Appassionata
Autres titres: Les passionnées / Perversa / Passionate / My father my love
Real: Gianluigi Calderone
Année: 1974
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 92mn
Acteurs: Gabriele Ferzetti, Ornella Muti, Eleonora Giorgi, Valentina Cortese, Ninetto Davoli, Renata Zamengo, Jeanine Martinovic, Carla Mancini, Luigi Antonio Guerra...
Résumé: Eugenia a 17 ans. Elle est la fille d'un dentiste de province, Emilio, qui a passé sa vie à l'élever puisque sa mère souffre de troubles psychologiques. Nicole, la meilleure amie d'Eugenia a des vues sur Emilio. Prétextant une consultation à son cabinet, Nicole le viole quasiment. troublé par la jeune fille, le dentiste va se laisser lentement séduire par l'adolescente. Jalouse, Eugenia se venge sur sa mère qu'elle se plait à humilier. Très proche de son père, Eugenia éprouve pour lui des sentiments proche de l'inceste. La relation entre les deux amies se détériorent de plus en plus, Eugenia devient de plus en plus cruelle jusqu'au jour où Emilio couche avec Nicole après que sa femme ait été internée. C'est pourtant auprès de sa fille qu'il se réveille le matin...
Venu de la télévision où il officia tout au long de sa longue carrière, Gianluigi Calderone s'est offert en 1973 une parenthèse au grand écran avec Appassionata, une nouvelle tentative d'illustration du mythe de la lolita à l'italienne qui fit les beaux jours du cinéma érotique transalpin des années 70, subversif et provocateur. Et pour nous entrainer dans les turpitudes de l'adolescence perverse Calderone nous invite à suivre les premiers émois sexuels de deux lycéennes, deux amies inséparables, Nicole et Eugenia. Toutes deux ont 17 ans. Eugenia est la fille d'un dentiste mariée à une femme qui souffre de troubles psychologiques. Elle s'est enfermée depuis bien des années dans une sorte de folie douce,
un univers dans lequel elle vit confinée. Nicole s'est éprise du père de son amie et désire plus que tout lui faire l'amour. Prétextant une rage de dents, elle le retrouve à son cabinet. Après qu'il lui ait injecté un tranquillisant, Nicole feint d'agir dans un état second et s'offre à lui. Troublé, le dentiste ne parviendra plus à se sortir Nicole de l'esprit qui au fil des jours va l'aguicher, le séduire, jouer dangereusement avec lui jusqu'à éveiller les soupçons de Eugenia. Jalouse, elle va essayer de se mette entre eux d'autant plus qu'elle entretient avec son père une étrange et morbide relation quasi incestueuse. A son tour elle va attirer son attention tandis que son amitié pour Nicole se détériore.
De plus, Eugenia retourne sa colère contre sa mère qu'elle se complait à humilier. Le jour de l'anniversaire de Eugenia, Emilio fait l'amour à Nicole avant que Eugenia, perverse et perfide, lui mente en avouant qu'elle a perdu sa virginité. Furieux, Il se jette sur sa fille au moment où sa femme entre dans la chambre. Incapable de comprendre ce qui passe, la pauvre femme s'imagine que son époux a tenté de violer leur fille. Une situation inextricable qui connaitra un étonnant et inattendu dénouement.
Connu en France sous le titre Les passionnées, un titre pas aussi puissant et évocateur que
sa dénomination anglaise My father my love, le film de Calderone n'est jamais qu'une nouvelle critique toujours aussi acide de l'hypocrisie, du vide existentiel de la classe moyenne italienne qui se perd dans la dépravation pour se donner un but dans la vie, se sentir exister. Il y a d'un coté Elisa, une femme, une ancienne pianiste, qui n'a plus toute sa tête et vit dans un passé auquel elle s'accroche comme elle s'accroche à son mari. De l'autre Emilio, son époux, un petit dentiste de province qui est passé à coté d'une belle carrière et par conséquent d'un statut social non négligeable pour pouvoir élever Eugenia, leur fille. La routine et la banalité se sont donc substitués aux ambitions d'Emilio coincé dans une vie
sans relief. Au milieu, Eugenia, aujourd'hui âgée de 17 ans, qui a pour son père une admiration sans limite, une attirance quasi incestueuse, et éprouve une jalousie morbide envers sa mère, une femme dont elle aimerait prendre la place et se plait à humilier dés qu'elle le peu. Se greffe sur ce trio morbide la meilleure amie de Eugenia, Nicole qui partage avec elle le même désir: découvrir les plaisirs de la sexualité à un âge où leur corps est en pleine effervescence. Nicole va être le déclencheur du drame. Eprise du dentiste, l'adolescente le viole un jour lors d'une consultation. Le trouble va alors croitre de plus en plus du coté d'Emilio qui lentement va se laisser prendre au jeu, se lasser séduire par cette
gamine qui lui apporte ce semblant de bonheur auquel sa morne vie ne l'a plus habitué au grand dam d'Eugenia. Les rapports entre les deux adolescentes vont devenir de plus en plus conflictuels, la haine d'Eugenia pour sa mère va atteindre un point de non retour jusqu'au jour où Emilio fait l'amour à Nicole avant de se réveiller aux cotés de sa propre fille. Y a t-il eu inceste?
