Juventud drogada
Autres titres:
Real: José Truchado
Année: 1977
Origine: Espagne
Genre: Drame / Drugsploitation
Durée: 90mn
Acteurs: Tony Isbert, Eduardo Bea, Gloria Hayworth, Lone Fleming, Antonio Mayans, Celia Torres, Ines Morales, Alfredo Calles, Heinrich Strahemberg, Antonio Ramis, Ursula Grim, Mariano Vidal Molina, Fabian Conde, Marisa Porcel, Cristino Almodovar, Manuel Ayuso, Rafael Mozos, Manuel Salamanca, Fernando Baeza, Eulalia Del Pino, Dum Dum Pacheco...
Résumé: Albert, un jeune garçon issu de la bourgeoisie madrilène, tombe dans le piège d'une petite bande de dealers menée par Alex. Ce dernier lui a arrangé un rendez-vous avec Sandra, une complice, afin de l'amadouer. Il l'accoutume aux joints puis aux drogues plus dures dans le but inavoué qu'il accepte de dérober régulièrement des produits stupéfiants dans le laboratoire pharmaceutique de son père. Si les premiers vols se déroulent plutôt bien les choses vont cependant se dégrader le jour où Albert est arrêté pour consommation de drogues. Désormais soupçonné par son père, Albert commet un nouveau vol qui se termine tragiquement...
Scénariste acteur metteur en scène José Truchado est surtout connu en Espagne pour ses comédies horripilantes, franchement niaises, tournées au début des années 80 avec le grand acteur ibérique Antonio Ozores. On lui doit également quelques fleurons du cinéma d'exploitation espagnol comme sa version de Tarzan. Juventud drogada, réalisé au début de l'année 1977, fait donc figure d'exception dans sa courte filmographie puisqu'il tente une incursion dans le milieu de la délinquance juvénile avec ce drugsploitation à l'espagnol qui nous entraine à suivre la déchéance d'un garçon issu de la jeunesse dorée madrilène,
junkie malgré lui, victime d'une bande de voyous qui se sert de sa position sociale pour se procurer leurs doses de drogues dures.
Fils du directeur d'un laboratoire de produits pharmaceutiques et d'une mère qu'il ne souhaite plus revoir depuis qu'il l'a surprise au lit avec son amant Albert passe ses soirées en boite et profite du milieu aisé dont il est issu, peu soucieux de trouver un travail. Un soir alors qu'il est en discothèque il est repéré par Alex et sa bande de dealers qui sont bien décidés à l'attirer dans leurs griffes. Ils demandent à Sandra, une des filles de la bande, de lui tendre un piège et feindre une agression. A l'arrivée d'Albert, ils fuient. Le jeune homme
ramène Sandra chez elle. Elle partage en fait un appartement avec Alex, son comparse Cris et deux amies lesbiennes. Pour le remercier et le détendre Alex le fait fumer un joint. Très vite malade, il quitte l'appartement non sans avoir été fasciné par cet univers de débauche. Alex va alors contraindre la petite amie d'Albert à rompre afin qu'il puisse entamer une relation avec Sandra. Albert devient vite dépendant des joints puis de drogues plus dures. Désormais membre à part entière de la bande d'Alex, Albert, en confiance, lui obéit aveuglément. Alex lui demande alors de voler des produits stupéfiants dans le laboratoire de son père ce qui était l'objectif premier du voyou. Si le premier vol se déroule sans problème, le second se termine
mal pour Alex qui est arrêté, hagard, et emprisonné pour forte consommation de drogues. Soupçonné désormais par son père et la police d'être impliqué dans les vols, se sentant responsable de la mort d'un policier lors du dernier cambriolage, Albert réalise enfin qu'Alex s'est servi de lui. Il fonce à l'appartement pour aller chercher Sandra mais Alex et sa bande le terrassent et lui font avaler de force des comprimés. Prévenue par Sandra qui est parvenue à s'échapper, la police donne l'assaut.
