Teenage kicks
Autres titres:
Real: Craig Boreham
Année: 2016
Origine: Australie
Genre: Drame
Durée: 96mn
Acteurs: Miles Szanto, Daniel Webber, Anni Finsterer, Shari Sebbens, Charlotte Best, Leck Mackiewicz, Nadim Kobeissi, Tony Poli, Ian Roberts, Scott Markus, Stephanie King, Geordie Robinson, Andrew Lindqvist, Joshua Longhurst...
Résumé: Miklos, fils d'immigrés hongrois, est responsable de la mort tragique de son frère ainé. Rongé par un sentiment de culpabilité de plus en plus violent, il doit également gérer une sexualité qu'il ne contrôle pas. Miklos est en effet attiré par les hommes et il est surtout amoureux de son meilleur ami Dan. Lorsque Dan rencontre Phaedra Miklos voit la jeune fille comme un obstacle à sa relation avec son ami. Rejeté par sa famille, Miklos perd de plus en plus pied. Après une première expérience homosexuelle, il fait une tentative de suicide désespéré d'avoir surpris Dan faire l'amour à sa petite amie. Sauvé in extremis, Miklos avoue enfin ses sentiments à son ami dont la réaction sera très brutale...
Jusqu'alors connu pour ses courts gay l'australien Craig Boreham signe avec Teenage kicks son premier long métrage, véritable petite bombe dans l'univers du cinéma homosexuel australien méconnu jusqu'à aujourd'hui. Inspiré des propres souvenirs, des expériences personnelles et celles de l'entourage de son auteur, le film met en scène un fils d'immigrés hongrois mal dans sa peau en quête de son identité sexuelle qui suite à la mort tragique de son frère va voir sa vie complètement bouleversée.
Deux adolescents, Miklos et son meilleur ami Dan, se masturbent en regardant un film porno
lesbien. Miklos semble plus excité de voir Dan se donner du plaisir que par le film lui même. En rentrant chez lui Mik surprend Tomi, son frère ainé, entrain de faire l'amour à sa future femme Annuska. Alors qu'il se masturbe en les espionnant Tomi le prend en flagrant délit. Le jeune homme furieux quitte le domicile. Pris de remord, Mik tente de le rattraper pour s'excuser mais un terrible accident de la route va tuer Tomi sur le coup. A partir de ce jour, la vie de l'adolescent va basculer. Hanté par un effroyable sentiment de culpabilité destructeur et une sexualité qu'il ne gère pas Mik va connaitre une lente descente aux enfers. Secrètement amoureux de son meilleur ami, Mik doit non seulement lui cacher son
homosexualité mais également la dissimuler à ses parents, très traditionalistes, qui ne cessent de lui reprocher le décès de son frère. Son père, un homme rude et agressif, le déteste et ne voit en lui qu'un bon à rien jusqu'au jour où rongé par la disparition de Tomi il fait un AVC. Sa mère quant à elle lui rappelle chaque jour qu'il ne sera jamais rien d'autre que la moitié de ce que son fils défunt aurait été, un vrai homme, travailleur, père de famille. Si Mik ne peut plus fuir avec Dan comme il l'avait projeté avant le drame, las de cette vie, de plus en plus mal torturé il quitte le toit familial et commence à errer dans Sidney, désireux d'avoir sa première expérience homosexuelle. Il se sent d'autant plus seul et malheureux que Dan a
désormais une petite amie, Phaedra, avec qui il couche, une intruse qui le prive d'avoir pour lui seul son ami. Mik fait la connaissance de deux petits prostitués amateurs de sexe par webcam qui vont tenter de le dépuceler mais c'est avec un jeune inconnu rencontré dans un parc qu'il fera finalement son baptême du sexe après qu'il ait eu dans un moment d'égarement des gestes déplacés envers Phaedra. Pour oublier le cauchemar qu'est devenue sa vie Mik expérimente l'héroïne pensant y trouver une forme de liberté. Incapable d'accepter la liaison de Dan et Phaedra qu'il a vu faire l'amour, il fait une tentative de suicide.
