Donna è bello
Autres titres: L'orgasme dans le placard / La femme et l'amant / Femmes insatiables / Legami non possibile / Das nimmersatte weiB
Real: Sergio Bazzini
Année: 1974
Origine: Italie / France / Allemagne
Genre: Drame
Durée: 90mn
Acteurs: Andréa Ferréol, Joe Dallesandro, Marino Masé, Daniela Metternich, Piero Gerlini, Massimo Sarchielli, Rosita Torosh, Margherita Horowitz, Gisella Burinato, Henning Schlüter, Piero Ferrati, Pietro Fumelli, Marco Liofredi, Walter Orlandi, Fausta Avelli...
Résumé: Epouse frustrée et délaissée d'un fermier communiste, Ottavia travaille consciencieusement comme domestique chez un comte. Lorsque celui ci et sa famille quittent le domaine pour quelques temps, Ottavia se retrouve seule avec son fils attardé mental. C'est alors que surgit dans sa vie Walter un cruel et séduisant truand dont elle s'éprend doucement. Prête à tous les jeux sexuels avec lui, elle se sent enfin exister en tant que femme. C'est alors qu'elle apprend que Walter est un dangereux terroriste néofasciste responsable d'un sanglant attentat. L'arrivée d'un couple de hippies va précipiter les choses vers un drame inéluctable...
Plus connu pour avoir écrit et adapté les scénarii de grands classiques tels queDillinger est mort, La semence de l'homme, Merci ma tante ou encore Cuore di mamma, Sergio Bazzini ne réalisa qu'un seul et unique film pour le cinéma, Donna è bello, qui ne connut en France qu'une furtive sortie en salles uniquement en province. Pour son unique réalisation Bazzini signe un curieux drame sur fond de néofascisme dans la lignée de ceux qui se faisaient alors beaucoup en Italie même si le cinéaste ne semble pas vraiment savoir quelle orientation choisir entre la pure exploitation et la fable politico-sociale.
Ottavia, épouse d'un paysan communiste parti trois semaines pour des raisons politiques à Murmansk en Russie, travaille comme domestique chez le comte local, un aristocrate qui trempe dans des affaires louches. Après avoir donné une réception familiale, tous quittent le domaine laissant seule Ottavia pour le saison estivale avec son fils trisomique, Piero. Alors qu'elle s'occupe des vaches, Ottavia découvre avec stupeur un vagabond, Walter, caché dans une meule de paille. Apeuré dans un premier temps par l'intrus, Ottavia va doucement se laisser séduire par ce beau jeune homme qui va s'occuper de son éducation sexuelle. Ottavia tombe lentement amoureuse. La jeune femme se sent enfin vivre ce qui n'est guère
du gout de son fils, de plus en plus jaloux ou terrifié que sa mère le laisse pour cet inconnu. C'est avec stupeur que Ottavia découvre que Walter est en fait un dangereux terroriste, un néofasciste responsable d'un terrible attentat à la bombe qui a fait des dizaines de victimes à Rome. Elle le repousse et lui demande de quitter la ferme. Walter la viole. C'est à cet instant qu'arrive un jeune couple de motard. Walter est immédiatement séduit par la jeune femme, peu farouche et libre d'esprit. Ils couchent ensemble tandis que son compagnon tente en vain de courtiser Ottavia, de plus en plus jalouse de la relation naissante entre Walter et cette femme. Fascinée par ce dangereux bandit à la beauté vénéneuse, son coté brutal, elle ne
conçoit pas une minute de le perdre. Les choses vont soudainement se précipiter. Après le départ du couple, deux paysans découvrent la véritable identité de Walter. Alors qu'ils se préparent à l'exécuter, Ottavia intervient et les tuent de sang froid en les faisant exploser à la dynamite. Malheureusement Walter trouve également la mort dans la déflagration. A son retour à la ferme, Ottavia s'aperçoit de la mort de son fils, décédé suite à une blessure à la tête qu'il s'était faite en se battant avec Walter. C'est à cet instant que son mari choisit de revenir chez lui, un retour qui coïncide avec celui du comte. Ottavia ne peut imaginer retrouver cette vie morne qu'elle a toujours connu encore moins supporter cet époux et obéir à cet
aristocrate obèse et libidineux. Elle n'a désormais plus rien à perdre. Résignée, elle décide de les supprimer en les empoisonnant discrètement.
