Donne sopra femmine sotto
Autres titres: The rogue / Blondes and black leather / Nokaut
Real: Boro Draskovic
Année: 1971
Origine: Italie / Yougoslavie
Genre: Drame / Erotique
Durée: 87mn
Acteurs: William Gale, Margaret Lee, Barbara Bouchet, Ljiljana Krstic, Gabriele Antonini, Milja Vujanovic, Milivoje Zivanovic, Miodrag Andric...
Résumé: Issu de la classe ouvrière, Marco vit aux crochets de ses parents. Il refuse de travailler et passe le plus clair de son temps à trainer. Lors d'un voyage en Amérique, il fait la connaissance d'une jeune et riche américaine, Barbara, qu'il convainc de venir vivre à Dubrovnic. La jeune femme, ivre de liberté, est ravie de découvrir ce pays qu'elle ne connait pas. Ce qu'elle ignore c'est que pour la convaincre de quitter l'Amérique, Marco lui a ment en lui faisant croire qu'il ait de l'argent. Il utilise celui de ses parents mais également celui qu'il se fait en travaillant pour deux petits revendeurs de cocaïne. Au fil du temps, Marco ne parvient plus à rembourser ses dettes. Les deux dealers sont à ses trousses, Barbara découvre le pot aux roses et le quitte. La descente aux enfers débute pour Marco...
Bizarre vous avez dit bizarre s'interrogeait autrefois le Docteur Knock. Cette désormais célèbre réplique rentrée dans l'histoire de la littérature française aurait très bien pu s'adresser à ce film tant un voile de mystère l'entoure encore aujourd'hui. Si son étrange titre laisse déjà bien songeur quant au contenu du film Donne sopra femmine sotto est une très curieuse oeuvre totalement méconnue réalisée en 1971 mais sortie tardivement sur les écrans italiens avant de disparaitre et sombrer dans l'oubli faute d'avoir un véritable public. Tentons donc de décortiquer cet OVNI du cinéma d'exploitation transalpin de ce début de
décennie dont il porte visiblement bien des stigmates.
Coproduction italo-yougoslave, Donne sopra femmine sotto, titre totalement absurde puisqu'il n'a aucun rapport avec l'histoire elle même, reste un des films les plus obscurs qu'ait interprété Barbara Bouchet, véritable énigme jusqu'au réalisateur lui même. Mis en scène par l'énigmatique cinéaste documentaliste Boro Drakovic sous le pseudonyme anglo-saxon Barry Norton qui travailla essentiellement pour la télévision yougoslave, Donne sopra femmine sotto risque de très vite dérouter le spectateur tant le scénario part tout azimut.
L'ouverture fait irrésistiblement songé à ces nombreux films contestataires juvéniles à message social alors fort en vogue sur les écrans. On y fait la connaissance de Marco, un jeune homme insouciant, révolté, issu de la classe ouvrière, qui vit encore tranquillement chez ses pauvres parents dont il soutire l'argent nécessaire pour vivre, bien peu décidé à travailler. Marco passe ainsi ses journées à trainer, vivant de menus larcins, rêvant un jour d'être riche. C'est pour cette raison qu'il s'est associé à deux voyous peu recommandables avec qui il deale de la cocaïne. C'est ainsi qu'il espère avoir un jour suffisamment d'argent pour vivre la vie qu'il s'est imaginé et surtout épouser une riche américaine, Barbara, qu'il a
fait venir d'Amérique afin de la présenter à ses parents. Du film contestataire on est passé au polizesco sans réelle transition juste avant qu'il ne se transforme en une pâle copie de Easy rider.
Feignant d'être riche, il a emprunté la clinquante voiture de ses parents et rempli ses poches de l'argent qu'il doit à ses complices, Marco va servir de guide touristique à Barbara et lui faire visiter les superbes côtes Croates. Nous voilà désormais au coeur même d'un véritable hippie movie, une des parties les plus fascinantes du film du moins pour tous les amoureux de cette époque où les maitres mots étaient totale liberté et insouciance. On rit, on s'amuse,
on roule cheveux au vent, parfois entièrement nus, au son de mélodies psychédéliques, on s'aime sans se poser de question au milieu ou non d'un enivrant nuage de Marijuana, on prend plaisir à choquer l'ancienne génération. Cela était trop beau pour durer et le film dans sa dernière partie amorce un nouveau virage plus dramatique et sombre cette fois. Après avoir découvert que Marco était un imposteur, Barbara le quitte. Le jeune homme se jette alors dans les bras d'une jeune guide qu'il avait aperçu quelques temps plus tôt mais ayant accumulé les dettes que lui réclament ses associés, Marco se retrouve définitivement dos au mur. Dans l'impossibilité de les payer, il décide de les dénoncer à la police avant de tenter de
s'enfuir avec l'argent qui lui servirait à quitter la Croatie. C'était sans compter sur la traitrise de la jeune guide. Marco se retrouve coincé, pris au piège, lors d'un final cruel qui sombre dans la pure tragédie. La lente agonie du jeune homme devant le film de sa vie surprendra par sa violence inattendue. A ce scénario totalement explosé, on y ajoutera de nombreuses scènes érotiques particulièrement audacieuses, peut être les plus osées que Barbara Bouchet ait tourné dans sa carrière, qui donnent par moment au film un coté sexploitation non négligeable.
