Sequestro di persona
Autres titres: Island of crime / The Mafia story / Die Mafia story
Real: Gianfranco Mingozzi
Année: 1968
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 97mn
Acteurs: Franco Nero, Charlotte Rampling, Frank Wolff, Ennio Balbo, Pierluigi Aprà, Margarita Lozano, Steffen Zacharias, Enrico Osterman, Enzo Robutti, Fabrizio Jovine, Paolo Todisco, Gino Cassani, Max Turilli, Guy Heron, Vito Rocca, Giuseppe Merlo, Ugo Cardea...
Résumé: Christina et son ami Francesco passent le week-end en Sardaigne. Ils ont décidé de visiter l'ile. Lors d'une promenade en montagne ils sont pris en otages par un groupe de terroristes. Francesco est enlevé, Christina a la permission de s'en aller. Alors qu'elle est sur le point d'avertir la police le meilleur ami de Francesco l'en empêche. Il demande à la jeune fille de l'aider à retrouver les terroristes seuls, sans l'aide des autorités...
Second film du cinéaste Gianfranco Mingozzi essentiellement connu pour son excellent nunsploitation Flavia la défroquée, un intéressant petit polar Morire a Roma et son adaptation d'un des récits coquins d'Apollinaire, l'enthousiaste L'iniziazione / Les exploits d'un jeune Don Juan, Sequestro di persona appartient à cette catégorie de films d'un autre âge longtemps restés invisibles jusqu'à ce que surgisse enfin une édition DVD digne de ce nom permettant de découvrir ces trésors perdus. L'amateur sera donc heureux de pouvoir enfin de visionner dans d'excellentes conditions ce documentaire fiction inédit qui le plongera
au coeur des montagnes sauvages sardes dans la région de Barbagia.
Christina Fisher, une étudiante universitaire, rejoint en Sardaigne son ami Francesco Mara, lui aussi étudiant, Ils ont décidé de passer le week-end à visiter l'ile. Alors qu'ils sont en pleine montagne un groupe de terroristes les bloquent sur la route et kidnappent Francesco. Ils autorisent la jeune fille à partir. Alors qu'elle est décidée à avertir les autorités de ce rapt étrange très bien organisé le père de Francesco et son meilleur ami, Gambino, l'en dissuadent. Gambino la persuade de l'accompagner à retrouver les kidnappeurs eux mêmes. Christina finit par accepter. Ceux ci ne tardent pas à se manifester. Francesco sera
libéré si son père, un notable, leur verse la somme de 80000000 de lires, une somme que le vieil homme ne peut rassembler sauf s'il vendait ses terres, ce qu'il refuse catégoriquement. Gambino est certain que quelqu'un tapi dans l'ombre manipule les bergers afin que Mara vende ses terres, quelqu'un à qui l'argent profitera. Christina décide finalement d'avertir la police, une décision qui va déclencher la fureur de Gambino. Aux yeux des autorités Christina devient rapidement suspecte. Lors d'une reconstitution de l'enlèvement Christina découvre que Gambino pourrait faire partie du commando. Celui va mettre au point un stratagème afin de découvrir l'identité du traitre qui manipule les bergers. Il organise son enlèvement
pour pouvoir enfin affronter les ravisseurs. Il décide alors de vider son sac et de leur faire part de ses soupçons. Ils ont tous été dupés par le traitre qui maintenant doit payer. Gambino et les bergers lui tendent un piège afin de le confronter au coeur des montagnes.
