La badessa di Castro
Autres titres: La madre superiora del pecado
Real: Armando Crispino
Année: 1974
Origine: Italie
Genre: Nunsploitation
Durée: 96mn
Acteurs: Barbara Bouchet, Pier Paolo Capponi, Antonio Cantafora, Mara Venier, Luciana Turina, Ida Galli, Serena Spaziani, Stefano Oppedisano, Ciro Ippolito, Jole Fierro, Giancarlo Maestri, Marcello Tusco, Franca Lumachi, Giuseppe Pertile, Paola Granata, Patrizia Valturri, Attilio Dottesio, Franca Scagnetti, Goffredo Unger...
Résumé: Forcée par sa mère de rentrer au couvent pour être tombé amoureuse d'un aventurier, la belle Elena devient vite abbesse de par sa position sociale. Bien des nonnes sont jalouses d'elle notamment Soeur Margherita qui rêverait de prendre sa place. Lorsque Elena cède aux avances de l'évêque qui brûle d'amour pour elle, la vie de la jolie abbesse va basculer. Si Elena garde sa relation secrète, Margherita veille et complote afin de faire tomber sa rivale. Lorsque Elena tombe enceinte elle profite de cette grossesse hérétique pour la dénoncer à l'inquisition. Elle va ainsi non seulement devenir la Mère supérieure du couvent de Castro mais aussi détruire l'évêque qui a repoussé ses avances...
Inspiré du roman éponyme de Stendhal, plus exactement de la seconde moitié du récit, La badessa di Castro est une tragédie conventuelle qui rappelle par maints aspects les diverses adaptations de La monaca di Monza dont celle de Eriprando Visconti mais encore plus Les religieuses du Saint archange de Domenico Paolella. Seule incursion dans le nunsploitation de l'éclectique Armando Crispino avant tout connu pour ses gialli Frissons d'horreur et L'etrusco uccide ancora / Overtime, auteur d'un sombre western aux tons fantastiques Johnny le bâtard, La badessa di castro conte la dramatique histoire d'Elena Di Campireali, une jeune et ravissante noble qui fut contrainte par sa famille d'entrer au couvent pour être tombée amoureuse d'un bandit de grand chemin, Giulio Branciforti, tué alors qu'il tentait de la rejoindre. Grâce à sa position sociale Elena va très vite devenir la Mère supérieure du couvent, provoquant ainsi la jalousie de certaines religieuses notamment Soeur Margherita. Elena n'est jamais parvenue à oublier Giulio ni à combattre ses désirs sexuels qu'elle tente de réfréner. Elle ne peut malheureusement pas résister aux avances passionnées de Monseigneur l'évêque Francesco Cittadini dont elle finira par devenir l'amante. Si elle tente tant bien que mal à cacher leur liaison celle ci n'échappe cependant pas à la diabolique Margherita prête à tout pour être aimée de Citadini mais aussi pour détruire Elena et lui voler son titre de Mère supérieure. Lorsque Elena tombe enceinte de Cittadini, c'est une lente descente aux enfers qui commence pour elle. Si elle parvient un temps à cacher sa grossesse, elle doit la révéler lorsqu'elle tombe gravement malade et tente de se faire avorter. Margherita profite de cette occasion inespérée pour la dénoncer à l'Inquisition et faire par la même occasion tomber l'évêque qui l'a repoussé. Après avoir accouché Elena est emprisonnée puis torturée afin qu'elle avoue qui est le père. Comme Elena refuse de parler les religieuses qui étaient les plus proches d'elle ainsi que sa domestique sont à leur tour torturées. Aucune n'avoue. Soupçonnant l'évêque d'être l'amant de l'abbesse, le cardinal fait appel à Giulio qui a survécu à ses blessures. Il force la mère d'Elena à signer un document comme quoi elle accepte qu'il s'enfuit avec sa fille. En retour Elena devra dénoncer l'évêque que le cardinal prévoit de remplacer par son efféminé neveu Luca. A bout de force Elena agonise lorsque Giulio arrive au couvent. Elena meurt quelques minutes plus tard tandis que l'évêque déchu et son secrétaire sont tués alors qu'ils tentaient de fuir.
Nunsploitation méconnu voire oublié, difficilement visible aujourd'hui, cette libre adaptation de Stendhal se présente comme une sorte de feuilleton conventuel et surtout anticlérical qui narre de manière assez discrète les amours interdites entre l'abbesse de Castro et l'évêque Francesco Cittadini. La note dramatique qui prédomine durant tout le film est donnée dés l'ouverture. L'intrigue se situe en effet sur les terres des Pouilles ravagées par la famine, la maladie et la sécheresse. Les enfants meurent, le peuple a faim priant pour que la pluie tombe enfin et apporte un peu d'eau. Les soeurs du couvent de Castro sont toutes dévouées à leurs ouailles et supplient l'évêque de leur venir en aide mais ce dernier, peu compatissant, méprisant ces malheureux affamés, est beaucoup plus intéressé par l'abbesse dont il aimerait être l'amant, une passion, celle du coeur, plus insupportable pour lui que l'horreur de la famine.