Difficile donc de classer Donne sopra femmine sotto dans une catégorie bien précise.
C'est peut être la raison majeure de son échec. Chacun prendra donc ce qui lui semblera bon, ce qui lui plaira le plus selon ses goûts et ses attentes, même s'il est indéniable que l'attrait principal du film est outre son coté hippie, le plus évident, ses séquences érotiques et ses multiples plans de nu même si on reste dans la grande moyenne des films d'alors, ni plus ni moins. Tant Barbara que la brune Margaret Lee offrent sans pudeur leur corps à l'objectif de Draskovic avec lequel il lèche leurs courbes, parcourt chaque centimètre de leur peau lors de torrides étreintes avec Marco interprété par le jeune et étourdissant acteur yougoslave Milan Galovic caché derrière le pseudonyme William Gale qui malheureusement
reste de son coté plus pudique, un coin de lit, une couverture, cachant l'objet de tous nos désirs.
Troublantes sont également certaines scènes qui tombent parfois comme un cheveu sur la soupe sans véritable rapport avec l'intrigue elle même. Ainsi n'est on pas prêt d'oublier ce passage particulièrement atroce et révoltant où un groupe de jeunes hippies rassemblés sur une place publique sont sauvagement attaqués par un attroupement de personnes munies de ciseaux qui se mettent à leur couper les cheveux et les forcent à les manger. Les terribles instruments mutilent les crânes, les mèches tombent dans la plus totale confusion, les pointes s'enfoncent dans la chair, lacèrent la peau laissant les visages en sang. L'ignoble
tonte, non simulée semblerait il, filmée comme un document réalité, glacera très certainement le sang du spectateur ébaubi par un tel acte gratuit et bestial. Tout aussi étrange et inutile mais beaucoup plus ludique est la longue séquence du body painting au bord de la mer durant laquelle deux jeune filles nues sont arrosée de peinture multicolore projetée par un jet.
On mentionnera également parmi les points forts du film s très belle partition musicale signée Franco Bixio, véritable délice auditif contenant aussi de superbes morceaux de rock psychédélique qui servent notamment de thèmes générique, les magnifiques décors naturels des côtes croates, le littoral sauvage et venteux, les petits
villages ancestraux tout en pierres (le film fut tourné à Dubrovnic et ses environs) et la présence de Barbara Bouchet qui est ici au summum de sa beauté, sublimée par Draskovic qui en fait une des plus magnifiques hippies que le cinéma ait jusqu'alors connu. Elle offre au film une de ses plus belles scènes si ce n'est une des plus belles scènes que le 7ème art nous ait donné afin d'imager cette soif de liberté qui définissait si bien ces mirifiques années 70, le mode de vie beatnick. Barbara, radieuse, le regard étincelant, cheveux au vent, se déshabille lentement dans la voiture qui sillonne les routes côtières sauvages tout en ondulant au son d'une délicieuse musique rock pour finir nue aux cotés de
Marco qui l'imite... sans jamais lâcher son volant... ou quand la législation routière n'était pas encore ce qu'elle est devenue! Un strip-tease qui risque d'en époustoufler plus d'un.
Echappant à toute classification, Donne sopra femmine sotto s'il part tout azimut sans jamais trouver sa véritable orientation, si on se demande quel chemin a voulu réellement emprunter Draskovic, ce qu'il a voulu exprimer, s'il risque de dérouter au premier abord, il n'en reste pas moins un film étrange, par instant envoutant, à la fois sombre et lugubre, illuminé par la beauté d'une Barbara Bouchet solaire et du jeune et fantasmatique Milan Galovic qu'on aurait aimé revoir par la suite à l'écran. Le film de Draskovic, aujourd'hui
devenu culte de par sa rareté et la présence de Barbara, mérite toute l'attention non seulement de l'amateur d'oeuvres oubliées mais de tout fervent amoureux d'exploitation très fortement estampillée années 70 à qui il laissera un étrange goût âpre au fond de la gorge bien après que le mot fin soit apparu sur son écran. A découvrir de toute urgence.
Signalons que le film, tourné à l'origine en serbo-croate mais doublé en anglais, est répertorié sur l'imdb sous le titre Nokaut mais affublé d'un résumé totalement farfelu et erroné n'ayant aucun rapport avec l'histoire.