Lesbo
Autres titres: Lesbos l'amour au soleil
Real: Edoardo Mulargia
Année: 1969
Origine: Italie
Genre: Drame / Erotique
Durée: 76mn
Acteurs: Giuseppe Cardillo, Gisela Dali, Käthe Haack, Peter Howells, Carla Romanelli...
Résumé: Lila, l'épouse d'un écrivain réputé, vient passer quelques temps à Lesbo. Son couple traverse actuellement une crise due à l'impuissance de son mari. Lila fait la connaissance de Giorgio, un play-boy, et de son amie Celestine, une journaliste de mode lesbienne qui de suite tombe sous le charme de la jeune femme. Contre toute attente l'écrivain vient rejoindre sa femme pensant régler ainsi leur problème. Il en va tout autrement. Ne pouvant plus supporter de ne pas pouvoir satisfaire sa femme il demande à Giorgio de devenir son amant. Ce dernier ignore encore que Celestine est homosexuelle et envisage également de séduire Lila...
Capable du meilleur comme du moins bon ce sont pour quelques uns de ses westerns spaghettis et surtout ses deux fulgurants WIP, Les évadées et Les tortionnaires du camp d'amour 2, qu'on retiendra le nom de Edoardo Mulargia. Peu habitué à l'érotisme, un genre qu'il disait détester pour lequel il n'était pas fait, Mulargia signe pourtant en 1969 ce qu'on pourrait considérer comme un des premiers film exotico-érotique, une sous branche du cinéma érotique née sous la houlette de Ugo Liberatore qui en 1967 en réalisait le tout premier exemplaire Il sesso degli angeli suivi l'année suivante de Bora Bora. Lesbo du nom de l'île grecque où se situe l'action en contenait déjà tous les principaux éléments à savoir un couple de bourgeois en pleine crise, un décor paradisiaque où il tente de recoller les morceaux et trouver une solution à leurs problèmes, une intruse qui va semer le trouble dans l'esprit de la jeune femme et tenter de l'initier aux plaisirs saphiques jusqu'au drame final après lequel le couple se retrouvera... ou pas.
Lila, une séduisante jeune femme, est mariée à Nick Garnett un célèbre écrivain en mal d'inspiration. Leur union traverse une grave crise due à l'impuissance de Nick. Pensant que quelques vacances à Lesbo pourrait l'aider à surmonter son état il est venu y rejoindre son épouse, désespérée d'être seule malgré la présence d'un couple d'amis dont elle vient juste de faire connaissance, les très charmant Giorgio Dallas et la blonde explosive Celestine, une journaliste de mode lesbienne qui tombe de suite sous le charme de Lila. Tout deux tentent de séduire Lila mais elle n'a d'yeux que pour son mari qu'elle aime à la folie malgré son handicap. Malheureusement Nick n'arrive plus à cacher sa détresse et ne supporte plus les attentions et les gentillesses de sa femme qu'il juge humiliantes. Ayant remarqué l'intérêt que Giorgio et Celestine portent à Lila il met au point un odieux stratagème afin que son épouse ne succombe pas aux tentations homosexuelles tout en la sachant combler sexuellement. Il demande à Giorgio de devenir son amant et lui remet un chèque d'une importante somme. Outré Giorgio accepte tout de même et couche avec Lila un soir d'ébriété. La jeune femme le regrette bien vite et rejette Giorgio au nom de l'amour qu'elle porte à son tendre mari. Giorgio lui dévoile alors le pot aux roses. Folle de chagrin Lila demande à Giorgio de lui faire l'amour sue la plage devant son époux. Ne pouvant supporter cette vision Nick se bat avec Giorgio puis viole Lila qui semble enfin trouver du plaisir avec l'homme de sa vie. Tout rentre dans l'ordre. Nick et Lila prennent l'avion et rentrent chez eux, heureux. Giorgio séduit une nouvelle arrivante tandis que Celestine est repartie toujours aussi seule face au monde. .
Sous le ciel de la bourgeoisie l'ennui est une fois de plus bel et bien de mise. Le cinéma italien nous l'a démontré maintes et maintes fois particulièrement dans ce type de films. Afin de tromper cet ennui errer de perversion en perversion, partir quelques part au soleil pour résoudre ses problèmes voire les deux en même temps semblent être les solutions les plus prisées. Lesbo en est une nouvelle preuve.
