L'assassino fantasma
Autres titres: L'assassin fantôme / L'assassin a tué deux fois / Killer a tué deux fois / El viaje al vacio / Il vuoto intorno / The emptiness all around / Shadow of death
Real: Javier Seto
Année: 1969
Origine: Espagne / Italie
Genre: Giallo
Durée: 90mn
Acteurs: Larry Ward, Teresa Gimpera, Giacomo Rossi-Stuart, Silvana Venturelli, Fernando Sánchez Polack, Eugenio Navarro, Javier de Rivera, José Bastida...
Résumé: Denise, une ravissante jeune femme, est mariée à Peter, un homme qu'elle n'a jamais aimé que pour son argent. Elle a pris pour amant son jumeau, John, un pharmacien qui soigne également les crises d'épilepsie de son frère. Tout deux ont échafaudé un plan machiavélique pour se débarrasser de Peter, vivre leur amour et surtout hériter de sa fortune. Ils vont tenter de le rendre fou grâce à des drogues qui vont lentement endormir son cerveau et accroitre ses crises d'épilepsie. Pendant tout ce temps Peter se fera passer pour son frère. C'était sans compter le retour en ville d'un ex-amant de Denise, l'inquiétant Gert Muller, qui va vite comprendre qu'ils trament quelque chose de suspect. Il commence donc à leur faire du chantage. Mais à ce jeu sait on vraiment à qui on s'adresse, qui est réellement qui, qui sont les piégés et qui sont les piégeurs...
Ultime réalisation du cinéaste ibérique Javier Seto, trop tôt disparu, El viaje al vacio fait partie des nombreux gialli espagnols coproduits par l'Italie qui bien souvent aimaient copier les grands noms du genre sans pour autant parvenir à les égaler. Il y eut bien entendu quelques jolies exceptions mais également quelques étonnantes surprises dont fait partie le film de Seto. C'est du coté du thriller psychologique que lorgne El viaje al vacio, plus exactement du film de machination diabolique dont Umberto Lenzi fut un des principaux investigateurs.
L'histoire est particulièrement intrigante, inquiétante. Denise est mariée à un homme épileptique qu'elle n'aime pas, Peter. Peu à peu le dégout s'est installé tant et si bien que Denise refuse que Peter la touche. L'homme a un frère jumeau, John, pharmacien, qu'il a toujours haï. Denise et John ont échafaudé un plan machiavélique afin de se débarrasser de Peter afin de pouvoir vivre leur amour et d'hériter de sa fortune. Le plan est d'autant plus cruel qu'ils vont utiliser la maladie dont souffre Peter. Un soir Denise lui inocule une drogue qui le paralysera et l'empêchera de s'endormir. Conscient, il ne pourra cependant rien faire. Affaibli, ses bourreaux lui feront ensuite un électro-choc afin de provoquer des crises d'épilepsie qui
peu à peu le rendront fou. John va alors se faire passer pour son frère et honore ses rendez-vous. Les deux complices n'avaient pas prévu le retour de Gert Muller, un homme qui autrefois fut l'amant de Denise. Celui ci devine qu'il se trame quelque chose mais ne parvient pas réellement à comprendre le plan diabolique qu'ils ont imaginé. Il décide de les faire chanter et réclame une forte somme d'argent. Alors que le plan de Denise semble toucher à son but, les événements vont se retourner contre elle de manière incroyable. Dans ce jeu d'échange d'identité comment en fait savoir qui est réellement qui. Les apparences sont parfois trompeuses, le plus malin n'est peut être pas celui auquel on pense.
