El espectro del terror
Autres titres: Deviazione / The specter of terror
Real: José Maria Elorrieta
Année: 1972
Origine: Espagne
Genre: Horreur
Durée: 74mn
Acteurs: Maria Perschy, Aramis Ney, Sancho Gracia, Betsabé Ruiz, Victor Alcazar, Ramon Lillo, Maria Dolores Tovar, Ernesto Vanes, Titiana Clement, Maritza Olivares...
Résumé: Une femme est étranglée chez elle par un énigmatique tueur vêtu de noir. Quelque temps plus tard, une hôtesse de l'air, Maria, est , agressée dans son parking sous terrain par le même homme. Persuadée d'avoir été victime d'un spectre elle se confie à sa meilleure amie puis à son docteur qui va enquêter. Elle aperçoit le spectre en question, un homme bel et bien vivant, au bar d'un club entrain de l'observer. Il s'enfuit. Il s'agit de Charly Reed, un jeune blanchisseur psychopathe, dément, qui va tout mettre en oeuvre entre deux meurtres pour kidnapper Maria...
Venu du documentaire, José Maria Elorrieta s'est surtout illustré dans le cinéma ibérique dans les années 50 et 60 avant de tourner une série de petits films d'horreur dont fait partie El espectro del terror quelques années avant sa disparition prématurée en 1974 à tout juste 53 ans.
Dans un petit village, une jeune femme est étranglée chez elle par un mystérieux meurtrier. Quelque temps plus tard Maria, une hôtesse de l'air, est agressée par un homme couvert de sueur aux cheveux longs et gras, au regard hagard, les cernes charbonneuses, les yeux
injectés de sang. Elle parvient à s'enfuir. Seule depuis déjà trop longtemps, Maria est dépressive et consulte régulièrement son docteur avec qui elle entretient également une relation sentimentale. Elle lui parle de son agression certaine d'avoir été attaquée par un spectre. Dubitatif le docteur pense que Maria a imaginé cela. Alors qu'ils boivent un verre ensemble dans un club, Maria aperçoit son fameux "spectre", bien humain, qui l'observe. Il s'enfuit. Il s'agit en fait d'un blanchisseur nommé Charly. Dangereux psychopathe, pervers, sexuellement frustré, maladivement misogyne, traumatisé par un passé douloureux, il étrangle les femmes qui passent sur sa route et dissout leur corps dans un bain d'acide. Le
docteur mène l'enquête, tente d'aider Charly mais celui ci le blesse grièvement. Il tue la meilleure amie de Maria puis kidnappe la jeune femme après l'avoir surpris chez lui. Il la supplie de l'aider, lui explique qu'elle seule peut parvenir à le guérir de sa folie. Maria parvient à s'échapper. Après une lutte acharnée, elle tue Charly.
Ainsi résumé le scénario peut paraitre intéressant, une fois à l'écran, la déception est amère. El espectro del terror joliment rebaptisé en Italie Deviazione est plus une ébauche de film qu'un film à proprement parler. S'il s'inspire du giallo auquel l'ouverture fait songer, une femme sauvagement agressée et étranglée par un mystérieux assassin habillé de noir,
le film de Elorrieta n'est qu'une petite pellicule d'horreur sans queue ni tête dont toute l'intrigue est centrée sur son personnage principal: non pas un spectre mais un jeune et dangereux psychopathe, un dément au passé particulièrement trouble dont l'identité est dévoilée dés les dix premières minutes. Il n'y a donc aucun suspens. Ne reste plus qu'à attendre de connaitre ses motivations et découvrir les raisons qui l'ont fait basculer dans une telle folie. L'attente est vaine puisqu'on en saura jamais plus. Charly le blanchisseur tueur restera à jamais une énigme. Plutôt que de développer son intrigue et donner corps à son histoire, de fournir ne serait ce qu'un minimum d'explications Elorrieta se contente d'enchainer les
meurtres, répétitifs, tous calqués sur le même modèle dans la plus totale incohérence. Invraisemblable, improbable, El espectro del terror accumule les illogismes, multiplie les questions dont toutes resteront sans réponses. El espectro del terror ressemble en fait à un immense gruyère qui compte tellement de trous qu'il reste bien peu à manger! Qui est la femme tuée au début du film? Qui est cette hôtesse de l'air, principale protagoniste du film et cible privilégiée du tueur? Pourquoi veut il la tuer? Pourquoi n'y a t-il aucune enquête, pas l'ombre d'un policier? Pourquoi le meurtrier tue t-il parfois en plein jour au nez et à la barbe de tous sans jamais être préoccupé? Plus sidérant encore comment l'hôtesse a t-elle pu se
rendre soudainement chez le tueur pour visiter son appartement alors qu'elle ne savait même pas qui il était? Pourquoi ne veut il pas la tuer mais affirme qu'elle seule peut le guérir de sa folie?
