Un apprezzato professionista di sicuro avvenire
Autres titres:
Real: Giuseppe De Santis
Année: 1972
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 109mn
Acteurs: Lino Capolicchio, Riccardo Cucciolla, Robert Hoffman, Femi Benussi, Ivo Garrani, Nino Vingelli, Andrea Checchi, Yvonne Sanson, Massimo Serato, Luca Sportelli, Luigi Antonio Guerra, Anna Lina Alberti, Ugo Carboni, Luisa De Santis, Cesare Di Vito, Anna Maria Dossena, Vittorio Duse, Stefania Fassio, Eugenio Galadini, Letizia Lehir, Giulio Massimini, Enrico Papa, Winni Riva, Giovanni Sabbatini, Sergio Serafini, Pietro Zardini...
Résumé: Vincenzo a fait son entrée dans la bourgeoisie suite à son mariage avec Lucetta, la fille d'un riche promoteur immobilier. Avocat ambitieux, il souhaite rapidement grimper les échelons sociaux. Tout lui sourirait s'il n'était pas impuissant. Il lui est impossible de donner un enfant à son épouse. Lui vient alors l'idée de demander à son meilleur ami, le prêtre Don Marco, d'engrosser Lucetta. L'homme d'église accepte mais en proie à une grave crise existentielle, Don Marco souhaite abandonner la soutane. Désireux d'être père comme tout homme, il envisagerait de changer les conditions imposées par Vincenzo qui un soir finit par l'assassiner suite à une grosse dispute. Vincenzo dissimule les preuves et va faire endosser le crime à un pauvre citoyen, un petit truand amateur. Mais ce dernier est loin d'être idiot et va donner bien du fil à retordre à Vincenzo...
Vétéran du cinéma néo-réaliste social italien, Giuseppe De Santis débuta sa carrière en 1947 à laquelle il mit fin en 1964 avec ce qui reste son film le plus percutant Marcher ou mourir. C'était sans compter son désir de revenir un jour à la réalisation. Il fallut attendre 1972, soit huit ans des silence total, pour que De Santis revienne sur le devant de la scène avec un ultime film qui lors de sa sortie provoqua une vague de scandale dans l'Italie bien pensante. Ulcérée, la censure s'en empara et le mutila, il est des choses avec lesquelles on ne plaisante pas, des sujets très sensibles dont fait partie l'Eglise et Vatican. Si Le jardin des délices de Silvano Agosti avait en 1967 provoqué un tollé général avant d'être aussitôt saisi
et confisqué par le clergé, seule une copie écourtée existe encore aujourd'hui, Un apprezzato professionista di sicuro avvenire fit lui aussi tout autant de bruit tant et si bien qu'il fallut attendre de nombreuses années avant de pouvoir découvrir le film dans son intégralité.
Pour son retour derrière la caméra De Santis ne s'éloigne guère de ce cinéma qui fit sa réputation, le mélodrame bourgeois d'antan, qu'il transpose donc au début des années 70 en y adjoignant les grands thèmes alors à la mode, ceux d'un cinéma plus commercial notamment le giallo, plus exactement le giallo judiciaire, et l'érotisme sur fond clérical. Un jeune prolétaire, Vincenzo Arduini, est parvenu à faire son entrée dans la moyenne
bourgeoisie italienne en épousant Lucetta, la fille d'un promoteur immobilier. Ambitieux, Vincenzo, désormais avocat, compte bien grimper l'échelle sociale et faire carrière dans la politique. Tout serait parfait si Vincenzo n'était pas impuissant. Il est incapable de satisfaire Lucetta et surtout de lui donner un enfant. Il fait alors appel à son meilleur ami, un prêtre, Don Marco. Il lui demande de la mettre enceinte. Immoral certes mais il est prêt à tout pour nourrir ses ambitions tant sociales que professionnelles et fonder une famille, symbole de la réussite. Don Marco accepte mais c'était sans compter le fait qu le jeune prêtre a de très fortes envies de paternité. Pris de doutes existentiels, remettant en cause sa foi en Dieu, Don
Marco envisagerait même de quitter l'Eglise. Désespéré, effrayé, ne pouvant accepter les choix de son ami, Vincenzo le tue dans un accès de folie. Il dissimile les preuves et va tenter de faire accuser un pauvre innocent, un petit homme du peuple, Nicola. Citoyen au dessus de tout soupçon, Vincenzo pourrait être serein si Nicola à défaut d'être fortuné n'était pas très intelligent. Il détient en effet la preuve de la culpabilité de Vincenzo et va tout faire pour qu'il soit arrêté après qu'il ait compris ses sournoises manigances, un jeu du chat et de la souris qui sera fatal à Vincenzo mais fera remporter le jackpot à Nicola. Son avenir est assuré!
