Il Cav. Costante Nicosia demoniaco ovvero Dracula in Brianza
Autres titres: Las picaras aventuras de Dracula
Real: Lucio Dulci
Année: 1975
Origine: Italie
Genre: Comédie horrifique
Durée: 98mn
Acteurs: Lando Buzzanca, Sylva Koscina, John Steiner, Ciccio Ingrassia, Rossano Brazzi, Valentina Cortese, Moira Orfei, Francesca Romana Coluzzi, Ilona Staller, Antonio Allocca, Renato Malavasi, Franco Nebbia, Mauro Vestri, Gianpaolo Rossi, Ugo Fangareggi, John Bartha, Michele Cimarosa, Renato Malavasi, Grazia Spadaro, Belfana Arfenone, Aldo Valletti...
Résumé: Costante Nicosia, un industriel à la tête d'une usine de dentifrice, a passé sa vie à vouloir toujours plus d'argent et rester numéro un sur le marché au détriment de sa vie de famille. Son mariage bat aujourd'hui de l'aile mais il ne voit que son entreprise et son équipe de football. Lors d'un voyage d'affaires en Roumanie, il est invité au château du comte Draculescu. Après une nuit d'orgie, il se réveille avec horreur dans le lit du comte. Il constate à son retour en Italie qu'il est devenu non seulement homosexuel mais qu'il est aussi attiré par le sang humain. Terrorisé par ce qu'il lui arrive, soucieux que personne ne découvre ce qu'il est devenu, il va voir son docteur puis un mage afin qu'il le guérisse. Mais aucun remède ne semble efficace...
On a trop souvent tendance à ne retenir de la carrière de Lucio Fulci que ses célèbres films d'horreur et ses quelques gialli en oubliant que ce metteur en scène touche-à tout s'est essayé à quasiment tous les genres y compris la comédie. S'il faut remonter au début des années 60 pour découvrir ses premières et fort sympathiques tentatives en ce domaine, beaucoup ne retiennent pourtant que son incontournable Juge ou putain réalisé en 1976 fort certainement pour la présence de la charnelle Edwige Fenech dans le double rôle de cette juge puritaine et de sa soeur jumelle, une putain vulgaire au grand coeur. Fulci a pourtant
l'année précédente mis en scène une autre comédie inédite en France cette fois, une comédie horrifique grinçante au titre particulièrement difficile à retenir Il Cav. Costante Nicosia demoniaco ovvero Dracula in Brianza. Un oubli bien injuste puisque cette comédie est loin d'être inintéressante et mérite l'attention de tout spectateur amateur de satire sociale et d'humour acerbe.
Costante Nicosia, un sicilien immigré à Brianza près de Milan, est à la tête d'une importante usine de dentifrice appelée Pasta del colonnello. Costante est un redoutable patron, avide de pouvoir et d'argent, qui pour réussir n'a jamais eu peur d'utiliser et écraser ses employés
aujourd'hui en pleine contestation. De plus son mariage avec Mariu bat de l'aile, son épouse n'ayant jamais eu la chance d'avoir un enfant de ce mari trop occupé. Lors d'un de ses voyages d'affaires en Roumanie, Costante est invité au château du comte Draculescu. Après une nuit d'orgie dont il ne fut pas conscient, il se réveille au petit matin dans le lit du comte. Costante réalise alors qu'il est attiré par les hommes. Il serait devenu homosexuel. Son retour en Italie est donc dramatique. Il doit réfréner son attirance pour les hommes, chose très difficile puisqu'il est aussi à la tête d'une équipe de football, mais il doit également faire face à un autre problème: il a désormais besoin de sang frais. Il fait appel à un mage afin de
trouver un remède à ses soucis, en vain. Après réflexion, Costante va mettre à profit ses nouveaux désirs en créant une petite société de collecte de sang. Il parvient même à faire un enfant à son épouse, un joli bébé avec de magnifiques... crocs!
Au vu du scénario on pense de suite à une parodie du film de vampires dans la lignée du Bal des vampires de Polanski. Il Cav.(pour le titre honorifique Cavaliere) Costante Nicosia... est avant tout une satire sociale qui tente d'aborder plusieurs thèmes à la fois, le plus évident étant le capitalisme auquel le vampirisme est ici associé. C'est cette soif insatiable d'argent
et de pouvoir qui ronge l'être humain qui en désire toujours plus. Elle est assimilée à une maladie destructrice qui pousse l'homme à avoir recours aux moyens les plus vils pour assouvir ses ambitions jusqu'à utiliser ses congénères jusqu'à l'épuisement voire la mort, symbolisée ici par ce sang que Costante se délecte à lécher des plaies de son entourage tant professionnel qu'amical. Fulci en profite pour traiter des conditions de travail dans les usines souvent infâmes où les ouvriers ne sont que des machines à faire de l'argent et le travail une éternelle compétition qu'il met en parallèle avec l'équipe de foot dont Costante est
le président. C'est également le sacrifice. Le travail et la réussite sociale ont absorbé la vie de cet industriel qui s'est sacrifié et a sacrifié sa famille au profit de son usine tant et si bien que son mariage est resté stérile. Surgit alors un autre thème tout aussi social, cette rivalité qui déchire l'Italie du Nord (Brianza où s'est installé Costante), symbole de réussite, et l'Italie du Sud (Palerme d'où il vient). Fulci à travers ce personnage image simplement cette folle envie de réussir qu'un immigré du Sud a en lui, prouver à ses pairs qu'il peut à force de travail atteindre un niveau social respecté et respectable sans pour autant oublier ses racines.
