L'homme de Mykonos
Autres titres: Un crime parfait / De man van Mykonos
Real: René Gainville
Année: 1966
Origine: France / Belgique / Italie
Genre: Thriller
Durée: 90m;
Acteurs: Gabriele Tinti, Anne Vernon, Véronique Vendell, Armando Francioli, Marcel Josz, Marie-Ange Aniès, Henri Lambert..;
Résumé: Silvio, un jeune peintre italien, a rencontré en Belgique et épousé par intérêt la richissime Dorothée Yanakos. Ce
mariage se révèle malheureusement stérile. A Mykonos, où le couple est venu étudier une affaire de terrains, le hasard met Silvio en présence de Pascale, son ex-maitresse aujourd'hui en couple avec Kyriados. L'amour renaît lentement entre Silvio et la jeune femme si bien que Dorothée devient un fardeau pour Silvio. Le peintre songe alors à assassiner sa femme en commettant le crime parfait.
Adaptation du roman de Michel Lebrun, Sous un soleil de plomb, L'homme de Mykonos est le premier film du scénariste producteur-metteur en scène René Gainville à qui on doit un étrange petit film érotique plutôt audacieux pour son époque, Alyse et Chloé. Avec L'homme de Mykonos Gainville met en scène un petit thriller habile aussi cynique que cruel qui par certains aspects pourrait faire penser à Plein soleil de René Clément.
Silvio Donati, un jeune peintre italien, à épousé Dorothée pour son argent. Ni l'un ni l'autre ne semble heureux dans ce mariage d'intérêt mais lorsque Dorothée doit s'envoler pour Mykonos pour négocier l'achat d'un terrain, Silvio voit là un moyen de tenter de retrouver sa créativité artistique mais aussi de se rapprocher d'elle tout en profitant des joies de l'ile. Malheureusement leurs incessantes disputes et les caprices de Dorothée éloigne encore plus Silvio de la jeune femme. C'est alors qu'il rencontre par hasard son ancienne maitresse, Pascale. Ils s'aperçoivent vite que leur amour est entrain de renaitre. Silvio envisage de plus en plus d'assassiner sa femme afin de vivre avec Pascale désormais en couple avec Kyriados. D'abord terrifié à l'idée de commettre un crime, il passe finalement à l'action. il verse des somnifères dans une bouteille d'eau, laisse Dorothée s'endormir tranquillement au soleil sur la plage avant de revenir le soir pour constater son décès. Officiellement morte d'une insolation, Silvio est désormais libre. Le crime est parfait. C'est sans compter l'assureur chez qui Dorothée avait souscrit une assurance-vie. Fouineur, convaincu que Silvio a tué sa femme, il va mener son enquête et trouver la preuve de sa culpabilité. Mais un cruel coup du sort va venir bouleverser l'ordre des choses. Kyriados, furieux de voir sa femme le quitter pour le jeune peintre, le provoque. Ils finissent par se battre au bord d'une falaise, Silvio l'assomme puis rentre à son hôtel sans s'être aperçu qu'il a perdu durant leur bataille son porte-feuille. En se relevant, Kyriados trébuche, tombe du haut de la falaise et se tue. Silvio est arrêté non pas pour le meurtre de sa femme mais pour un crime qu'il n'a pas commis. Le malheureux est également loin de se douter d'une autre vérité, cruelle et tellement ironique cette fois. En effet, alors qu'il croupit en prison, l'assureur vient d'apprendre de la bouche du médecin traitant de Dorothée une effarante nouvelle.
Tourné en un long flash-back qui explique les raisons de l'arrestation tumultueuse de Silvio par la police grecque et pourquoi il nie désespérément toute implication dans la mort du mari de Pascale, L'homme de Mykonos s'avère vite captivant. Mis en scène de manière tout à fait classique, sans fioriture aucune, le film vaut essentiellement par la cruauté et l'ironie de son scénario qui par certains aspects se rapproche de Plein soleil notamment dans l'élaboration du crime parfait. Ce qui les différencie c'est avant tout le personnage principal. Si dans le film de René Clément, Ripley joué par un si séduisant Alain Delon, est un antipathique arriviste prêt à tout pour l'argent, un manipulateur rusé qui a parfaitement échafaudé son plan diabolique avec minutie, Silvio Donati est un être artistiquement au point mort, indécis, déchiré entre une épouse dominatrice, insupportable et capricieuse mais riche qu'il s'efforce cependant d'aimer et son ex-maitresse qui refait surface dans sa vie et ravive la flamme qui autrefois brulait entre eux. Ses faiblesses, ses peurs, son humanité, le rendent éminemment sympathique aux yeux du spectateur qui assez facilement parvient à s'identifier à cet homme à qui le destin refuse le bonheur, un sentiment renforcé par la très belle interprétation tout en justesse d'un tout jeune Gabriele Tinti qui récite son texte dans un français quasi parfait nuancé par un doux accent italien, un point qui le rend non seulement un peu plus vulnérable mais encore plus sympathique.
Si les quelques rebondissements de l'histoire ne sont pas forcément originaux et n'étonneront pas vraiment les amateurs de machinations machiavéliques habitués aux ficelles du genre, il faut reconnaitre à Gainville une certaine maitrise à entretenir le suspens jusqu'au coup de théâtre final, amer, plutôt bien amené même si le cinéaste a quelque peu délaissé l'enquête menée par l'assureur et les pistes qui l'ont conduit à soupçonner le peintre. Michel Josz, petite fouine à lunettes qui surgit là où on l'attend le moins, apporte à son personnage une certaine dimension comique non négligeable, un trait d'humour dans une oeuvre qui baigne dans une sorte de tristesse continue.
Les fabuleux décors naturels de Mykonos et des iles avoisinantes, idylliques, l'acropole d'Athènes et ses ruines millénaires toujours aussi fabuleuses, le tout superbement mis en valeur par Gainville, une très belle partition musicale agrémentée de quelques sirtakis et autres airs folkloriques grecs, sont également à mettre au crédit de ce petit thriller franco-italo-belge méconnu tristement oublié des éditeurs. Voilà un excellent divertissement aux saveurs tropicales, simple mais plaisamment efficace, qui devrait ravir tous les amateurs de machinations et autres crime parfait.
Gabriele Tinti, acteur dont l'immense talent n'a malheureusement pas toujours su être employé à bon escient, trop souvent relégué à un cinéma d'exploitation, retrouvera Gainville en 1973 pour son polar Le complot aux cotés de Jean Rochefort, Michel Duchaussoy et Michel Bouquet.