L.A plays itself
Autres titres:
Real: Fred Halsted
Année: 1972
Origine: USA
Genre: X
Durée: 50mn
Acteurs: Jim Frost, Rick Coates, Fred Halsted, Joey Yale, Paul Barresi, Bob Blount...
Résumé: Un jeune homme se promène en forêt lorsqu'il aperçoit au bord de l'eau un jeune naturiste. Ils font l'amour dans ce cadre idyllique. Un homme sillonne les rues de Los Angeles en voiture. Il cherche à passer un bon moment avec un des nombreux hommes qui peuplent la ville. Il repère dans une cage d'escalier un jeune garçon qui ne demande qu'à être soumis. Lors d'une séance de sadomasochisme particulièrement brutale il en fait son esclave, sa chose. Ligoté dans un placard, il le tue avant de se masturber...
Fred Halsted fait aujourd'hui figure de pionnier dans l'univers de la pornographie gay. Cet ex-diplômé en botanique fut en effet un des précurseurs du film X homosexuel puisque ses premiers films sortirent à une époque où l'industrie du X américain en était à ses balbutiements et tentait difficilement de trouver sa place légitime dans les circuits de distribution. Wakefield Poole avait ouvert la voie en 1971 avec Boys in the sand et Bijou,
James Bidgood suivait avec l'onirique Pink Narcissus tandis que Gérard Damiano offrait aux hétérosexuels Deep throat, des oeuvres étonnantes aux prétentions artistiques à la limite de l'expérimental, un excellent moyen de se faire plus facilement accepter par un vaste public. L.A plays itself, premier film de Halsted, suit non seulement cet exemple mais il fait surtout figure à part dans le monde du X gay puisqu'il fut le seul et unique film pornographique à entrer au musée des Arts modernes de New York avec le second opus du cinéaste Sex garage.
Comme son titre l'indique, L.A plays itself est une vision bien cernée de la première ville homosexuelle des Etas-Unis, deux visions, deux tableaux distincts de Los Angeles, deux faces de l'homosexualité en totale adéquation avec le lieu où ces deux segments ont été tournés. La première histoire se situe aux abords de la cité des anges dans le somptueux parc de Malibu canyon où se promène un homme. Il aperçoit soudain un jeune naturiste assis au bord de l'eau. Il le rejoint et sans attendre les deux garçons font l'amour au milieu de ce cadre idyllique. Plus que la narration elle même c'est avant tout la poésie que Halsted
recherche dans ce premier sketch, l'effet visuel. L'histoire est un véritable poème, une ode à la nature et au sexe qui tout deux se combinent de manière souvent impressionnante. Les corps font partie intégrante de cette nature formant un superbe et fascinant tableau pastoral. Les deux garçons s'ébattent, s'aiment, jouent au milieu de cette verdure baignée de soleil sous l'oeil amusé d'une truite, d'un insecte, d'une araignée d'eau tandis que abeilles et papillons butinent au son d'une symphonie champêtre. A la limite de l'expérimental, Halsted sublimine l'amour viril, se permet quelques effets de style laissant parler son amour pour
le monde végétal notamment ces fabuleuses surimpressions d'images particulièrement artistiques. C'est un bulldozer qui servira de transition avec le deuxième récit, symbole d'une urbanisation qui va grandissant, tuant ces moments de plaisirs boisés pour des plaisirs plus violents, ceux de la ville.
Cette seconde histoire nous plonge au milieu d'une autre jungle, en béton cette fois, où les animaux en sont les hommes, une autre face plus sombre de la sexualité, plus violente, plus choquante du moins pour ceux qui au fouet et aux menottes préfèrent le romantisme d'un
diner aux chandelles et la douceur d'un lit. Halsted effectue un virage à 180° et nous immerge dans l'univers du sadomasochisme et des dangers, des débordements pour qu'il peut engendrer. Un homme circule en voiture au coeur de la ville en quête d'un partenaire. Véritable fourmilière, elle offre toute une panoplie de garçons, un choix quasi infini fait de prostitués, de simples badauds, ces inconnus qu'on repère et aguiche. C'est sur un jeune prostitué repéré dans une cage d'escalier que son choix se porte, un jeune soumis docile en quête d'un maitre. C'est plus vers le documentaire, brut, brutal, que Halsted s'oriente cette
fois en dépeignant non seulement quelques rituels sadomasochistes parfois extrêmes mais également tout un pan d'une certaine culture underground de la célèbre ville. Filmé de manière toujours aussi artistiquement recherchée même si on passe du rêve au cauchemar cette deuxième partie nous fait assister aux rapports de force entre un homme dominateur et son esclave devenu sa chose, son objet, un garçon ramené au simple rang d'animal qu'on dresse et discipline à coups de pieds et de ceinture. Après une ouverture qui donne le ton, le jeune homme monte l'escalier en rampant nu pendant que son maitre lui urine sur le corps.
