Gli occhi freddi della paura
Autres titres: Cold eyes of fear / Desperate moments / Los frios ojos del miedo
Real: Enzo Castellari
Année: 1971
Origine: Italie
Genre: Thriller
Durée: 89mn
Acteurs: Frank Wolff, Gianni Garko, Giovanna Ralli, Fernando Rey, Julian Matheos, Karin Schubert...
Résumé: Peter, le fils du juge Flower, connu pour son impartialité et son sens aigu de la justice, ramène à la demeure de son père une fille de joie rencontrée dans un club. A leur arrivée, ils découvrent le corps du majordome et son assassin, un homme qui les prend en otage. Lorsqu'un policier sonne à la porte ils croient être enfin sauvés mais il s'agit du complice de l'homme et organisateur de cette étrange prise d'otages. Le faux policier exige de Peter qu'il lui remette un dossier caché quelque part dans la maison dont son père s'est jadis occupé. Il lui apprend également que le bureau du juge a été piégé. Il explosera lorsqu'il en ouvrira la porte...
Souvent considéré à tort comme un giallo, Gli occhi freddi de della paura n'a n fait du genre qu'un titre très évocateur et quelques rapides plans, ce film réalisé par Castellari en 1971 étant surtout et avant tout un thriller noir, un huis clos inspiré de Seule dans la nuit avec Audrey Hepburn. Le scénario écrit par Tito Carpi, Leo Anchoriz et Castellari lui même est né de l'admiration que portait le cinéaste au film de Terence Young et son amour pour Audrey. Il
n'avait alors qu'un souhait, pouvoir à son tour réaliser un film de cette envergure. L'histoire écrite, il contacta Frank Wolff qu'il avait jadis très bien connu, lui demanda de jouer un des quatre personnages principaux, ce qu'il accepta avec plaisir, tandis que l'épouse de Wolff, s'occupa de traduire le film en anglais. C'est peut être sur ce point précis que Gli occhi freddi della paura qui a toujours souffert de sa très mauvaise réputation notamment en France prend tout son tragique intérêt. C'est en effet durant le tournage que Wolff appris que sa femme le quittait, une nouvelle qui eut sur l'acteur un effet dévastateur qui le poussa au
suicide quelques mois plus tard. Le hasard voulut que le personnage qu'il interprétait devait progressivement se transformer, passer d'un calme apparent à la folie la plus incontrôlable, ce qui bien ironiquement collait à la triste réalité.que vivait le comédien. Les états par lesquels passait donc Wolff, cette névrose, ses crises, n'étaient donc pas feintes. Il ne faisait qu'extérioriser ce qu'il ressentait à ce moment là. Gli occhi freddi della paura prend alors toute une autre dimension et 'est peut être avec plus d'indulgence qu'on jugera ce thriller bancal mais cependant loin d'être aussi mauvais qu'on peut trop souvent le lire.
Gli occhi freddi della paura n'est jamais qu'une histoire de prise d'otages, un huis-clos qui se veut étouffant dans la vaste demeure d'un juge où son fils est venu passer la nuit avec une prostituée rencontrée dans un club. Le canevas de l'histoire reprend celui de La maison des otages / Desperate hours sans rien n'y apporter de nouveau mais à la rigueur du film de Wyler fait place cette fois une certaine paresse scénaristique qui se transforme assez vite en un véritable nid d'incohérences et d'invraisemblances tant et si bien qu'on ne parvient plus réellement à comprendre ni les motivations encore moins le comportement des différents
protagonistes. Inconsistants et mal définis, les personnages changent d'attitude au bon vouloir des scénaristes au détriment de toute véritable logique. Ainsi Peter, le fils du juge, passe de l'être le plus veule, égoïste et arriviste à celui de pur héros. La jolie prostituée de son coté donne l'impression de n'être qu'un simple objet qu'on déplace selon les besoins du récit, passant de la simple potiche à celui de personnage de premier plan, courageuse et manipulatrice. Quant au complice de Wolff, il tourbillonne comme une girouette aux quatre vents, semble perdu dans un rôle qu'il ne comprend plus et donc ne maitrise pas. Ses
motivations tout comme ses fonctions au sein du film changent aussi souvent qu'on peut changer de slip, une erreur d'autant plus regrettable que son personnage au départ particulièrement féroce et inquiétant devient ainsi vite idiot. On passera sous silence les quelques ellipses par moment gênantes disséminées ça et là tout au long du métrage, l'attentat contre le juge d'une faiblesse franchement risible et improbable et le ridicule des policiers de Scotland yard, jamais crédibles mais bien crétins. Le film se situe en effet à
Londres mais il aurait très bien pu se dérouler en Italie ou dans tout autre pays du monde cela n'aurait rien changé, le lieu de l'action n'ayant aucune incidence sur le scénario.
Pourtant malgré ses nombreux défauts et cet étonnant laxisme scénaristique, Gli occhi freddi della paura accompagné d'une partition musicale nerveuse signée Ennio Morricone est loin d'être un mauvais thriller. On se laisse en effet assez rapidement prendre au jeu et si Castellari malgré une mise en scène plutôt efficace même si on n'y reconnait pas forcément sa griffe ne parvient pas vraiment à instaurer un réel climat de tension, de peur, à rendre
palpable ce sentiment d'angoisse claustrophobe, toute la puissance du film en revient au jeu des acteurs sur lequel en fait tout repose. On savourera les sautes d'humeur malheureusement trop réelles d'un Frank Wolff versatile et torturé, souvent impressionnant, jusqu'à son explosion de folie lors de l'ultime quart d'heure, ses problèmes personnels influençant fortement son interprétation. Julian Mateos incarne avec force un voyou aussi sombre qu'inquiétant, combattif. Sa beauté maléfique apporte ce soupçon de noirceur tout à fait plaisant qu'on regrette de ne pas un peu plus trouver au fil du récit. Jeune acteur ibérique,
Julian, sex-symbol des années 60, après avoir été un des piliers du western-paëlla incarna très souvent et avec grand talent des personnages énergiques (on se souviendra notamment de Les étrangers, Les cruels, La orilla, Les malfaiteurs, L'eretica de Amando de Ossorio) avant d'orienter définitivement sa carrière dés le milieu des années 70 vers la télévision dont il devint une des stars. Gianni Garko même si on l'a connu plus convaincant délivre une interprétation tout à fait honorable. Quant à Giovanna Ralli, toujours aussi séduisante, elle éclaire tout bonnement l'écran de sa beauté. On mentionnera la présence
de Karin Schubert lors de l'ouverture, un prologue durant lequel elle est agressée au couteau puis violée par un homme ganté de noir, unique référence au giallo, une scène qui s'avérera un trompe-l'oeil puisqu'il s'agit tout simplement d'un spectacle de cabaret joué par deux comédiens devant un public enthousiaste.
Si Gli occhi freddi della paura peut en toute sincérité décevoir notamment les inconditionnels purs et durs du genre, il reste néanmoins un petit thriller inoffensif et avant tout divertissant qu'il faut prendre tel quel afin d'en apprécier la saveur. Pour le peu qu'on soit indulgent et sache remettre le film dans le contexte où il fut tourné, on se laissera alors prendre sans trop de mal au jeu, emporté par cette montée de violence qui va crescendo.
Pour la petite histoire, le film suite à des problèmes de distribution au moment même de sa sortie ne connut malheureusement pas les honneurs d'une projection en salles en Italie. Resté inédit, il sortit très tardivement en vidéo avant qu'une seule et unique édition DVD anglaise sous le titre Cold eyes of fear ne lui rende enfin honneur.