Il terzo occhio
Autres titres: Le froid baiser de la mort / The third eye / Das 3 auge
Real: Mino Guerrini
Année: 1966
Origine: Italie
Genre: Drame / Horreur
Durée: 84mn
Acteurs: Franco Nero, Gioia Pascal, Marina Morgan, Diana Sullivan, Erika Blanc, Olga Solbelli, Richard Hillock...
Résumé: Le comte Mino Alberti est éperdument amoureux de sa fiancée, la belle Laura. Sous l'emprise d'une mère austère et possessive, Mino ne cesse d'obéir à ses ordres mais il ne peut se résoudre à abandonner l'idée de se marier avec Laura comme l'exige la vieille femme. La comtesse va alors trouver une alliée inattendue en la personne de Marta, la domestique jalouse et intrigante, secrètement éprise de Mino. Toutes deux souhaitent voir disparaitre Laura. Rien de plus simple que de saboter sa voiture afin qu'elle se tue. Le jour où Laura meurt, Mino, fou de douleur, apprend également la mort de sa mère tombée du haut de l'escalier. C'est en fait Marta qu'il l'a tué afin de mieux conquérir Mino et devenir ainsi la maitresse du domaine. Mino sombre peu à peu dans la folie, Il garde le corps embaumé de Laura dans la chambre à coucher. Il y invite des conquêtes qu'il tue après leur avoir fait l'amour aux cotés du cadavre. Avec l'aide de Marta à qui il a promis le mariage, il se débarrasse ensuite des corps. La venue inopinée de la soeur jumelle de Laura va définitivement faire sombrer Mino dans une irréversible folie et fortement contrarier les plans machiavéliques de Marta...
Petit artisan de la série B, l'ex-journaliste Mino Guerrini n'a pas vraiment laissé de souvenirs impérissables, sa carrière, soit une petite trentaine de films étalés sur quasiment vingt ans, s'étant le plus souvent bornée à une poignée de paillardises et autres sexy comédies sans grand intérêt. Surnagent ça et là quelques films dont son excellente décamérotique, une des meilleures du genre, Decameron 2: le altre novelle del Boccaccio, et cet inégal mais surprenant Il terzo occhio rebaptisé pour sa sortie en salles durant l'hiver 1971 Le froid baiser de la mort.
Souvent catalogué de manière erronée comme giallo, Il terzo occhio est en fait un drame psychologique macabre mâtiné d'horreur qu'on pourrait facilement rapprocher des films d'épouvante gothique ne serait ce que pour son décor sinistre, ses inquiétants personnages et son noir et blanc glacial.
Le jeune comte Mino Alberti habite un lugubre manoir perdu au coeur de la campagne. Il y vit entouré de sa mère, une femme acariâtre, possessive, et de Marta, la jeune et intrigante gouvernante. Mino est amoureux de Laura qu'il compte épouser mais ni sa mère ni Marta n'acceptent cette union. La vieille femme ne pouvant se faire à l'idée de voir partir son fils
tente de le dissuader de se marier mais Mino ne peut se résoudre à quitter Laura même pour cette mère qu'il chérit. La comtesse alors va trouver en Marta une alliée inattendue. La servante est en effet secrètement amoureuse de Mino et briser cette relation serait pour elle une aubaine. Les deux femmes décident de se débarrasser de Laura en sabotant les freins de sa voiture. Lasse de l'atmosphère malsaine qui règne au manoir, Laura décide de partir et se tue sous les yeux de Mino. De retour chez lui, Marta lui apprend que sa mère est morte en dévalant accidentellement l'escalier. En fait Marta l'a tué après avoir découvert que la comtesse ne la laisserait jamais épouser son fils. Privé des deux femmes qu'il aimait le
plus, Mino perd pied et sombre lentement dans la folie. Il se réfugie dans sa passion, la taxidermie. Il garde d'ailleurs le corps embaumé de Laura dans sa chambre à coucher dans laquelle il amène ses conquêtes d'un soir. Incapable de jouir s'il ne fait pas l'amour à coté du cadavre de sa fiancée, il tue les jeunes filles après qu'elles aient découvert l'atroce vérité. Il supplie alors Marta de l'aider à se débarrasser des corps. Elle accepte à la seule condition qu'il l'épouse. C'est à cet instant que Daniela, la soeur jumelle de Laura, arrive au manoir. Encore plus déstabilisé par cette arrivée, Mino perd définitivement la raison. Persuadé que Laura est revenue, il abandonne Marta à sa jalousie morbide. Perdant son emprise sur Mino
et par la même la chance de régner un jour sur le domaine, Marta tente d'assassiner la jeune femme. Mino la tue puis kidnappe Daniela et l'amène sur les lieux où Laura s'est noyée. Par chance, Marta aura pu prévenir la police avant de mourir.
