Afyon oppio
Autres titres: Action héroïne / La filière / The sicilian connection / The opium connection
Real: Ferdinando Baldi
Année: 1972
Origine: Italie / Turquie
Genre: Polar / Action
Durée: 97mn
Acteurs: Ben Gazzara, Silvia Monti, Fausto Tozzi, Steffen Zacharias, Luciano Catenacci, Jess Hahn, José Greci, Malisa Longo, Mario Pilar, Luciano Rossi, Teodoro Corrà, Corrado Gaipa, Ezio Sancrotti, Carlo Gaddi, John Bartha, Giuseppe Castellano, Bruno Corazzari, Guerrino Crivello, Irio Fantini, Luigi Antonio Guerra...
Résumé: Un aventurier américain, Giuseppe Copola, se rend en Turquie dans la région d'Afyon afin d'y suivre la filière de la morphine. Il achète de l'opium à un dénommé Sacha qu'il va revendre ensuite à un chef mafieux sicilien. La drogue sera acheminée vers New-York par navire. Arrivée à destination, les syndicats de la drogue viennent la récupérer. C'est à ce moment que la police fait irruption. Elle arrête Coppola qui est assassiné lors de son transfert. Sa mort n'était qu'un stratagème puisqu'il est en fait un agent des narcotiques. Mais la mafia n'entend pas en rester là...
Modeste routard de la série B à l'italienne, Ferdinando Baldi dont on garde surtout à l'esprit ses quelques westerns s'est au tout au long de sa carrière essayé à bien des styles cinématographiques avec plus ou moins de bonheur mais toujours avec coeur et professionnalisme. S'il ne signa qu'un seul giallo, l'excellent Nove ospiti per un delitto, il ne réalisa également qu'un seul polar, Afyon oppio, une petite bande méconnue qui mérite d'être sortie des tiroirs dans lesquels elle dort depuis bien des années, désespérément oubliée malgré une tardive et discrète sortie française en 1978 soit plus de six ans après sa
réalisation sous le titre Action héroïne.
Giuseppe"Joseph"Coppola, un aventurier américain, remonte la filière de la morphine base en Turquie. Il y achète de l'opium qu'il va revendre à Palerme à Don Calagero qui la transformera ensuite en morphine. Celle ci est alors transférée à New-York bien dissimulée dans le corps de poissons accrochés sous la ligne de flottaison d'un navire italien. Tandis que les syndicats de la mafia américaine s'emparent de la drogue, la police fait irruption. Coppola est arrêté et assassiné lors de son transfert en prison. Ce qu'ignorent la mafia est que sa mort était programmée. Ce n'était qu'un leurre. Coppola est en fait un agent des narcotiques américains.
Inspiré par The french connection, Afyon oppio s'inscrit dans le filon des mafia movies italiens qui cette fois cible le triangle Istanbul-Palerme-New-York. Oeuvre hybride Action héroïne également connu sous le titre La filière mélange le film documentaire et le film traditionnel de gangsters saupoudré d'un nuage d'action principalement située en fin de métrage. C'est étrangement le coté documentaire qui est ici la partie la plus intéressante, celle qui touche à la récolte de l'opium et sa transformation en morphine à partir d'une pâte fabriquée à partir des graines du pavot. Non seulement Ferdinando Baldi nous détaille méticuleusement, de manière presque scientifique, tous les secrets de la récolte de la
plante et de sa transformation mais il nous offre en plus un magnifique voyage au coeur même des paysages magiques de la Turquie, ceux d'Afyon, le village de l'opium, de ses champs de pavots et ses déserts arides somptueux, ensorcelants, sublimés par une photographie particulièrement soignée de Aliace Parolin. Le voyage se clôturera par l'étonnante attaque des mines de la grotte aux fées menée par une hordes de pillards vêtus comme des bédouins, certainement un des meilleurs moments du film.
Pour le reste Afyon oppio est plus ou moins inégal. Après une ouverture particulièrement morbide, la marche funéraire sicilienne suivie de l'éventration du défunt dans les entrailles
duquel ont été cachés des sachets d'héroïne puis de la mise à mort du sergent de police, enfermé vivant dans le cercueil de l'éviscéré, le film opte pour un ton plus serein et surtout un rythme d'une lenteur par moment excessive dont souffre essentiellement toute la partie centrale pratiquement dénuée de toute action. Reste pour tenir le spectateur en éveil, élément vital pour un film centré sur le pavot, que quelques dialogues plutôt savoureux, notamment ceux de Corrado Gaipa (Don Calagero) sur ce qu'il appelle "la sauce française" et la dégustation très sexuelle des fraises à la crème, quelques jolies séquences et surtout une interprétation rigoureuse, toujours convaincante, de l'américain Ben Gazzara, excellent
dans le rôle de Coppola. Il faudra attendre l'ultime bobine pour retrouver un rythme beaucoup plus échevelé puisque cette fois l'action prédomine entre courses-poursuites, arrestations, face à face sanglant... jusqu'au final et son double retournement de situation que les habitués du film noir auront sûrement senti venir, une façon d'inaugurer en quelque sorte celui de Italia a mano armata.
On pourra reprocher à Baldi de n'avoir finalement rien dénoncé, d'être resté superficiel avec cette petite bande incertaine qui mange à tous les râteliers, aventure, action, polar, documentaire... sans jamais choisir un style précis. Pourtant quelque soit ses défauts,
hormis une réalisation peu incisive plutôt anodine, il faut reconnaitre au film qui rappellera plus les vieux films de gangsters américains des années 50 et 60 que les polars à l'italienne des années 70 la précision avec laquelle son auteur décrit le monde cruel et cynique du milieu de la drogue appuyée par une interprétation internationale éloquente d'une jolie brochette d'acteurs.
Aux cotés du solide Ben Gazzara et Corrado Gaipa, on reconnaitra avec plaisir quelques incontournables gueules du polar à l'italienne dont Luciano Rossi, Fausto Tozzi, Bruno Corazzari, Stephen Zaccharias et le toujours valide Jess Hahn. La partie féminine est quant
à elle assurée d'une part par la délicieuse Silvia Monti, Malisa Longo version brune d'autre part, qui pour une fois ne se révèle pas trop mauvaise comédienne, chose suffisamment rare pour être mentionnée.
Coproduit avec la Turquie, pays avec qui l'Italie collabora très souvent, rythmé par une partition musicale discrète des frères De Angelis agrémentée d'un thème chanté très hippie particulièrement séduisant qui donne à l'ensemble une couleur fortement estampillée début
années 70, Afyon oppio n'est certes pas un pilier du mafia movie mais il n'en demeure pas moins un petit film divertissant au charme certain, jamais inintéressant, qu'apprécieront les amateurs de cinéma Bis pas trop exigeants. Le film de Baldi mérite sa place dans toute bonne vidéothèque de bissophiles et démontre que son auteur à l'instar d'un Alfonso Brescia a toujours su consciencieusement bricoler de bonnes petites séries B.