Autrefois sorti en Italie dans une version honteusement censurée Sequestro di persona est un habile mélange de documentaire et de fiction réalisé par un metteur en scène qui connait son métier puisque à la base Mingozzi est documentariste, un point qu'on retrouvera dans la plupart de ses films à venir. C'est avec force et franchise qu'il aborde ici le thème alors brulant des kidnappings en Sardaigne à travers ses deux personnages principaux
fermement décidés à affronter seuls, sans l'aide de la police, la mafia sarde. On ne pourra pas reprocher à Gianfranco Mingozzi le contexte anthropologique de son film. Il nous plonge au centre d'une Sardaigne brutale, particulièrement réaliste, aidé en cela par la beauté des décors naturels, quasi apocalyptiques, des montagnes de la Barbagia, de ses autochtones, de leurs visages marqués, fermés, et de leurs rites, ses minuscules villages de pierres perdus au coeur de nulle part, dévastés par les siècles. Il nous entraine chez les bergers et leurs pâturages pour nous y faire découvrir leur vie particulièrement dure, une vie qu'ils vivent reclus entre eux, respectant presque religieusement la loi du silence, l'omerta, tandis que
plane sans cesse l'ombre de la mafia, omniprésente. C'est très certainement le point fort de ce drame mafieux, ce réalisme qui donne à Sequestro di persona cette incroyable force visuelle qui n'est pas sans rappeler l'excellent Barbagia de Carlo Lizzani mis en scène la même année mais aussi le méconnu Pelle di bandito de Piero Levi, deux autres drames historiques sardes tournés dans les mêmes décors avec le même sens du réalisme et du film documentaire. Les plus érudits citeront également Sul filo della memoria de Leandro Castellani, une mini série en trois épisodes réalisée en 1972 pour la RAI.
Malheureusement la mise en scène un peu trop statique de Mingozzi n'est pas vraiment à la
hauteur de ses ambitions. Le film souffre en effet d'une certaine lenteur qui nuit à la force de l'intrigue. La fascination laisse assez vite la place à un certain ennui heureusement brisé par les séquences pastorales documentaires et quelques scènes dispersées ça et là notamment une des plus mémorables, celle, longue et sensuelle, où Charlotte Rampling et Franco Nero font l'amour, particulièrement audacieuse, si osée qu'elle fut autrefois censurée sans appel. Mingozzi eut d'ailleurs recours à des doublures, les deux acteurs ayant refusé de la faire eux mêmes. Déçus seront les admirateurs de Charlotte, Ce ne sont ni ses seins ni son corps encore moins son intimité qu'ils admireront ici.
Impossible d'oublier également l'intrusion des carabiniers dans le village et surtout la grandiose scène d'ouverture, un monument d'angoisse macabre qui se déroule pourtant dans un paysage de rêve. Pris au piège par un groupe de terroristes invisibles dont seule la voix résonne dans les montagnes Francesco et Christina foncent en voiture dans un troupeau de moutons qui leur bloque le passage, écrasant les malheureux ovins, une scène aujourd'hui totalement impensable tournée sans trucage qui risque de faire hurler les défenseurs des animaux mais qui réjouira tout ceux qui comme nous aimons voir la mort dans toute son horreur.
Il est dommage que ces coups de maitre ne soient pas plus nombreux comme il est regrettable que Mingozzi ne soit pas réellement parvenu à mettre en évidence la difficulté des institutions et des autorités à venir à bout des exactions de la mafia protégée par cette fameuse omerta. Quant au final ouvert, peu surprenant, plutôt convenu quant à qui profite tout cet argent et ses traitrises, il n'est pas forcément à la hauteur de l'intrigue, assez décevant car si simple et prévisible malgré son incontestable puissance dramatique.
Charlotte Rampling, dans un de ses tout premiers rôles pour le cinéma, a la beauté de ses 20 ans. Quant à son regard il n'a très certainement jamais été aussi puissant que dans ce
drame que sans conteste elle éblouit. A ses cotés Franco Nero prouvait déjà quel grand et talentueux acteur il était. Autour d'eux on retrouvera entre autres les toujours convaincants Frank Wolff, Ennio Balbo et Max Turilli.
Tourné durant l'hiver 1967, rythmé par les jolies musiques signées Riz Ortolani Sequestro di persona malgré ses défauts de mise en scène et son coté un peu trop plat n'en demeure pas moins un très honnête drame mafieux qui soulève un point de l'histoire sarde retracée avec soin par un Mingozzi qui connait son sujet et son travail de documentariste. Et si l'impact de la pellicule n'est peut être pas aussi fort qu'il aurait du l'être on se rattrapera en se gorgeant de la beauté sauvage de la Sardaigne d'alors et du jeu d'acteur parfait des talentueux Franco Nero et Charlotte Rampling.