Les personnages tous placés lors de la première partie du film sont ici à l'image du manoir, sinistres et décrépis. Si les murs semblent être rongés par le temps, les caractères sont quant à eux rongés par leur folie respective, trio infernal mené de main ferme par l'austère et possessive comtesse qui tient sous son joug son fils, jeune homme fragile passionné de taxidermie qui souhaiterait pourtant échapper à sa mère et épouser sa fiancée, déchiré entre
un amour maternel quasi oedipien et ses sentiments pour Laura que jalouse la domestique, secrètement éprise du pauvre garçon. Il lui est donc facile de s'attirer les bonnes grâces de la comtesse, toutes deux souhaitant plus que tout la disparation de Laura. Ce noeud de relations vénéneuses ne fait qu'affaiblir un peu plus chaque jour la santé mentale déjà précaire de Mino, victime de ces deux femmes diaboliques.
Guerrini plonge d'emblée le spectateur dans une atmosphère délétère, mortifère, qu'il agrémente d'éléments horrifiques (le trou creusé dans le mur par lequel les deux femmes espionnent le couple, les plans macabres sur les animaux empaillés) qui exploseront dés la
seconde partie, la plus passionnante, la plus captivante surtout, le cinéaste faisant preuve d'un gout pour le macabre particulièrement prononcé lors d'un huis-clos étouffant. De la découverte du corps embaumé de Laura soigneusement déposé sur le lit de Mino aux cris d'horreur des victimes face à l'abominable, des meurtres particulièrement sanglants pour l'époque à la scène de cauchemar impressionnante du pauvre garçon sans oublier la fuite éperdue de Daniela pourchassée par l'ombre implacable de Marta dans les couloirs déserts du manoir, Guerrini parviendrait presque à égaler les maitres du cinéma d'épouvante. Si
l'ombre de Psychose plane sur le film ainsi que celle de Sueurs froides (le relation entre les deux femmes) on songe très vite à l'excellent et méphitique Blue Holocaust de Joe D'Amato, petit chef d'oeuvre de nécrophilie à l'italienne qui en fait n'était jamais qu'un remake du film de Guerrini. Le séduisant Kieran Canter reprenait le rôle de Franco Nero, l'inquiétante Franca Stoppi se glissait dans la peau de la servante frustrée tandis que Cinzia Monreale était la version moderne du double personnage qu'interprétait Erika Blanc à la différence que là ou D'Amato montrait à grands renforts d'effusion de sang et de plans ouvertement sexuels Guerrini ne fait que suggérer.
Malheureusement la troisième partie de ce Froid baiser de la mort va quelque peu faire retomber le plaisir pris jusqu'alors à sa vision. En cassant le huis-clos qu'il avait instauré pour mieux sortir du cadre angoissant du manoir, Guerrini se fourvoie totalement jusqu'au final d'une surprenante absurdité, si ridicule qu'il en perd toute crédibilité. On attend en vain un ultime rebondissement mais le mot Fin apparait à l'écran brisant tout espoir de voir le metteur en scène se rattraper de cette regrettable erreur. C'est d'autant plus désolant que Il terzo occhio, ce troisième oeil qui semble observer Mino, était jusque là parfaitement maitrisé. Comment la fin de cette histoire a t-elle pu autant échapper à Guerrini donnant au
spectateur la désagréable sensation d'un film incomplet, les plus sévères pourraient dire d'un film à demi-raté? Rien ne justifie une conclusion si décevante et c'est avec l'impression d'être passé à coté d'un petit chef d'oeuvre du cinéma d'épouvante gothique nécrophile qu'on rallumera les lumières. A cela s'ajoute le fait que Guerrini ait un peu trop évincé l'aspect psychologique des personnages plus précisément celui de Mino dont on comprend mal une si soudaine folie pathologique. Tout va un peu trop vite, l'intrigue aurait mérité d'être un peu plus développée et analysée pour mieux cerner le comportement psychopathique de Mino. L'ensemble en aurait certainement gagné en puissance émotive. Cela aurait été d'autant plus possible vu la durée plutôt assez courte du film.
Pour son tout premier grand rôle à l'écran Franco Nero qui l'année suivante obtiendra la renommée internationale grâce à Django interprète avec une certaine conviction le névrosé et fragile Mino même si ses mimiques qui ne sont pas sans rappeler celles de Norman Bates semblent parfois surjouées. Trop répétitives elles finissent par perdre de leur force et donc lasser. Il ne suffit pas de crisper la mâchoire, rouler les yeux et prendre un air diabolique pour simuler la folie. Il manque ce petit quelque chose qui donnerait au personnage toute son effroyable dimension.
Aux cotés de Franco Nero, on retrouvera la douce et lumineuse Erika Blanc, parfaite en innocente victime, la sombre et inquiétante Goia Pascal, machiavélique à souhait, dont ce fut l'unique rôle à l'écran et l'imposante Olga Sibelli en mère indigne et possessive.
Malgré ses défauts et un final complètement raté, Il terzo occhio que rythme une très belle musique de Francesco De Masi, un recyclage du Spectre du Pr Hichcock, est un petit drame morbide aux réminiscences gothiques méconnu que tout amateur d'épouvante et de macabre se doit de découvrir. Avec Il terzo occhio Guerrini signait sans nul doute un de ses meilleurs films.