Assez rapidement Crispino abandonne la détresse des paysans pour se concentrer essentiellement sur les tourments de la superbe Elena rongée par le souvenir de son amour pour Giulio, ses désirs de femme attisés par son attirance pour l'évêque et sa condition ecclésiastique, sa dévotion pour Dieu. La majeure partie de l'aspect socio-historique du roman est gommé au profit d'un érotisme piquant réduisant l'oeuvre de l'écrivain à un simple drame érotique conventuel agrémenté de quelques encarts romantiques (les flash-back floutés, lumineux, de l'idylle entre Elena et Giulio) dont le ton rappelle celui des romans-photos. La trame narratrice du film se rapproche d'ailleurs de celle de ces supports alors très en vogue auxquels on aurait rajouté les principaux codes de l'exploitation, du nunsploitation, avec notamment une prédilection pour la nudité puisque Crispino ne manque aucune occasion de déshabiller son abbesse pour mieux la filmer nue, rongée par les démons de la chair, abandonnée aux bras de l'évêque qui très vite devient son amant secret ou encore lors des scènes de mortification et qui s'en plaindrait puisque l'abbesse a les traits de Barbara Bouchet qui multiplie les scènes de nu.
Quelque soit le climat érotique dans lequel La badessa di Castro baigne le film reste néanmoins assez sage. On est assez loin de certains débordements que le genre connaitra par la suite. Crispino à l'instar de la mise en scène demeure discret, même pudique. A la complaisance et au voyeurisme, à la violence des images ou de l'érotisme le cinéaste leur préfère un coté légèrement plus intellectuel, presque beau, en totale adéquation avec la tragédie romanesque qu'il signe. La badessa di Castro est un roman tragique, feuilletonesque, en costumes religieux baigné dans les flots de violons d'un Carlo Savina inspiré, une histoire d'amour prohibée, hérétique, qui mènera les protagonistes droit vers l'enfer des tortures inquisitrices puis la mort, un no happy end nourri par la haine, la jalousie et l'arrivisme, qui renforce l'aspect dramatique de l'ensemble à la manière de La nonne de Monza.
Exploitation oblige cela n'empêche nullement Crispino d'agrémenter le film de séquences trash dont se régaleront les amateurs. Hormis les inévitables plans de mortifications, les tortures finales, la déchéance physique de Barbara Bouchet qu'on adorera voir souffrir, enlaidie, malade, on retiendra surtout la scène des serpents jetés vivants dans le feu lors de cérémoniaux orchestrés par un charlatan dont le seul effet n'est pas de faire tomber la pluie, objectif premier du rite, mais de réveiller l'ardeur des nonnes en transe. Une novice et un jeune prêtre en feront les frais. De quoi faire bondir les amis des bêtes mais réjouir un public avide de cruauté animale.
Une des grandes forces du film est son interprétation. Barbara Bouchet, à tout juste 26 ans, est non seulement délicieusement superbe mais elle montre comme elle l'avait déjà fait pour Valeria dentro e fuori et le refera par la suite notamment dans Per le antiche scale de Mauro Bolognini quelle actrice dramatique elle pouvait être. La badessa di Castro lui doit beaucoup. S'il ne fallait qu'une seule et unique raison de visionner le film ce serait sans nul doute celle ci. A ses cotés Pier Paolo Capponi incarne un évêque lubrique, détestable, qu'on aurait peut être aimé un peu plus haïssable. Son jeu manque un brin de force pour en faire un réel vilain. Ida Galli, ennemie jurée de Barbara, tout aussi excellente qu'elle, est une soeur dévorée par la jalousie et son amour pour l'évêque. La rousse Mara Venier qui fut un temps la compagne de Capponi dont il eut un fils est une novice odieuse prête à tout par amour pour l'évêque. Patrizia Valturri est la jeune servante timorée de l'abbesse. L'ex-bellâtre Antonio Cantafora alors habitué aux décamérotiques incarne Giulio le bel aventurier tandis que le futur réalisateur Ciro Ippolito, séduisant, est Cesare Di Bene, le dévoué secrétaire de l'évêque.
Tourné dans les décors d'un véritable monastère, La badessa di Castro n'est certes pas un nunsploitation inoubliable mais le film de Armando Crispino est suffisamment poignant pour retenir l'attention du spectateur. Cette tragédie romanesque anticléricale des temps jadis, sobre mais prenante, se regarde avec grand plaisir. Oubliée des éditeurs tant vidéo que DVD, disparue depuis des lustres des programmes des chaines télévisés italiennes La badessa di Castro mérite bel et bien toute l'attention de l'amateur qui se fera une une joie de lui faire une place d'honneur sur les étagères de sa vidéothèque.