Ainsi résumée l'intrigue de ce thriller ibérique méconnu semble peu originale puisque la base du scénario ne fait que reprendre les ficelles d'une machination maintes fois vues dont l'enjeu est l'argent et accessoirement l'amour. Pourtant le film de Seto est bien plus complexe qu'il n'y parait et le spectateur distrait pourrait bien se perdre dans une intrigue à rebondissements, un machiavélique jeu d'ombres et de lumières basé sur d'incessants mais habiles échanges d'identité qui parviendront à duper les protagonistes eux mêmes. C'est pour dire que L'assassin a tué deux fois doit être visionné avec une certaine attention pour pouvoir captiver, se laisser prendre à ce jeu cruel orchestré par deux amants maudits
qui ne vont pas hésiter à utiliser la maladie de leur victime pour mettre à exécution leur plan diabolique. Et c'est à l'aide d'un poison injecté quotidiennement dans le corps du mari qu'ils vont réussir à tromper leur monde, une méthode d'autant plus effroyable que le pauvre homme sera conscient de tout ce qui se passe mais ne pourra ps réagir. Son cerveau s'éteint progressivement jusqu'à ce que la mort l'emporte de la plus naturelle façon. Face à un tel supplice on songe au très long calvaire de Jean Sorel dans Je suis vivant! tant dans l'horreur du geste que de la torture subie par sa victime consciente mais incapable de bouger.
Seto profite de l'occasion pour forcer encore plus la noirceur du récit en faisant du jumeau un être méprisable qui non seulement usurpe l'identité de son frère mais viole son intimité en s'immisçant dans sa vie privée. Il couche ainsi avec une de ses petites amies et satisfait sa curiosité malsaine en la questionnant sur leur vie sexuelle qu'il peut alors comparer à la sienne. Plus qu'un échange d'identité c'est à un véritable transfert de personnalité, sordide, auquel on assiste qui baigne dans un climat souvent sans cesse inquiétant également nourri par la haine que se vouent les jumeaux et les relations houleuses qui existent entre les deux amants déchirés entre l'amour et surtout l'appât du gain.
Aussi précis et calculé que soit le plan un élément va pourtant venir en troubler les rouages apparemment bien huilés en la personne d'un ex-amant de la jeune femme, un inquiétant personnage balafré tout de noir vêtu, un salaud maitre-chanteur qui va tenter de leur mettre des bâtons dans les roues après avoir compris qu'il se tramait quelque chose d'anormal. Le triangle maudit se transforme en un dangereux carré mais le chantage de l'homme se retournera contre lui, victime à son tour de ce jeu d'identité juste avant que n'explose la vérité, la triple vérité devrions nous dire, lors d'un final éblouissant aussi cruel que fut ce jeu, très certainement la partie du film la plus réussie... ou quand le piège se referme sur ceux qui en
furent à l'origine. Cette conclusion, amère, est d'autant plus originale qu'elle est plutôt inattendue, un rebondissement peu prévisible, douloureux, mais particulièrement noir auquel il était bien difficile de s'attendre qui clôt de façon magistrale ce thriller familial sombre qui marie avec une certaine aisance vice et sadisme. En ce sens L'assassin a tué deux fois peut être vu comme un précurseur des débordements aussi pervers que malsains des futurs gialli transalpins. Sans verser une seule goutte de sang, Seto est parvenu à réaliser un film intrigant, vénéneux, psychologiquement violent.
Malgré ses qualités L'assassin a tué deux fois connu également sous le titre L'assassin fantôme n'est pas un film parfait. L'intrigue n'est pas toujours vraisemblable à l'image du
final tout surprenant soit il, la mise en scène manque parfois de tonus et prêche par une certaine monotonie qui brise un rythme déjà à la base inégal. Mais force est de reconnaitre que ces défauts sont assez facilement oubliables effacés par la complexité de l'intrigue, son atmosphère plombée et l'intensité de quelques séquences (la scène de l'électrochoc, le final). L'interprétation, discrète, n'en est pas moins fort juste. On saluera la prestation de Teresa Gimpera, excellente. A ses cotés Larry Ward campe avec adresse le double rôle des jumeaux tandis que Giacomo Rossi-Stuart est un sinistre maitre-chanteur. A noter l'apparition de Silvana Venturelli, future héroïne de Camille 2000 et le fascinant The lickerish quartet.
Devenu aujourd'hui particulièrement difficile à visionner, injustement oublié depuis des décennies,L'assassin a tué deux fois n'a rien à envier aux productions italiennes qu'il égale facilement. Voilà un giallo ibérique qui mérite toute l'attention de l'amateur qui se laissera porter par ce récit lugubre et si agréablement vicieux.