Sauvé in extremis par son ami, Mik lui avoue enfin ses sentiments et l'embrasse. La réaction de Dan est particulièrement violente. Ecoeuré par cette révélation, il sodomise brutalement Mik qui s'enfuit. Ce geste aura eu le bénéfice de briser l'amour que Mik portait à son ami. Il se rapproche alors d'Annuska, enceinte. Une relation trouble se met lentement en place entre eux, une relation faite d'amitié et d'amour, la frontière étant encore bien floue, tandis que Dan après s'être réconcilié avec Mik et avoir accepté son homosexualité décide de quitter l'Australie.
Teenage kicks débute comme une quelconque comédie adolescente qui aurait pour héros un brun ténébreux et un superbe surfer avant de rapidement emprunter d'autres sentiers,
ceux d'un coming of age movie aussi sombre que tragique, d'un drame homo-érotique puissant qui s'inspire des premiers films de Gus Van Sant, Mala noche et My own private Idaho. Si l'homosexualité adolescente, la quête de l'identité sexuelle, sont au coeur de l'intrigue, le film est cependant bien plus complexe. La sexualité est ici liée de façon intrinsèque au sentiment de culpabilité que ressent un peu plus chaque jour Mik qui, rongé par le drame, se sent d'une part responsable de la mort de son frère, d'autre part il est persuadé que sa sexualité est nuisible aux autres. Tant humainement que sexuellement il se voit désormais comme un être toxique. A ce profond mal être s'ajoutent certains facteurs
sociaux comme la religion, l'homophobie, les traditions chez les familles d'immigrés qui ne font que décupler le désarroi de Mik complètement perdu, rejeté par un père qui ne se remet pas du décès de son fils ainé, rabaissé par une mère qui ne cesse de lui rappeler qu'il ne sera jamais l'homme qu'aurait été son frère et voit surtout en lui l'image d'un premier amour désastreux qu'elle n'a jamais oublié. Et c'est finalement son meilleur ami qui s'éloigne de lui, celui dont il est amoureux, ce fil qui le rattache à la vie qu'il craint de voir prendre ses distances pour une fille.
Teenage kicks est l'histoire du chaos mental d'un jeune garçon totalement largué, privé de
guide, une lente descente aux enfers où sexualité et névrose se mêlent dangereusement et dont il ne semble exister aucune issue. Happé par cette spirale étourdissante à laquelle il ne peut échapper si ce n'est à travers l'usage de drogues, la prise initiatique d'héroïne, ou plus radicalement la mort Mik en pleine auto destruction doit en outre satisfaire ses appétits sexuels ardents, déchiré entre une homosexualité grandissante mais interdite considérée comme anormale, nocive et une normalité qui le fait se rapprocher de manière trouble mais rassurante de la fiancée de son malheureux frère, enceinte jusqu'aux dents. Cette relation n'est cependant jamais qu'une étape de plus dans la confusion qui règne en lui, une tentative
désespérée et malsaine d'exorciser les démons qui le rongent et de retrouver une certaine normalité illusoire. Et c'est également entre les cuisses de Phaedra qu'il essaie de se persuader qu'il est comme tous les autres garçons, une manière également de détourner les soupçons de la jeune fille quant à sa relation particulière avec Dan.
Professionnel, inspiré, talentueux, Boreham signe une oeuvre belle, profonde, pleine de sensibilité et d'émotion, dont la tension va crescendo jusqu'à l'explosion de violence finale. Même s'il se laisse aller à quelques facilités scénaristiques, il évite les clichés pour mieux dessiner ses personnages même secondaires, plus particulièrement celui de son principal
protagoniste, véritable force du film, interprété par l'ex-enfant star de la télévision américaine Miles Szanto. Comédien au talent incroyable, Miles est habité par son personnage. Il parvient avec brio à jouer sur toute une palette d'émotions le rendant attachant, touchant. Totalement crédible dans son rôle de jeune homosexuel tourmenté le jeune acteur affirme s'être consciencieusement préparé tant l'histoire lui a plu. Magistralement dirigé par un Boreham très inspiré par sa beauté sauvage, Miles irradie littéralement l'écran. Difficile de ne pas succomber à son charme foudroyant qui en étourdira certainement plus d'un. De longs cheveux de jais, le regard torturé à la fois tendre et fragile, un corps fin, élancé, dessiné à la
perfection, prototype même du brun ténébreux que la détresse rend encore plus séduisant, Miles nous offre en outre quelques fulgurantes scènes de nu frontal, de quoi faire exploser un spectateur déjà tout émoustillé face à une telle splendeur. L'homo-érotisme, à fleur de peau, dans lequel baigne toute la pellicule s'en trouve tout naturellement décuplé et atteint son paroxysme lors de quelques scènes à la fois belles et crasses, particulièrement fantasmatiques dans la représentation d'une certaine sexualité masculine. Hormis les traditionnelles et toujours fonctionnelles scènes d'empoignades viriles entre les deux adolescents, leur masturbation en duo et la scène de la douche après la tentative de suicide
de Mik, on retiendra tout spécialement la rencontre du jeune homme avec les deux prostitués qui tenteront de le dépuceler lors d'une séance de sexcam, véritable ode à quelques pratiques déviantes fétichistes qui comblera de bonheur les amateurs de pratiques podophiles, celui de montrer, caresser et sentir baskets, chaussettes et pieds, et le viol sodomite brutal, d'une violence extrême, de Mik à l'image de la déception et du dégout que ressent Dan pour celui qu'il croyait être son meilleur ami.