L'intrigue est intéressante et se rapproche un peu du cinéma du contesté Silvano Agostiqui ironiquement n'est autre que le producteur du film de par son traitement à la fois poétique et corrosif de thèmes souvent pointus tels que le nationalisme populaire sur lesquels se grefferait une revisitation du Facteur sonne toujours deux fois. Si le film est difficilement classable l'histoire quant à elle est difficilement crédible. Si on sent que Bazzini ne sait quel chemin réellement emprunter, hésite entre le cinéma d'exploitation et un cinéma beaucoup
plus classique, il est clair qu'il part tout azimut tant est si bien qu'on ne cesse de se demander ce qu'il veut dire exactement. C'est cette curiosité justement qui tient en haleine, on attend, on suppute, on découvre et ainsi de suite jusqu'au final qu'on devine puisqu'il n'est guère difficile de sentir venir cette conclusion amère. Ce qui pourrait être un défaut majeur se transforme cependant ici en qualité puisque cette étrangeté maintient l'attention du spectateur déjà séduit par l'aspect souvent grotesque de certaines séquences et le ton parfois surréaliste qu'utilise Bazzini. L'ensemble donne au film une aura assez particulière que vient encore un peu plus pimenter le coté provocateur et provocant de nombreuses
scènes qui versent dans le trash pur et simple. De quoi autrefois scandaliser le public, un objectif que Bazzini s'est dirait-on fixé ici, et satisfaire pleinement les vils instincts de tous les amateurs d'exploitation dés l'ouverture qui donne au film son titre fort bizarre grammaticalement erroné mais justifié. Adolescent attardé mental, Piero n'en est pas moins un jeune homme dont la sexualité est en plein éveil. N'arrivant pas à faire la différence entre un homme et une femme, il croit que ces dernières ont également un pénis, un accessoire qui le fascine, malgré les explications que lui fournit le petit fils du comte, un enfant d'une dizaine d'années. Le ton est donné, Bazzini n'a plus qu'a nous faire découvrir sa galerie de
personnages plus excentriques, fous ou pervers les uns que les autres: un comte girond, escroc, pétomane et libidineux, une grand-mère ébouriffée proche de la Folle de Chaillot qui collectionne les billets de banque que Piero découpe ensuite, un petit garçon odieux et maitre-chanteur qui demande à la bonne de lui montrer son sexe contre une paire de jolies chaussures et une petite fille grossière. Il y a enfin Ottavia, la mère de Piero, une femme délaissée, frustrée, insignifiante, toute dévouée à son travail de domestique. L'arrivée impromptue de Walter, jeune truand néofasciste aussi beau que cruel, va bouleverser la morosité d'une vie sans éclat. Et leur rencontre est particulièrement humide. Regarder uriner
une des vaches dans l'étable donne à la jeune femme l'envie de se vider elle aussi la vessie. Accroupie dans la paille elle se soulage lorsqu'un visage apparait sous ses jupes, celui de Walter, trempé de pisse. Une douche dorée involontaire qui émerveillera les petits débauchés que nous sommes d'autant plus que Bazzini filme en gros plan les jets tant de la vache que d'Ottavia. Cette entrée en la matière résume à elle seule le film qui accumulera par la suite les scènes de sexe entre le bandit et la domestique dans un contexte souvent malsain, sous l'oeil voyeur et désapprobateur du fils trisomique de plus en plus jaloux. Nait ainsi entre Ottavia et Walter une relation trouble teintée de sadomasochisme, un lien
pernicieux aussi fragile que dangereux entre dominant et dominé qui trouvera son point culminant lors du viol de la domestique.
Concentré sur l'aspect exploitatif de son récit, Bazzini en oublie non seulement la cohérence et la vraisemblance mais oublie surtout de développer son sujet principal. Il ne reste quasiment rien de toute signification politique, idéologique et morale si ce ne sont quelques images symboliques (la faucille et le marteau qui se dessinent en ombres chinoises), quelques dialogues plutôt survolés et trop généralistes et la retransmission des attentats à la bombe de Piazza Fontana à Milan et de Brescia à la télévision qui donne au récit une
touche d'authenticité. Voilà qui est trop peu pour donner au film une certaine dimension humaine, historique et empêche de prendre au sérieux ce drame qui verse dans l'euro-sleaze.
Outre son étrangeté, ses provocations et sa gratuité, son atmosphère vénéneuse, L'orgasme dans le placard doit beaucoup à l'interprétation de ses deux principaux protagonistes. Andrea Ferreol d'une part, grande professionnelle, habituée aux rôles difficiles et audacieux, est excellente comme d'accoutumée, émouvante, investie dans ce personnage de femme délaissée qui trouve enfin le moyen d'exister et d'aimer. Quant à Joe Dallesandro alors dans sa période italienne, il est égal à lui même. Joe n'a jamais été un
grand acteur mais il a toujours su compenser la faiblesse de son jeu par son extraordinaire présence. Sa beauté, sa présence, font quelque peu oublier une performance qui sonne par moment un peu fausse. On ne peut cependant pas nier que Joe incarne ici cette fameuse beauté du diable dans tous les sens du terme, comme quoi son physique colle parfaitement à ce truand charmeur, méprisable, sans âme. On notera également la jolie prestation de Piero Ferrati, véritable trisomique dont ce fut l'unique apparition au cinéma.
Rythmé par une agréable partition musicale signée Ruggero Cini agrémentée de quelques incontournables classiques des chants italiens notamment celui des révoltes "Bella ciao",
On regrettera que Bazzini n'ait pas réussi à livrer une véritable dramatique intensément humaine sur fond de discours politique mais simplement une oeuvre plaisante qui tire son principal intérêt de la curiosité qui en émane et sa tendance à régulièrement tirer vers une certaine gratuité. En découle un film bâtard qu'on pourra trouver absurde et décevant sur le plan historico-politique soit racoleur et donc jouissif selon le versant sur lequel on se place. Dans tous les cas L'orgasme dans le placard est représentatif d'une certaine forme de cinéma de cette époque qu'on aura plaisir à (re)découvrir ne serait ce que pour la qualité de l'interprétation et son aura gentiment sulfureuse.