Un attimo di vità
Autres titres: La sensualità è un attimo di vita
Real: Dante Marraccini
Année: 1972
Origine: Italie
Genre: Fantastique / Drame / Erotique
Durée: 87mn
Acteurs: Gianni Dei, Margaret Lee, Gabriele Tinti, Rita Calderoni, Orchidea De Santis, Guido Alberti, Samantha Starr, Ada Pometti, Luigi Antonio Guerra, Syl Lamont, Riccardo Scalera, Paolo Sorbelli, Fabrizio Cimicchi, Jim Anderson, Silvia Baumann, Attilio Tosato, Sandro D'Arrigo, Paola Rosi, Akim, Giovanna Simonetti, Fabio Brunetti, Tonino Fratea ...
Résumé: Un couple court nu sur une plage. Ils aperçoivent un étranger rôder autour de leur jeep. Ils l'emmènent dans un village désert où vit une petite communauté vêtue de blanc dont ils sont les leaders. L'étranger est forcé de les suivre dans un voyage où vont s'enchainent les aventures toutes plus étranges les unes que les autres...
Auteur de seulement trois films quasi invisibles en l'espace de vingt trois ans, l'énigmatique Dante Marraccini, ex-journaliste et écrivain philosophique, débuta sa carrière de metteur en scène en 1975 avec Un attimo di vita, une des pellicules les plus étranges, les plus bizarres que le cinéma de genre italien ait pu alors offrir.
Un couple, Mario et Marcella, courent nus sur une plage, la tête martelée par toute une série de questions existentielles. Ils aperçoivent un homme, Antonio, tourner autour de leur jeep. Est un voleur? Est ce un étranger? Ils se rhabillent, décident de l'emmener dans un village blanc entièrement désert où ils rejoignent un petit groupe dont ils semblent être les meneurs. Tous sont vêtus de blanc. Antonio est considéré comme un étranger, un être différent, un intrus, une menace, puisqu'il n'est pas habillé comme eux. L'intrus est seul avec l'écho puis le groupe le rejoint. Ils sont attaqués par une foule bigarrée maquillée comme un pour un carnaval. Le groupe meurt, des femmes en noir dansent autour de leur corps, le groupe revit, change de vêtement. Devenus normaux la folie s'empare d'eux. L'un d'eux tue un des membres de la communauté pour s'accaparer les habits qu'il portait. Ils fuient, se mettent nus, se rhabillent. Ils rencontrent un groupe de fêtards et une putain, font un barbecue sur la plage qui se transforme en orgie à laquelle participe une vache qu'on traie. Ils entrent ensuite dans une sorte de grotte qui s'avèrent être une boite de nuit. Ils dansent sur un air de rock psychédélique sur un fond d'images apocalyptiques. Ils repartent, errent au milieu de ruines où ils rencontrent une joueuse de flûte fantôme. Ils entrent dans une salle millénaire, la détruisent pendant qu'Antonio s'acharne sur Marcella. Ils fuient à nouveau, prennent le bateau. Christine, une des membres du groupe, tente de se suicider. De nouveau sur terre, Antonio décide de les quitter. La communauté le roue de coups à l'aide de battes. Marcella le sauve d'une mort certaine. Il repart avec eux. Tous se vêtissent à nouveau de blanc. Marcella, Antonio et Mario décident de dérober une valise pleine d'argent lors d'une pièce de théâtre carnavalesque donnée au bord d'une piscine dans un pré. Mario réussit l'escroquerie mais il est pris en chasse par deux policiers fantômes. Il rejoint Marcella et Antonio. Au loin résonne la sirène d'une voiture de police. Mario a été suivi. Marcella tue Antonio. Tout est fini.
Ce résumé n'est qu'un court aperçu d'un film totalement irracontable si toutefois Un attimo è un vita se raconte, si toutefois le film de Marraccini possédait un scénario. Il ne semble n'y avoir ni logique, ni fil conducteur ni même une véritable histoire. L'intrigue part tout azimut, les séquences s'enchainent les uns aux autres sans lien réel au fil des pérégrinations tant terrestres qu'aquatiques de ce groupe d'hommes qui vit dans un monde indéfini, une époque indéfinie. Hier, aujourd'hui, demain.. qu'importe. Tout semble absurde, grotesque à l'image des dialogues pesants, envahissants, aussi obscurs que l'histoire, une suite de réflexions sans queue ni tête sur la vie, la mort, Dieu, la différence, notre monde. S'il fallait rapprocher Un attimo di vita, film absolument inclassable, échappant à toute catégorie (anticipation, fantastique, science-fiction, drame, érotique...), d'un style précis ce serait celui de Alberto Cavallone et de Renato Polselli dont il pourrait être un mix. De Polselli on retiendrait le ridicule de dialogues confus, pseudo philosophiques, faussement métaphysiques, de Cavallone le film lui aurait emprunté son étrangeté, sa poésie trash, son surréalisme. Est ce d'ailleurs une coïncidence si un des personnages se nomme Polselli et si Rita Calderoni fait partie de la distribution? On pourrait également lui trouver des influences felliniennes voire quelques touches à la Derek jarman.
