre faible voire fade à ses détracteurs les amoureux des années 60/70, de leur esthétique, leurs idées, leur philosophie et d'un certain courant du cinéma italien y trouveront un véritable petit régal d'autant plus que le film est aujourd'hui difficilement visible. A découvrir quoiqu'il en soit et bien entendu en version intégrale tel qu'il fut diffusé autrefois sur les chaines italiennes.