Après l'avoir obligé à satisfaire ses désirs sexuels commence une séance de sadomasochisme pur et dur qui pourra mettre mal à l'aise les plus sensibles, les plus vertueux mais faire jouir d'extase tous les amateurs de plaisirs sadiens. Coups, fessée, ceinture, crushing (le fait d'écraser une personne sous ses pieds) avilissement, dog-training sans oublier le foot fucking qui rendit célèbre le film, rien ne sera épargné au jeune homme qui finira ligoté de force et enfermé dans un placard. Se superpose alors la une d'un journal qui annonce qu'un garçon a été retrouvé mort dans un placard, triste écho d'une réalité bien
réelle, reflet d'une violence urbaine quotidienne où se mêlent psychopathes et débordements sexuels en tout genre. Le film se clôturera sur le plan morbide de Halsted entrain de se masturber devant le corps de son partenaire d'une nuit, une longue séquence où s'intercalent des images d'insectes morts.
Au coté bucolique, solaire, du premier récit succède une atmosphère malsaine, maladive. Le ton est sinistre, froid. la musique angoissante, oppressante, la caméra cherche à capter le
lien qui unit ces deux hommes, de montrer sans trop chercher à analyser le concept même du plaisir de souffrir et faire souffrir, la violence d'une relation où la folie peut à tout instant prendre le dessus. C'est un peu sa propre relation avec son compagnon, Joey Yale, l'interprète de l'esclave, que Halsted dans le rôle du dominateur met en scène, tente d'expliquer, une sorte d'autobiographie pelliculaire libératrice.
Afin d'apaiser la violence des images, Il agrémente l'ensemble de nombreux plans extérieurs
tournés dans des parcs publiques qui grouillent d'inconnus. Halsted y déambule, jette à travers l'oeil de l'objectif un regard presque documentaire sur tous ces jeunes hippies, s'attarde sur leur entre-jambe, leur torse, leurs fesses, les observe, les regarde se réunir, jouer de la musique, capte des instants de vie, repère un visage, un corps. Il se substitue ainsi à l'oeil du spectateur, du badaud lambda en balade, véritable bonheur pour tous les amoureux invétérés de ces années chevelues à jamais révolues.
Hué lors de sa première projection en salles par un public choqué, écoeuré, encensé
quelques temps plus tard lors de sa deuxième projection par la critique et les personnalités présentes dont Salvatore Dali qui avoua avoir découvert quelque chose dont il ne soupçonnait pas l'existence, L.A plays itself est aujourd'hui une oeuvre incontournable du cinéma pornographique gay américain des années 70, un petit bijou témoin de toute une époque qui n'a rien perdu ni de son esthétisme encore moins de sa férocité. Il a largement sa place aux cotés des grands classiques du hardcore homosexuel chic et expérimental des pionniers du genre, un must pour tout ceux qui aiment voyager du Paradis à l'Enfer, mi-ange
mi-démon, adeptes d'une sexualité très large qui englobe également ces savoureux plaisirs sadiens. De quoi rêver qu'on se fait délicatement arroser d'un jet d'urine tandis qu'on monte les étages de notre immeuble!
Fort du succès du film, Halsted tournera par la suite Sex garage puis Sextool qui cette fois sera un échec. Déçu, il se mettra à l'écriture, se spécialisant dans l'érotisme, avant de revenir au cinéma en tant qu'acteur cette fois. Il ouvrira également un sex club mais la mort de Joey Yale, emporté par le Sida, le fera sombrer irrémédiablement dans l'alcoolisme. Ruiné, artistiquement fini, il est recueilli par son frère. L'échec de son autobiographie finira de le détruire. Il se suicidera en 1989.
Halsted restera pour le cinéphile et la communauté un cinéaste qui sut parfaitement mettre en image la culture gay underground avec un sens artistique hors du commun.