Tourné la même année que La taglia è tua l'uomo lo ammazzo io Lesbo est un petit film exotico-érotique saphique qui se rapproche dans le fond des oeuvres de Cavallone (Le salamandre) mais s'apparente surtout à L'isola delle svedesi / Les biches suédoises de Silvio Amadio l'aspect cérébral en moins. Si la plupart de ce type de pellicules étaient des drames sur fond d'océan Lesbo est un gentil roman-photo tendance trouble dont il possède d'ailleurs tant les qualités que les défauts. Dans ce magnifique cadre méditerranéen on a donc d'une part un séducteur au regard de velours, au sourire carnassier, un play-boy de magazine trousseur de jupons qui use de son charme viril pour tomber les nouvelles arrivantes de l'ile. On a d'autre part un couple en apparence parfait, une jeune femme douce, une brunette vertueuse, aimante éperdument amoureuse de son mari, un romancier internationalement célèbre, fortuné au physique avenant à la Erol Flynn. Entre eux une femme opulente, l'amie idéale mais derrière tout(e) ami(e) se cache un serpent aux moeurs souvent inavouées.
Dans ce triangle somme toute usuel il y a cependant quelque chose qui très vite rend le film incroyablement drôle justement digne des meilleurs romans-photos. C'est la relation de notre couple plus spécialement l'attitude de Lila, une femme si incroyablement parfaite et tolérante qu'elle en devient quasi surréaliste. Lila incarne l'amour avec un grand A, la femme amoureuse prête par amour à tous les sacrifices, prête à tout accepter, tout pardonner, à prendre sur elle l'impuissance de son mari quitte à vivre avec lui privée de tout plaisir jusqu'à la fin de ses jours. L'idée d'avoir un amant ne lui traverserait même pas l'esprit. Lila pleure, Lila supplie, Lila s'accroche à son époux qui lui aussi fond en larmes, torturé de ne plus pouvoir être un homme. Lila est une sainte et non une sainte-nitouche. C'est beau comme un roman de Barbara Cartland qui aurait pu écrire les dialogues du film particulièrement savoureux tant ils sont mielleux, mièvres jusqu'à en devenir par moment hilarants. Quatre décennies plus tard on aurait pu les croire empruntés à une sitcom façon Hélène et les garçons. C'est naïf, c'est beau, les jeunes filles rêvent en feuilletant les pages puis pleurent lorsque Nick rejette sa femme dont il ne peut plus supporter l'infinie tendresse et les attentions sucrées. "Tu es une nullité. Tu n'es qu'une paire de jolis yeux sous un crâne. Tu n'as pas un gramme de personnalité" La phrase claque comme une gifle. Nick est ivre mais Nick est un mufle en souffrance qui a peur depuis qu'il a surpris Giorgio tentant de séduire Lila et deviné les intentions perverses de Celestine. Que son épouse trouve satisfaction chez un autre homme peut passer, qu'elle devienne lesbienne il n'en est pas question surtout dans le monde machiste de l'époque. Il fait donc trouver un remède à ce mal.
On quitte alors l'univers rose du roman-photo pour un drame plus profond. C'est là qu'on retrouve le machiavélisme de ces triangles amoureux qui mène inévitablement à la tragédie. Le discours paraitra aujourd'hui bien dépassé mais il n'est que le reflet des idées d'alors. On sourira face aux interrogations de Nick sur l'impuissance et l'homosexualité et surtout aux réponses du psychologue. L'impuissance serait due à certains blocages intellectuels qui conduiraient le cerveau à voir la sexualité comme dégradante, humiliante, bestiale, empêchant ainsi les désirs naturels du corps humain de parfaitement fonctionner.
La question est aussi de savoir si une femme mariée peut devenir homosexuelle. L'homosexualité peut elle venir d'une frustration sexuelle, peut elle être considérée par un femme fidèle et vertueuse comme une échappatoire comme peut l'être la masturbation lui donnant ainsi l'impression de ne pas tromper son mari. .