Voilà un troisième sujet que le cinéaste traite, celui de cette Italie populaire où survivent encore mythes, croyances et magie. Costante a parfois recours aux recettes magiques de sa vieille domestique pour conjurer le sort ou tenter d'obtenir ce qu'il veut et c'est à un mage sicilien qu'il s'adresse pour qu'il le guérisse de cette terrible maladie tandis qu'il redevient un parfait sicilien soumis aux coutumes de la famille une fois revenu chez les siens.
L'ultime thème abordé est la différence, la marginalisation, représentée ici par l'homosexualité. Fulci ne pouvait trouver mieux pour l'illustrer. Quoi de pire en effet pour un sicilien que de découvrir un jour qu'il aime les hommes mais de devoir également l'admettre
et le vivre au grand jour? Le réalisateur pose ici toute la difficulté d'être différent dans une culture qui interdit la différence. L'image est certes très bien trouvée mais elle n'est pas forcément bien montrée. Si le capitalisme est assimilé au vampirisme, à une maladie destructrice, l'homosexualité pour Fulci est également une maladie de surcroit contagieuse. C'est en étant mordu (le comte Dracula est ici gay) que Costante est devenu homosexuel et c'est avec des pilules que son médecin veut le guérir. Le fait est récurrent dans le cinéma italien des années 70, il est ici un peu trop appuyé pour ne pas déranger même si l'humour fait oublier ces sous-entendus grossiers.
C'est peut être là le petit défaut qu'on pourra reprocher à cette comédie vampirique qui souffre également des trop nombreux thèmes soulevés. A trop vouloir dire, Fulci ne fait au final qu'effleurer certains de ses sujets d'où un film par moment inégal qui donne l'impression d'un trop plein. Voilà qui est dommage car le metteur en scène comme la plupart du temps maitrise son scénario écrit aux cotés de Pupi Avati dont on reconnait l'imparable touche avec cette dextérité qu'on lui connait. Il Cav. Costante Nicosia demoniaco ovvero Dracula in Brianza est une comédie italienne pétillante, intelligente, chose rare dans ce domaine très populaire, qui brille par bien des aspects. On saluera la prestation de Lando Buzzanca, excellente, qui trouve là une de ses meilleures compositions. Le film doit
beaucoup à sa remarquable interprétation d'une impeccable justesse. De là à dire que Buzzanca tient le film sur ses épaules il n'y a qu'un pas. A ses cotés, on savourera les apparitions de John Steiner en Dracula homosexuel, la présence de Sylva Koscina et Moira Orfei, toutes deux délicieuses, et Ciccio Ingrassia dans la peau du mage qui n'est pas sans rappeler L'esorciccio, hilarant avec ses philtres magiques à base d'excréments. On soulignera l'apparition de Ilona Staller non créditée au générique mais déjà fascinante. La mise en scène est alerte, évite toute vulgarité, la photographie est optimale et les dialogues, pertinents, écrits par le tandem Janacci-Viola respectent les différents dialectes et donnent à
l'ensemble cette touche de véracité particulièrement agréables. Les italophones apprécieront comme on appréciera l'audace de certaines scènes telle l'orgie au château du comte où les invités, totalement nus, se donnent l'un à l'autre sous des flots de champagne, un scène débridée qui rappellera peut être à certains le repas orgiaque de Emanuelle e Françoise. Quant aux superbes gros plans de fessiers masculins dans les douches du gymnase, il n'y a pas que notre bon chevalier Costante qui en aura la bave aux lèvres! Quant à l'aspect populaire, Fulci parvient à retranscrire toute cette fascinante ambiance du Sud de l'Italie à travers ces quelques séquences filmées à Palerme, les réunions familiales empreintes de
croyances séculaires et les recettes magiques tant du mage que de la vieille servante Anastasia. Songer à Non si sevizia un paperino est ici de très bon aloi. L'ensemble est rythmé par une efficace partition musicale signée Fabio Frizzi, Bixio et Tempera.
Il Cav. Costante Nicosia demoniaco ovvero Dracula in Brianza est malheureusement une oeuvre un peu trop méconnue du Maestro, du moins sous nos cieux, qui sans être parfaite, fait cependant partie des meilleurs comédies italiennes de cette époque, tout simplement peut être une des meilleures comédies vampiriques qui ait été tournée. Et Dieu seul sait combien le vampirisme a été utilisé au cinéma à plus ou moins bon escient.