Mis en scène de manière rigoureuse, rythmé par une magnifique bande son rock, sublimé par une très jolie photographie Teenage kicks a également l'avantage de jouer par instant la
carte de l'onirisme, un aspect voulu par Boreham qui ainsi traduit un peu plus la perte de contrôle de son jeune héros, un fantôme coincé dans une vie devenue un cauchemar dont il ne peut plus ni s'extraire ni distinguer le rêve de la réalité. Certaines séquences sont purement splendides, particulièrement émouvantes notamment celle où Mik prend pour la première fois de l'héroïne en compagnie d'une junkie blafarde qui semble déjà morte, celle du suicide du jeune garçon durant lequel se mélangent les images du choc cérébral de son père.
Certains pourront reprocher au film sa fin certes ouverte mais un peu trop optimiste en forme
de happy end où Boreham laisse sous entendre un retour à une certaine normalité, une facilité un peu hypocrite qui remet les choses à leur place en un claquement de doigt mais qui ne reflète pas forcément la réalité, du moins celle du film et de son exploration de la sexualité de Mik tel que le metteur en scène nous l'a présenté durant pratiquement 90 minutes. Ces ultimes images ne sont pourtant pas définitivement écrites et chacun pourra les interpréter selon sa propre perception du film et des protagonistes.
Hormis l'extraordinaire performance de Miles Szanto qui avait déjà travaillé pour Boreham auparavant sur trois de ses courts métrages gay (en 2009 pour Drowning qui reprenait une
partie du scénario de Teenage kicks, en 2011 pour Ostia: la notte finale qui prenait comme sujet la nuit où fut assassiné Pasolini et Blue monday), on soulignera l'interprétation tout en justesse également de son partenaire, le jeune et blond Daniel Webber dont c'était le premier grand rôle à l'écran après son apparition remarquée dans la série télévisée 22.11.63 sur l'assassinat de Kennedy et quelques courts. Daniel confesse lui aussi adorer ce film dans lequel il est fier d'avoir joué malgré un tournage hivernal souvent difficile. Beaucoup moins présent dans le script original, son personnage fut étoffé par la suite et pris une importance capitale dans le scénario définitif, un choix que ne regrette pas l'acteur.
A leurs cotés, Shari Sebbens apporte au film beaucoup de douceur et de sensibilité à l'instar de Charlotte Best. Tony Poli qui avait lui aussi déjà travaillé pour Boreham est un père agressif, rudoyant, qui avec Anni Finsterer, austère, forme un couple de parents immigrés implacables. Quant à l'ex-rugbyman Ian Roberts il joue le père célibataire bourru de Dan.
Projeté au festival de Sidney puis dans d'innombrables autres manifestations cinématographiques à travers le monde, Teenage kicks qui par certains points rappellera Head on / De plein fouet, un autre film gay australien, a remporté à chacune de ses
projections un succès retentissant. Il est devenu en peu de temps un classique du film gay adolescent, un coming of age movie indispensable qui donne au cinéma gay australien ses lettres de noblesse. Boreham a talentueusement signé un film âpre, douloureux, bourré d'émotions, qui continuera à marquer le spectateur longtemps après son visionnage comme il sera encore longtemps sous l'effet ensorceleur de la beauté de Miles Szanto dans les bras duquel il souhaitera paisiblement s'endormir... après avoir lui aussi profité de ses chaussettes et de ses pieds lors de quelques délices odorants aussi déviants qu'extatiques.