L'homosexualité est une anormalité qui intrigue, fait peur. Voilà un état d'esprit rétrograde qui prêtera à sourire d'autant plus que les dialogues sont d'une naïveté déconcertante mais il faut avouer que le thème est traité avec un certain style. Il ne faut néanmoins pas s'attendre à de torrides scènes saphiques. D'une part nous sommes en 1969, d'autre part Mulargia reste très pudique et suggère plus qu'il ne montre. On est à des années lumière de ses futurs WIP dont le saphisme allait flirter dangereusement avec le hardcore. Tout passe ici par un regard, un geste, une caresse, un baiser volé, des poses, autrement dit par le comportement de Celestine, incarnation d'une féminité exacerbée, enflammée, désinhibée. Elle n'est jamais qu'une version féminine de Giorgio, séducteur qui vole de femmes en femmes vivant pleinement sa virilité, à la différence près que Celestine doit cacher sa véritable sexualité dans un monde qui prône le machisme. En découvrant son homosexualité Giorgio la traite de perverse, une réflexion qui était alors dans l'air du temps. mais porter les sous-vêtements que toutes les conquêtes de Giorgio lui ont payé n'est ce pas aussi une forme de perversion qui passe inaperçue car elle met en valeur l'homme? Triomphe de la virilité marquée par la gifle que lui décoche le play-boy pour avoir tenu de tels propos.
En fait Lesbo s'il traite de l'homosexualité féminine n'est jamais qu'une ode à la suprématie de l'homme. Le film tout entier repose sur la force de l'homme à une époque où la femme ne s'affirmait pas encore. Ce machisme est lui même au coeur de l'odieux stratagème que met au point Nick. Incapable d'être un homme, d'assurer son devoir d'époux, de satisfaire sa femme comme l'exigent les codes moraux il souffre à l'idée non seulement de ne pas trouver sa place dans cette société machiste mais encore plus à l'idée de perdre celle qui l'aime passionnément. Le conflit intérieur de Nick en devient par instant émouvant, joliment souligné par Mulargia qui ainsi trouve un juste équilibre entre le drame humain et la noirceur d'un chantage abject. Il va sans dire que le cinéaste va au bout de son propos et c'est à la victoire de la virilité à laquelle on assistera en fin de métrage au détriment même de la femme, plus précisément la femme lesbienne. C'est dans la brutalité et la violence que Nick recouvra sa verve sexuelle et satisfera enfin sa femme, l'animal possédant sa femelle la comblant de bonheur, Giorgio reprendra ses activités de play-boy collectionneur alors que Celestine, consciente qu'elle ne trouvera jamais le bonheur dans un monde de mâles, se sait condamnée à être seule, à vivre d'aventures sans lendemain avec des filles qui la quitteront pour un homme. Ou la solitude de l'homosexuel(le).
Sobre, jamais vulgaire alors que le sujet pouvait facilement se prêter au voyeurisme et verser dans le trash, Lesbo, filmé dans les somptueux décors naturels de l'ile, vaut également pour son interprétation, un quatuor d'acteurs intéressants, avec en tête la brune Carla Romanelli, starlette découverte dans l'intrigant La limite du péché revue par la suite par bon nombre d'oeuvres Bis diverses, charmante et naïve, mais qu'on regrettera de ne point voir nue refusant toute tentation saphique. Ensorceleuse, la blonde Gisela Dali, actrice grecque à la longue carrière, est tout simplement incandescente en lesbienne. Steven Tedd alias Giuseppe Cardillo, éphémère mais séduisant comédien plus habitué aux westerns qu'à l'érotisme même si on le vit dans Les assoiffées du sexe et Révélations d'un psychiatre sur le monde du sexe, prête sa fine moustache au mari impuissant. Face à lui un autre bellâtre, le grec au sourire carnassier Peter Howells dont ce fit l'unique apparition à l'écran, rayonne de machisme, le torse avenant, entre ses deux conquêtes féminines. Notons pour information une erreur de plus de l'imdb. Dora, l'amante d'un jour de Celestine, est interprétée par une mystérieuse et totalement inconnue Kathe Haacke qui n'a aucun rapport avec l'allemande homonyme Kathe Haake, grande actrice de théâtre et de cinéma qui débuta sa carrière en 1915!
Film mineur mais non dépourvu d'intérêt Lesbo bercé par une jolie partition musicale est un très agréable roman-photo lesbien à l'érotisme trouble et morbide, un drame solaire certes bien désuet mais cependant prenant, d'autant plus intéressant que le film aujourd'hui bien oublié est difficilement visible puisque inédit sur quelque support que ce soit. Reste pour le collectionneur quelques copies télévisées recadrées qu'il s'amusera à traquer. Le film de Mulargia est un petit plaisir coupable pour tout amateur d'exotico-érotiques.