Anita Strindberg: la diva des glaces
Incontournable figure du thriller à l'italienne dont elle fut une des
reines, son port altier, sa beauté de glace, son élégance naturelle, la
cantonnèrent très souvent dans des rôles de bourgeoises décadentes. Si
son corps n'a plus de secrets auprès de ses admirateurs tant il fut
exploité par les cinéastes elle demeure cependant une véritable énigme
tant on sait si peu de choses d'elle. Les informations les plus folles
ont ainsi souvent couru à son sujet tant sur
sa biographie que sur sa disparition au tout début des années 80. Pour
trouver des renseignements et tenter de remettre les choses en place il
faut s'armer de patience et fouiller les archives presse de l'époque, se
référer aux très rares interviews qu'elle accepta de donner ainsi
qu'aux tout aussi rares reportages dont elle fut l'objet essentiellement
en Italie, un travail de longue haleine dont l'apothéose fut son
incroyable réapparition au début des années 2000 à la télévision
suédoise où la plus italienne des beautés nordiques rétablit quelques
vérités.
Il est maintenant grand temps pour le Maniaco de faire toute la lumière
sur cette comédienne d'exception toujours aussi adulée à travers le
monde, balayer les rumeurs et découvrir qui était réellement l'altière
Anita Strindberg.
Toute
sa vie Anita Strindberg de son vrai nom Anita Edberg aura été un
mystère puisque le doute s'installe dés sa naissance. Elle n'aurait en
effet pas vu le jour le 29 mai 1938 comme on le voit régulièrement
écrit mais le 19 juin 1937 comme l'affirme le registre officiel du
cinéma suédois, une date plus plausible au vu de sa future carrière.
Au départ modèle à succès, Anita apparait pour la première fois à la télévision suédoise à
la fin des années 50 en tant qu'hôtesse dans un jeu télévisé dominicale. Très vite
remarquée pour sa beauté elle débute au cinéma en 1957 dans Biondin i fara / Rien que des blondes de Robert Brandt, un rôle très court où élégamment vêtue d'un tailleur elle promène son chien, suivi la même année (et non en 1959 comme une fois encore on le voit écrit trop souvent) de Sköna Susanna och gubbarna
dans lequel elle joue la Susanna du titre, un des principaux
personnages. Si la critique est particulièrement négative, seule Anita
trouve grâce à ses yeux. Elle fait très vite la couverture de magazines,
enflamme la presse scandinave. Anita a cependant d'autres choses en
tête.
De la péninsule ibérique à l'Italie il n'y a bien souvent qu'un pas. Avec un ami elle ouvre avec succès une galerie d'art à Rome. Les plus grands noms du monde artistique s'y ruent, parmi eux des producteurs qui subjugués par sa beauté lui proposent de revenir au cinéma. Elle adopte le pseudonyme d'Anita Strindberg afin de ne pas être confondue avec la fellinienne Anita Ekberg et tourne ainsi en 1970 son premier film le bien oublié Quella chiara notte d'ottobre de Massimo Franciosa dans lequel elle n'a qu'un petit rôle, celui de la femme assassinée. Elle accepte ensuite le rôle que lui propose Lucio Fulci dans Le venin de la peur. Peu convaincue par ce thriller auquel elle ne croit pas, le succès remporté par le film va cependant la surprendre de façon positive. Ce film sera sa chance. Anita n'a jamais caché qu'être actrice n'a jamais été sa vocation première encore moins un rêve mais la réussite du Venin de la peur va la pousser à poursuivre cette carrière. Entre 1971 et 1976 elle va enchainer les gialli, un genre dont elle devient une des icônes. Ainsi après le film de Fulci qui deviendra pour elle un ami elle est à l'affiche de La queue du scorpion, la journaliste qui enquête aux cotés de George Hilton, et de Ton vice est une pièce cachée dont moi seule ait la clé, excellente en alcoolique maltraitée par son époux Luigi Pistilli, tous deux de Sergio Martino qui dira d'elle qu'elle était une actrice talentueuse mais dont la beauté trop froide n'était peut être pas faite pour le marché italien. Elle poursuit avec Les deux visages de la peur de Tulio Demicheli, Qui l'a vue mourir? de Aldo Lado, l'exotique Tropique du cancer de Edoardo Mulargia, le thriller érotique de Mario Sequi La verginella et enfin, dans un rôle beaucoup un peu trop court, L'homme sans mémoire de Duccio Tessari avec lequel elle termine ce cycle.
Anita ne se contente donc pas seulement d'être la reine du thriller à l'italienne, elle est également à l'affiche d'un polar, Milano odia: la polizia non puo sparare de Umberto Lenzi dans lequel elle est malheureusement beaucoup trop sous exploitée et de quelques sexy comédies comme All'onorevole piacciono le donne de Fulci, un film pitoyable, idiot selon elle qu'elle accepta de faire contrainte et forcée par son agent, et, plus blonde que jamais, le dynamique La segretaria privata di mio padre de Mariano Laurenti avec Renzo Montagnani dont elle joue la maitresse.
