Le sourire de l'amitié: Jeff Blynn
Les cheveux blonds mi-longs, le brushing impeccable, l'oeil bleu, le regard avenant, la moustache alerte, il aurait pu être le fils naturel de Maurizio Merli d'autant plus que la majeure partie de sa carrière est composée de petits polars pour la plupart napolitains. Il ne connut malheureusement pas le succès de Maurizio et dut le plus souvent se contenter de seconds rôles dans des productions anodines. Ce n'est donc pas vraiment pour ses films qu'on se souvient aujourd'hui de cet acteur mais avant tout pour son physique affable de jeune play-boy issu du monde de la mode.
Sortons sans plus tarder nos sèche-cheveux du placard non pas pour parfaire son brushing mais pour dépoussiérer les pages d'une vie joliment remplie, celle de l'américain Jeff Blynn.
Né à New-York le 21 aout 1954 c'est par accident que l'athlétique Jeff Mark Blynn allait rentrer dans le monde de la mode au début des années 70. Et le terme accident prend ici tout son sens puisqu'un jour alors qu'il se promenait tranquillement une voiture allait légèrement le percuter. La conductrice n'était autre qu'une des plus influentes rédactrices de la revue Vogue qui immédiatement succombe au charme de sa victime. Cette rencontre fortuite lui ouvre les portes du succès. Jeff devient très vite la nouvelle idole des magazines de mode mais également un des modèles les plus demandés à travers le monde. De New-York à Paris en
passant par Rome la réputation de Jeff n'est plus à faire. Il pose pour les plus grandes agences, fait la une des revues les plus chic. Questionné sur ce succès fulgurant Jeff affirme le devoir à son éminente sympathie. Tous ceux qui ont un jour approché et travaillé avec lui sont unanimes. Jeff est l'incarnation même de la gentillesse. Toujours souriant, de bonne humeur, la blague facile, il sait mettre à l'aise et faire régner une ambiance particulièrement allègre lors des shootings. Il ne s'est surtout jamais pris au sérieux malgré son professionnalisme.
Alors que sa carrière de modèle bat son plein Jeff quitte New-York en 1975 pour s'installer à
Rome, non pas sur un coup de tête mais tout simplement car la célèbre Lancio, la plus grosse maison d'édition de roman-photo d'Italie, lui propose d'être un de ses acteurs. Parallèlement au mannequinat Jeff va donc ajouter une nouvelle corde à son arc. Il devient la nouvelle star du roman-photo à l'italienne qui très vite va faire perdre la tête aux nombreuses lectrices de ce support de rêve. Il travaille pour la Lancio mais également pour Grand hotel.
Cette même année le cinéma lui fait de l'oeil. Jeff apparait dans trois petites coproductions italo-allemandes, deux polars, L'unica legge in cui credo, Giochi perversi di una signora perbene, et une comédie rose Prouesses sexuelles de printemps. Son premier vrai tôle à l'
écran Jeff le doit à Mario Caiano qui lui offre une participation dans Napoli spara / Assaut sur la ville dans lequel il joue un flic infiltré ayant pris les traits d'un chauffeur de taxi. Il y donne la réplique à Leonard Mann, son confrère américain lui aussi fraichement débarqué à Rome. Le polizesco napolitain va devenir une des spécialités de Jeff puisqu'en 1979 aux cotés de l'opulent Mario Merola il est à l'affiche des Contrebandiers de Santa Lucia puis de Napoli... la Camorra sfida la citta risponde tous deux signés Alfonso Brescia qu'il retrouve en 1980 pour la dramatique napolitaine Zappatore. Toujours en 1979 il est à l'affiche du porn giallo
Giallo a Venezia de Mario Landi pour lequel il endosse de nouveau la peau d'un commissaire qui cette fois a une étrange manie, celle de manger des oeufs durs. Il est amusant de remarquer que durant toute cette période policière Jeff apparait inlassablement vêtu d'un pantalon à pinces blanc et d'un sweat shirt ou T. shirt bleu marine, une tenue qu'il devait particulièrement aimer!
Cinématographiquement parlant les années 80 seront moins denses pour Jeff. Il apparait dans une série de films plus anodins les uns que les autres, l'énigmatique Molto di piu de
Mario Lenzi, un film aujourd'hui invisible qui conte la vie du couple que formaient Annie Belle et Al Cliver, les comédies Pronto... Lucia de Ciro Ippolito dans lequel il courtise Annie Belle et Miss Right de Paul Williams tourné à New-York . Il est aussi au générique de quelques séries télévisées telles que Sam et Sally et La nouvelle malle des Indes.
Les années 90 seront pour Jeff encore plus maigres. Il ne fait que de brèves apparitions dans Blue tornado de Antonio Bido, Milliardi de Carlo Vanzina et Amami de Bruno Collela, de petites productions à la distribution internationale le plus souvent destinées au câble. Son ultime apparition au grand écran sera une figuration dans Cliffhanger aux cotés de Sylvester Stalone et John Lithgow, un digne chant du cygne pour celui qui durant pratiquement quinze
ans dut se contenter d'un casting bien moins éclatant.
Si Jeff n'a jamais quitté le monde du roman-photo durant son parcours cinématographique, continuant à poser pour moult revues et à faite frissonner ses fidèles admiratrices, il va cependant tout arrêter en 1993. Il quitte définitivement l'univers artistique et va se reconvertir dans une toute autre branche, la restauration. Jeff en compagnie de son épouse va ouvrir à Rome son propre restaurant qu'il appelle tout simplement le Jeff Blynn's, une activité qu'il continue encore aujourd'hui puisque son établissement fait partie des plus renommés de la ville éternelle.