Si on fait un tant soit peu l'effort de se plonger dans l'univers de Marraccini on parvient à comprendre plus ou moins le sens du film, du moins la base qui lui sert de trame, qui n'est en fait qu'une allégorie sur la différence, la peur qu'elle engendre. Marraccini veut un monde uniforme où on serait tous égaux afin de changer les choses, un thème très à la mode au début des années 70. La jeunesse, notamment celle issue de la bourgeoisie, se regroupait, se rebellait contre leurs parents et les institutions afin de changer la face du monde mais au final tout ne fut qu'utopie. Quelques soient leurs idées ils n'ont rien changé. ils se sont perdus dans leur révolution, leurs idées, leurs illusions tout en s'évadant à travers des paradis artificiels, l'esprit englué de questions existentielles. Finalement quelque soit l'habit qu'on porte, des ensembles blancs au smoking, du jean traditionnel aux tenues excentriques que revêtent les philosophes (des robes à pois!), qu'on soit nu, rien ne change. Marraccini tourne autour de ces thèmes durant 90 minutes en créant des sortes de tableaux incompréhensibles, truffés de symboles souvent hermétiques, d'images, de signes, de détails qu'il faut interpréter si jamais ils peuvent être interprétés. Un attimo di vita pourrait être vu comme une sorte de pièce de théâtre avant-gardiste agrémentée d'intermèdes érotiques. Une partie du film semble d'ailleurs mise en scène et jouée comme une pièce. Autant dire que si on n'est pas un tant soit peu attiré par un cinéma cérébral, insensé, complètement fou, cette première incursion cinématographique de Marraccini risque d'être pénible. Le cas échéant on sera sous le charme de cette pellicule, fasciné par cette curiosité qui respire les années 70, leur folie, leur magie, leur courant de pensées.
Un attimo di vita aussi fermé, aussi obscur, aussi difficile d'accès et ridicule soit il reste néanmoins une oeuvre obsédante, fascinante, d'une beauté visuelle extraordinaire qui doit beaucoup à ses magnifiques décors naturels. Entièrement tourné en extérieur, dans les sites venteux magiques et sauvages de Sperlonga et ses alentours, village médiéval féerique perdu au coeur du Latium merveilleusement mis en valeur par une excellente photographie, le film de Marraccini est d'un esthétisme stupéfiant servant à merveille l'étrangeté du récit et des tableaux.
Toujours au crédit du film son interprétation, Gabriele Tinti en tête. S'il fallait ne retenir qu'un nom ce serait très certainement le sien. Il offre ici une prestation surprenante, totalement investi, entre folie, peur et rage. Il prouve une fois de plus quel grand comédien il était, un acteur souvent sous employé au cinéma qui quelque soit la médiocrité du film donnait toujours le meilleur de lui. A ses cotés on retrouve Gianni Dei qui de son coté nous offre une séquence de course effrénée sur une plage, puis dans le village, entièrement nu, le sexe se balançant en tous sens, un grand moment de cinéma trash que les amateurs ne manqueront certainement pas. Il est accompagné de l'anglaise Margaret Lee, tout aussi nue, leader implacable de ce groupe errant, dont ce sera une des ultimes apparitions à l'écran. On reconnaitra également Orchidea De Santis en putain et Rita Calderoni toujours aussi impudique mais encore saine et sobre (dixit le cinéaste lui même qui regrette que quelques mois plus tard elle se mit à lentement se détruire en abusant de drogues). parmi la petite communauté errante qui n'est pas sans rappeler les communautés hippies, pleine de cheveux longs et de pantalons pattes d'éph', on citera la présence d'une toute jeune Ada Pometti, Samantha Starr, la fille de couleur (Marraccini déclarait qu'il voulait pour chacun de ses films une actrice noire du fait de leur naturel, leur aisance devant une caméra, leur instinct de liberté), l'américain Syl Lamont, Luigi Suarez que l'épouse de Mastroianni lui recommanda, Silvia Baumann, la fille du producteur (la joueuse de flûte fantôme) et l'incontournable générique Luigi Antonio Guerra.
Tourné sans pratiquement aucun budget à cheval entre 1972 et 1973, cette fantasmagorie érotico-existentielle inclassable sera aux yeux des invétérés d'oeuvres bizarres, tordues, un véritable petit chef d'oeuvre fortement estampillé années 70 qui le considéreront comme un film culte, un monument de pur cinéma trash comme seule l'Italie su alors en offrir qui au fil des visions successives prend de plus en plus de sens. Les autres n'y verront qu'une pellicule absurde particulièrement ennuyante qui les fera bailler aux corneilles ou rire à gorge déployée. C'est bien évidemment du coté des premiers que nous nous plaçons en recommandant la découverte de ce petit bijou perdu, oublié quelque part dans le labyrinthe du temps. Un must de l'euro-trash dont selon Marraccini il existerait une version française qu'il déteste, le doublage ayant massacré selon lui son travail.
Marraccini reviendra à la réalisation vingt ans plus tard avec deux travaux tout aussi marginaux et hermétiques difficilement visibles, Crack un illusione senza ritorno en 1994 puis Un affare trasversale en 1998,