Wonderwall
Autres titres: Onyricon / Welt voller wunder / A parede do escandalo
Real: Joe Massot
Année: 1968
Origine: Grande-Btetagne
Genre: Fantastique
Durée: 92mn
Acteurs: Jack MacGowran, Jane Birkin, Ian Quarrier, Anita Pallenberg, Irene Handl, Richard Wattis, Beatrix Lehmann, Brian Walsh, Sean Lynch, Bee Duffel, Noel Trevarthen, Suki Pottier...
Résumé: Un vieux professeur de biologie découvre dans un des murs de son appartement un trou par lequel il peut espionner sa jeune voisine, la modèle Penny Lane, et son petit ami photographe pop. Il découvre en les observant un monde qu'il ne soupçonnait pas et qui lentement le fascine. Au fil des jours Penny devient une sorte de fantasme dont il e peut plus se passer. Rêve et réalité commencent à se mélanger...
1968 année psychédélique. Le phénomène s'empare du cinéma qui s'efforce de le mettre au mieux en scène. Aux USA William Rotsler réussit quasi à la perfection à mettre en images l'essence même de l'ère pop psychédélique avec Mantis in lace. Wonderwall dans lequel on trouve d'ailleurs une mante religieuse n'est en fait que la réponse anglaise au film de Rotsler vu cette fois sous un angle beaucoup plus socio-culturel teinté d'un zeste d'humour so british.
Oscar Collins, un vieux professeur de biologie excentrique, conservateur et célibataire, vit
reclus dans son appartement où s'entassent livres et poussière. Un jour il perçoit quelques notes de musique indienne qui semblent s'échapper du mur d'où luit un lambeau de lumière. Il remarque un petit trou qui dés lors va lui permettre d'observer sa jeune voisine, Penny Lane, une modèle réputée dont le mode de vie est à l'opposé du sien. Libre et libérée, perpétuellement anxieuse de retomber dans l'anonymat, elle vit avec son amant, un photographe pop, une vie dissolue. Soirées déguisées, sexe, drogue, danse et musique sont leur quotidien. Intrigué, le professeur par l'intermédiaire de ce trou va petit à petit s'immiscer dans la vie de Penny de plus en plus attiré par la jeune fille, comme fasciné,
envouté par ce qu'il découvre jusqu'à perdre lentement pied. Rêve et réalité se confondent dans son esprit. Il se projette dans l'univers irisé, effervescent de ses jeunes voisins, un monde aux limbes de l'onirisme et de la folie douce. Obnubilé, comme absorbé par Penny, il finit par en tomber amoureux. Il décide de ne plus quitter son appartement, d'abandonner son travail, prétextant des recherches qui risquent de bouleverser l'humanité. Détruite par ses angoisses Penny fait une tentative de suicide. Oscar lui sauve la vie in extremis. Il devient une célébrité et fait la une des journaux.
Résumer Wonderwall est un exercice difficile tant le film de l'éphémère Joe Massot, en
partie réalisateur du film concert The song remains the same également auteur de documentaires révolutionnaires, est visuel. Il livre ici une sorte de fantasmagorie délirante qui n'est jamais qu'une version psychédélique de Pyramus and Thisbe de Shakespeare transformée pour l'occasion en une déroutante fugue dans un univers fantasque multicolore où la frontière entre la réalité et l'imaginaire se fait souvent floue. Il immerge le spectateur dans un monde où, dans un nuage aux parfums de marijuana, tourbillonnent des papillons en carton, où on fait du ski dans son salon, se bat en duel au milieu d'un nulle part verdoyant, se tue avec des tubes de rouge à lèvres pour mieux se transformer en Dracula muni d'un parapluie avant une reconstitution du martyr de Saint Sébastien dans des décors pop art fluorescents. Ceci n'est qu'un bref aperçu des rêveries d'Oscar, vieux biologiste moralisateur aux idées conservatrices confronté à une jeunesse en pleine libération bien en voie pour renverser les vieilles institutions.