Ainsi résumé Juventud drogada pourrait paraitre tout à fait intéressant. C'était malheureusement oublier que Truchado était surtout spécialisé dans la petite comédie. Bien
difficile de prendre en effet ce film au sérieux qui accumule improbabilités et invraisemblances notamment au niveau de son personnage principal, Albert. On le savait depuis longtemps déjà la jeunesse dorée aime oublier ses frustrations et son oisiveté dans la violence (le cinéma d'exploitation italien l'a très souvent démontré) ou la drogue voire les deux ensemble. Albert en est une nouvelle illustration à laquelle il est bien difficile de croire cette fois. Mal dessiné, sans véritable profondeur, sans raison apparente pour ainsi sombrer, ce fils à papa, benêt niais, n'est au final qu'une simple ébauche qui avec un seul joint se met à apprécier les paradis artificiels, puis après un second se met à fumer comme une
cheminée et consommer des drogues plus dures sans transition aucune. Stupéfiant! C'est le cas de le dire. Il faut reconnaitre que dans l'univers de Truchado tout va très vite. Le temps ne semble pas exister. Cela pourrait passer si lors de ses trips il ne mimait pas sans cesse la béatitude totale ou ne semblait pas en état d'ivresse avancée. Difficile donc de ne pas (sou)rire d'autant plus que certains personnages sont particulièrement stupides, la petite amie d'Albert en tête à qui revient le déshonneur de clôturer le film le temps d'une image particulièrement hilarante. Ayant été forcée par Albert à fumer un joint la pauvrette s'est transformée en junkie, affalée sur son canapé, le regard vague, la coupe au bol parfaite,
noyée dans un nuage de fumée!
Si la réalisation ne s'élève guère plus haute que celle d'un téléfilm, l'insertion de certains éléments transforme en outre Juventud drogada en série B voire Z. Si Alex intimide une bande rivale droite issue dirait-on d'une quelconque telenovelas avec un couteau, Cris son complice préfère brandir un nunchaku tandis qu'un autre use de ses talents de boxeur! Comment expliquer également l'apparition furtive d'un moine bouddhiste au milieu de cette faune, le port d'un uniforme allemand lors d'une partouze ou l'attitude impassible de l'inspecteur devant un détenu qui vient de s'ouvrir le ventre mais continue de se débattre
comme un diable dans un bénitier, le corps simplement barbouillé de sang? Trop décalée est également la partition musicale essentiellement disco, insipide et surtout quelconque.
Difficile donc de prendre au sérieux cette histoire qui malgré tout n'est pas totalement inintéressante du moins vue sous l'angle de l'exploitation. C'est en effet son coté exploitatif qu'on retiendra essentiellement et c'est somme toute cet aspect le plus captivant. Aucun message social ou quelconque réflexion on s'en doute mais une volonté marquée de mettre en avant la face trash de l'histoire. Le rire fait alors place à la curiosité, à l'étrangeté, un mélange parfois bizarre qui devrait plaire d'une
part aux amateurs de psychédélisme, d'autre part aux amateurs de pure exploitation. Même si trop répétitives et peu imaginatives les scènes de trips hallucinatoires restent bien sympathiques, multicolores et kaléidoscopés sur fond d'imagerie hippie. Truchado accumule gros plans sur les joints, prises d'acide et scènes d'orgies en définitive bien soft et inoffensives auxquelles se mêlent quelques étreintes saphiques. Quelques pointes de violence dénotent avec la gentillesse de l'ensemble notamment le triple viol suggéré d'une junkie après que Truchado se soit amusé à filmer le rictus puis l'entre jambe des trois agresseurs prêt à exploser dans leur jean pattes d'éph'. On appréciera le charme très années 70 des décors et des costumes comme on savourera la magistrale coupe afro d'un
Antonio Mayans au look crasseux à souhait, ses chemises col pelle à tarte ouvertes sur un torse poilu où reposent médaillons ou colliers, aux cotés d'un Eduardo Bea tout aussi estampillé seventies mais un peu plus propret. Le film doit beaucoup à leur présence et leur prestation (on ne présente plus Mayans tandis que Bea interpréta régulièrement des rôles de voyou, on se souvient notamment de lui dans Porco mondo de Bergonzelli) ainsi que celle de l'énigmatique Gloria Hayworth dont ce fut le seul rôle à l'écran. On regrettera par contre la prestation peu convaincante de l'éphèbe Tony Isbert, très populaire à la télévision espagnole, aussi séduisant que fade et irritant dans la peau d'Albert. A noter la présence au
générique de l'ex-boxeur Dum Dum Pacheco.
Avec ses quelques 300000 mille spectateurs Juventud drogada fut un joli petit succès populaire en Espagne lors de sa sortie en salles. Resté inédit en France, le film de Truchado aussi inégal et sage soit il est un petit drugsploitation qui vaut essentiellement pour son coté disparate qu'on appréciera ou non selon l'humeur du moment. Il reste une curiosité devenue en outre assez rare au fil du temps ce qui en fait une oeuvre recherchée des collectionneurs, une raison de plus peut être pour découvrir cette gentillesse semi-trash au charme très années 70 partagée entre exploitation, drôlerie et frustration.