Dans un autre genre, elle est une des principales protagonistes du WIP de Rino Di Silvestro La vie sexuelle dans une prison de femmes dans lequel son port altier, son élégance, son air bourgeois, tranchent avec le reste de la distribution.
Dans la plupart des films qu'elle tourna, Anita multiplia les scènes de nu plus ou moins contrainte. Elle confessait lors d'une interview que très souvent elle a eu l'impression de n'avoir jamais pu exprimer tous ses talents d'actrice et regrettait que les cinéastes ne voient en elle qu'un corps à dévêtir parfois de façon gratuite. De ce fait elle n'était pas toujours très satisfaite des films qu'elle faisait et bien peu d'entre eux trouvaient grâce à ses yeux. hormis un seul, Contratto carnale de Giorgio Bontempi. Anita avouait beaucoup aimer ce film tourné au Ghana en 1973 aux cotés de George Hilton et de sa consoeur Yanti Somer. Si elle y était nue à de nombreuses reprises, la nudité était ici justifiée et servait une histoire qu'elle jugeait très belle, très intéressante. Elle prit un plaisir infini à jouer dans ce film où pour la première fois de sa carrière elle ne se sentait pas exploitée et avait le sentiment de faire passer un message en tant que femme.
On verra encore Anita dans L'antéchrist de Alberto De Martino, La profanazione de Tiziano Longo avec Jean Sorel et un petit film plutôt à part, presque documentaire, de Duccio Tessari sur les acrobates du ciel et les pilotes d'avion, La patrouille du ciel avant qu'au milieu des années 70, Anita mette un frein à une carrière qui selon elle stagne.
Entre 1976 et 1980 elle va ainsi disparaitre des écrans et profiter de la vie, des voyages et de ses multiples passions artistiques. Quelques temps avant cette retraite, la belle suédoise affirmait n'avoir jamais aimé le faste, la vie mondaine, les fêtes et autres mondanités. Elle aspirait à une vie simple, tranquille, presque solitaire, enfermée chez elle avec de bons livres afin d'approfondir sa culture.
Anita fait une éblouissante réapparition en 1981 sur le petit écran cette fois dans trois épisodes de la mini-série historique L'eredita della Priora puis décroche un rôle secondaire dans La salamandre de Peter Zinner auprès de Anthony Quinn, Christopher Lee et Franco Nero. Anita y est tout simplement radieuse dans la peau de la comtesse Faubiani. Elle enchaine avec Murder obsession de Riccardo Freda dont ce sera le chant du cygne, un film qu'Anita dit avoir accepté car elle était une passionnée de spiritisme, de magie et d'occultisme. Vieillie pour l'occasion, Anita y interprète une baronne malade qui vit recluse avec son fils patricide dans son manoir dans lequel une troupe de comédiens s'apprête à tourner un film. Murder obsession qui vaut essentiellement pour sa présence sera l'ultime film d'Anita qui de nouveau amoureuse décide de se marier. Elle met ainsi un terme définitif à sa carrière d'actrice.
Anita va alors totalement disparaitre, donnant l'impression de s'être volatilisée de la surface de la planète. Quelques rumeurs vont courir à son sujet. On peut notamment lire qu'elle se serait mariée à un milliardaire, vit une vie de rêve... Durant bien des années des informations plus ou moins farfelues vont fuser. Une seule chose est sûre Anita reste introuvable. La vérité est toute autre. Anita après s'être retirée du feu des projecteurs s'est consacrée à sa vie de mère de famille et de femme, aux voyages et à moult activités artistiques. Elle est retournée à Stockholm. Au début des années 2000, contre tout espoir de la revoir un jour, ses fans ont eu la surprise de sa réapparition à la télévision suédoise lors d'une émission consacrée aux plus grandes stars du cinéma suédois. Désormais septuagénaire, l'ex-diva des glaces y expliquait que durant toues ses années, elle vivait de manière fort simple, anonyme, quelque part en Suède loin de toute technologie. Elle déclarait ne pas avoir internet et fut très étonnée et émue d'apprendre qu'aujourd'hui encore elle suscitait l'admiration de très nombreux admirateurs aux quatre coins de la planète, loin très loin d'imaginer que ses films auxquels elle n'a jamais vraiment cru étaient encore mondialement adulés.
Après ce passage télévisé inespéré qui en ravit plus d'un Anita qui longtemps symbolisa un érotisme raffiné, presque froid, se retira pour de nouveau s'effacer et disparaitre dans le plus parfait anonymat, retrouver cette tranquillité qu'elle affectionne tant.
Octogénaire en parfaite forme, pleine d'humour, Anita a tout de même accepté en 2015 de sortir quelques instants de sa retraite pour gentiment apparaitre sur les bonus de l'édition française du Venin de la peur aux cotés de Jean Sorel.