C'est là le véritable thème du film en plus de l'évidente métaphore que représente le mur peint du professeur. Il est l'écran de cinéma, symbole d'évasion et de magie, sur lequel se projette ses fantasmes. Il est le passage entre deux mondes, un vecteur de songes qui aiguise, attise les sens. Le mur aux merveilles du titre original. Le cinéma est un moyen de
fuir une vie dont on ne veut plus, une réalité trop réelle, et de donner ainsi vie aux rêves dont on s'emplit la tête. Le quotidien de Penny Lane, malin clin d'oeil aux Beatles et par la même à George Harrison, auteur de la bande originale, devient celui d'Oscar qui se nourrit de cet univers qui le surprend toujours plus jusqu'à en devenir totalement dépendant. La jeune fille devient l'objet de ses désirs voyeurs, une véritable drogue, un comble pour un homme qui en a toujours condamné l'usage. Définitivement reclus dans son appartement chaotique après avoir quitté son travail, Oscar vit une expérience unique qu'il décrit comme capitale pour la survie de l'humanité à un de ses collègues venu s'inquiéter de son état de santé. Décupler
l'imaginaire par le biais du 7ème art est d'une importance vitale pour l'Homme. Il permet même de combattre la mort et d'accéder à l'immortalité, magnifiquement symbolisé lors de la très onirique séquence finale, Oscar observant au microscope la défunte Penny Lane qui, désormais heureuse, flotte dans la voie lactée. C'est aussi une manière d'intégrer Penny à ses travaux de recherches et de ne plus s'en séparer. Plus terre à terre, Joe Massot semble simplement vouloir dire qu'il faut aller vers les gens, dépasser le stade du fantasme, du rêve, faire le premier pas pour leur venir à eux. La lecture du film se fait sur plusieurs couches plus ou moins philosophiques.
Merveilleux voyage dans l'inconscient de l'Homme, Wonderwall est un véritable petit bijou de la contreculture britannique du Swinging London de la fin des années 60 à mi-chemin entre Performance de Nicholas Roeg et Blow up d'Antonioni arrosé d'une bonne dose de psychédélisme chatoyant, un trip surréaliste dont on retiendra avant tout deux choses. La première est bien évident ses décors fous, délirants, colorés en parfaite adéquation avec leur époque, un réel régal pour tous les amoureux de psychédélisme. La seconde est sa bande originale entièrement composée par George Harrison fortement inspirée par les sons indiens notamment le cithare qui étaient à l'époque la grande passion de l'ex-Beatles.
Wonderwall sera son tout premier album solo enregistré à Londres et Bombay entre décembre 1967 et le début de l'année 68. Aux titres musicaux curieux, planants, étranges s'ajoutent quelques morceaux plus rock auxquels participèrent Eric Clapton et Ringo Starr.
L'interprétation est parfaite menée par Jack MacGowran, le grand tragédien irlandais spécialiste des pièces de Samuel Beckett, dans le rôle du professeur, une toujours aussi magnifique Jane Birkin, divine mais cette fois muette malheureusement, et le séduisant Ian Quarrier, jeune anglais protégé de Roman Polanski qu'on put voir dans le thriller Cul-de-sac
et Le bal des vampires dans lesquels il avait déjà pour partenaire MacGowran. Pour information Joe Massot travailla un moment pour Polanski d'où le choix de certains artistes. L'oeil averti reconnaitra en outre Anita Pallenberg, non créditée, dans la scène de la fête chez Penny durant laquelle elle échange sa salive avec Jane Birkin.
Resté très longtemps difficilement visible puisqu'il avait pratiquement disparu, oublié des festivals, des chaines télévisées et des éditeurs, Wonderwall connu en Italie sous le titre Onyricon a récemment ressurgi de l'oubli dans une superbe version remasterisée qui redonne une seconde vie à
cet enthousiasmant délire provocant, une des pièces maitresses du cinéma pop psychédélique. Tout amoureux de cette ère à jamais révolue et de sa magie visuelle comme les amateurs de comédies loufoques britanniques se feront une joie de découvrir ce petit bijou acidulé et surréaliste tout empreint des notes envoutantes, hypnotiques ou plus éthérées du plus mystique des quatre garçons dans le vent.