Dénué de rationalité, on aurait pu espérer du film un portrait de l'assassin beaucoup plus brossé qui aurait apporté un peu de consistance à cet embryon de scénario. Elorrieta nous offre simplement une sorte de pot-pourri d'éléments pris ça et là, un puzzle dont trop de pièces ne s'emboitent pas vraiment mais qui donne au personnage une aura faussement complexe. On devine un trauma qui remonte à l'enfance d'où la présence des poupées qu'il
collectionne, embrasse et étrangle avant chaque meurtre. On pressent une haine farouche des femmes mêlée de peur maladive et de misogynie, on soupçonne l'impuissance également. On devine une forme de schizophrénie puisque par instant il donne l'impression d'agir dans un état second, inconscient. Au détour d'une scène hilarante franchement idiote on apprend qu'il a fait le Vietnam et fut jugé mais pas condamné pour le meurtre d'une femme. Cette référence au Vietnam expliquerait pourquoi il est régulièrement assailli, hanté, par le bruit des bombes qui sifflent, explosent et lui martèlent la tête. En ce sens le fameux spectre du titre pourrait être celui de la guerre et de sa barbarie ancrée à jamais en
Charly, l'ombre des morts et de ses victimes. Il ne faudra malheureusement pas compter en savoir davantage. Il faudra spéculer, deviner, imaginer.
Il est donc bien difficile de parler et d'avoir un avis précis sur ce film qui n'est en fait qu'un brouillon d'où jaillit mille idées intéressantes mais confuses et ce n'est ni la mise en scène, anodine, ni l'interprétation, quelconque, qui dynamiseront le tout. En fait le seul et unique intérêt de El espectro del terror réside dans la prestation de Aramis Ney, croisement génétique entre Jeff Goldblum, Sylvester Stallone jeune et Alice Cooper, qui incarne ce dément. Les cheveux longs et gras, l'air hagard, les yeux cernés injectés de sang tel un
zombi, sans cesse couvert de sueur, il incarne un homme névrotique, quasi épileptique, un dément en souffrance retranché dans son appartement infesté de cafards où cuve d'acide, poupées et photos de femmes nues accrochées au mur forme un environnement aussi sinistre et inquiétant que le propriétaire des lieux qui d'une part occupe la majeure partie du métrage, d'autre part fera irrésistiblement penser à Joe Spinell dans Maniac. L'amateur comptera les similitudes entre le film d'Elorrieta et celui de Lustig tourné pourtant huit ans plus tard. El espectro del terror pourrait être considéré par bien des aspects comme une future esquisse de Maniac, son lointain et trop peu élaboré ancêtre. Les errances de Charly,
son acharnement à tuer des femmes, ses peurs, ses obsessions, sa folie, les bruits infernaux qui lui vrillent la tête, la vision de ses victimes qui le hantent, le décor de son antre, les poupées ensanglantées qui se substituent aux mannequins de Lustig sont autant d'éléments qui font écho au futur film du cinéaste américain.
Voilà qui fait encore plus regretter un tel laisser-aller tant au niveau du scénario que de la réalisation. El espectro del terror avait tout pour être un excellent film d'horreur, glauque, morbide. C'est à un film bâclé, nébuleux, auquel on assiste essentiellement porté par la performance malheureusement inutile de son interprète principal jusqu'au final, frustrant,
trop facile, à l'image de la pellicule toute entière, une conclusion qui vient renforcer la triste impression que Eliorreta en manque d'inspiration dés le début de l'intrigue préféra en terminer au plus vite au bout de 74 petites minutes avec cette fin précipitée, le long et brutal affrontement entre Maria et le psychopathe dont on devine sans mal l'issue.
Aux cotés de l'excellent Aramis Ney, comédien, chef décorateur et artiste peintre, on reconnaitra l'autrichienne Maria Perschy et sa collection de chapeaux qui après s'être faite connaitre en Allemagne fit carrière en Espagne, Sancho Gracia, vedette de la télévision espagnole, et Betsabé Ruiz, starlette de l'horreur ibérique.
Son principal objectif manqué, El espectro del terror reste néanmoins une simple distraction horrifique à réserver aux amateurs assidus de ce type de films, une curiosité à découvrir principalement pour ce personnage halluciné, totalement fou, qui mérite une place au panthéon des psychopathes les plus impressionnants.