A la lecture du scénario on pense bien évidemment à Luigi Petri et Enquête d'un citoyen au dessus de tout soupçon auquel le film se rattache sans mal mais le film de De Santis est bien plus maladif,plus morbide. Critique au vitriol des moeurs et coutumes tant politiques que sociales, vision décadente de la bourgeoisie et de ses vices, doigt accusateur pointé vers l'Eglise et ses valeurs morales, Un apprezzato professionista di sicuro avvenire est un film original, parfois hallucinant, parfois brutal, excessif, que sa structure en flash back totalement désarticulés rend encore plus déstabilisant. Le cinéaste mélange les genres avec une désinvolture étonnante. Il passe du mélodrame à la comédie (toutes les parties
avec Nicola, petit fanfaron issus du bas peuple, sont traitées comme une pure comédie amère à l'italienne grand cru à la Ettore Scola) en passant par l'horreur (l'assassinat du prêtre particulièrement violent), le thriller judiciaire (le meurtre et l'enquête) et l'érotisme pour les scènes de nu de Lucetta et ses ébats souvent audacieux.
L'ensemble baigne dans un climat souvent assez malsain entretenu par les incessantes images du meurtre du prêtre, cruel, s'effondrant dans son église, son discours profondément hérétique lorsque, emporté par ses tourments, obsédé par la chair, il doute de ses convictions religieuses et crie haut et fort qu'un homme d'église est avant tout un homme qui
a lui aussi le droit d'aimer et de procréer. Si on peut imaginer le choc que provoqua la longue séquence où il abandonne sa soutane et, nu, fait l'amour à Lucetta afin de l'engrosser tandis que Vincenzo se promène le long d'une plage, le spectateur pourra de son coté savourer cette superbe séquence à la fois morbide et fascinante, presque irréelle. De Santis agrémente le tout d'effets par instants délirants et de ralentis qui renforcent l'anormalité des personnages et de l'intrigue tout en entretenant une atmosphère palpable de décadence, de déliquescence permanente.
Auto-produit par le cinéaste lui même et son scénariste et ami, le film n'est pas exempt de
défauts. On sombre par moments dans le grotesque, la naïveté, l'invraisemblance (qui aurait l'idée de demander à un prêtre de mettre enceinte sa femme?), le mélange des genres est quelque peu maladroit et déséquilibre certaines séquences qu'on pourra trouver irritantes mais quelques soient ses imperfections, Un apprezzato professionista di sicuro avvenire, accompagné d'une partition musicale tout à fait appropriée signée Maurizio Vandelli qui revisite même avec brio le Carmina Burana, est un film tout à fait intéressant, tragique, morbide, que tout amateur d'oeuvres dérangeantes et blasphématrices saura apprécier. Témoignage d'un cinéma d'une autre époque, son affiche reste également un atout. On y
retrouve Riccardo Cucciola, excellent comme d'accoutumée dans la peau de ce petit prolétaire rusé, Robert Hoffman, très convaincant dans la défroque de ce prêtre pêcheur en pleine tourmente, sans oublier Femi Benussi qui n'était pas encore la reine de la sexy comédie mais déjà très à l'aise nue. Si elle nous offre tout le film durant un lot de scènes souvent osées, elle trouvait là un de ses meilleurs rôles après son passage chez Pier Paolo Pasolini. C'est en tout cas le film le plus auteurisant de sa carrière. Le point faible reste Lino Capolicchio, franchement laid affublé d'une petite moustache à la Franco Nero, jamais très convaincant, trop fade.
Voilà un autre bel exemple de cinéma interdit à l'italienne longtemps demeuré tailladé et invisible à laquelle une édition DVD a enfin redonné vie.