Les thèmes soulevés par Calderone sont particulièrement sérieux mais cependant récurrent d'un certain cinéma italien d'alors. L'éveil de la sexualité adolescente, les premiers émois sexuels et les jeux pervers qu'ils suscitent bien souvent, les névroses, l'inceste, les amours
interdites sur fond de dénonciation sociale, l'hypocrisie d'une certaine classe bourgeoise ou moyenne-bourgeoise avaient déjà été traités notamment par Bolognini et Samperi et le seront encore de nombreuses fois abordés avec plus ou moins de bonheur.
On reconnaitra aux Passionnées son ambiguïté. Malgré l'exacerbation des situations, rien n'est ici jamais très clair. On baigne dans une certaine opacité qui rend les flous les agissements des deux adolescentes, manifeste de la psychologie féminine souvent complexe. contradictoire. Tout est équivoque, en demi teinte. Cette ambiguïté qui culminera lors du final que beaucoup pourront trouver décevant ne fait que définitivement illustrer la
perversité de ces deux lycéennes qui auraient peut être bien mis sur pied ce plan diabolique afin de faire irrémédiablement sombrer Elisa dans la folie et pousser Emilio à l'inceste, si inceste il y a eut, afin de les détruire tout deux. Chacun interprétera cette conclusion à sa manière.
Cette opacité est une des principaux atouts du film qui jamais ne sombre dans le scabreux malgré l'audace du propos et certaines séquences qui jadis donnèrent bien des hauts le coeur à la censure. Calderone évite tout voyeurisme, tout sensationnalisme au profit d'une touche de sensibilité, d'émotion fort agréable. Cela ne signifie pas que Les passionnées est
exempt de scènes fortes et pimentées, bien au contraire. Calderone a simplement su les rendre belles et rarement sordides aussi malsaines soient elles même si parfois on plonge dans la pure exploitation notamment au détour d'une surprenante scène de zoophilie. Le dentiste lors d'un rêve moite voit Nicole entièrement nue se caresser lascivement et prendre du plaisir devant un chien en furie. Il abat l'animal d'une balle dans la tête, l'objectif du cinéaste s'attardant sur le chien baignant dans son sang.
Malgré ses qualités pourquoi diable Appassionata ne fonctionne t-il pas totalement? Tout simplement car Calderone n'a pas réussi à réellement insuffler à l'ensemble une
atmosphère vénéneuse, ni réussit à retranscrire la détresse des personnages afin qu'ils puissent sincèrement nous toucher. Le film reste un peu trop en surface, ni la cruauté la perversité et la perversion des protagonistes n'est assez marqué amoindrissant ainsi l'effet dérangeant de cette histoire interdite. Seule la détresse d'Elisa parvient à émouvoir, chacune de ses apparitions est un grand moment, fort bien interprétée par Valentina Cortese, toujours aussi à l'aise dans ce type de rôle de femme névrosée.
Ce qui retiendra essentiellement l'attention ce sont bien entendu les nus adolescents et les courbes nubiles de ses principales interprètes, la blonde Eleonora Giorgi, à ses débuts, bien
peu avare de ses charmes, ravageuse séductrice aussi débauchée que par moment humaine, découverte l'année précédente par le producteur du film, le réalisateur Tonino Cervi, et la brune Ornella Muti, 19 ans, odieuse, incestueuse, cruelle, toujours aussi fascinante, qui enfin majeure, s'offrait entièrement nue à la caméra, délaissant enfin sa doublure officielle, Antonia Santilli. Ce sulfureux tandem fait tout l'intérêt dans lequel excelle également Gabriele Ferzetti, faible et torturé, incapable de résister à ces deux gamines. On notera l'apparition du pasolinien Ninetto Davoli.
S'il n'est pas le meilleur film du genre demeure tout de même un bel exemple simple et
raffiné de ce cinéma italien qui osait toutes les audaces en abordant les plus gros tabous de notre société, l'inceste, les amours interdites, le mythe de la lolita, la sexualité adolescente..., tout en mettant en avant les turpitudes de l'adolescence, Appassionata se laisse gentiment visionner. Jamais ennuyeux, il est une mise en bouche appréciable avant un défilé d'oeuvres plus acerbes.
A sa sortie, Appassionata provoqua un tel tollé en Italie que Calderone fut un temps surnommé le nouveau Samperi, un peu à tort car l'élève n'a pas réussi à égaler le maitre. Il s'en retournera par la suite à ses premières amours, la télévision.
Pour l'anecdote, il se dit que les tensions furent fortes entre Ornella Muti et Eleonora Giorgi mais les deux comédiennes surent mettre leur rivalité au profit du film, d'où peut être cette osmose dans leur relation.