Italia: ultimo atto?
Autres titres:
Real: Massimo Pirri
Année: 1977
Origine: Italie
Genre: Polar / Noir
Durée: 87mn
Acteurs: Luc Merenda, Andrea Franchetti, Marcella Michelangeli, Lou Castel, Ines Pelligrini, Maria Tedeschi, Nello Pazzafini, Luigi Casellato, Valentino Dain, Raffaele Di Mario, Fabrizia Castagnoli, Ivo Garrani, Adriana Loran...
Résumé: Trois terroristes, Ferruccio, Bruno et Mara, préparent une attaque contre le ministère de l'Intérieur. Ils prévoient d'assassiner le ministre. Après l'avoir abattu lors d'une sanglante fusillade, un des terroristes est tué. Les deux autres parviennent à s'enfuir. Ils se réfugient dans un appartement abandonné et tentent de survivre...
Massimo Pirri fait partie de ces metteurs en scène italiens certes inégaux dans leur travail mais suffisamment audacieux et téméraires pour retenir l'attention et provoquer quelques remous au sein même du public voire quelques hauts le coeur puisqu'on lui doit entre autres Calamo et surtout L'immoralità, un des films les plus controversés du cinéma d'exploitation transalpin après l'excellentissime et unique La maladolescenza, et Eroina / Tunnel, une
fracassante descente dans l'enfer de la drogue. Italia: ultimo atto? réalisé juste avant L'immoralità traite quant à lui du terrorisme d'une façon particulièrement noire et reste un des rares films à avoir abordé le sujet alors que le pays était plongé au coeur même de ce qui fut appelé les années de plomb, un an avant l'affaire Moro. En ce sens, Italia: ultimo atto? pourrait être une oeuvre prophétique puisque l'intrigue prend comme point de départ la préparation d'un acte de terrorisme contre le ministère de l'intérieur par trois terroristes, un enseignant, une militante acharnée et un jeune bourgeois déviant, qu'on pourrait facilement
assimiler aux Brigades Rouges. Leur objectif est que le peuple se soulève et se révolte contre le gouvernement. Ils réussissent à tuer le ministre à sa sortie du ministère lors d'une sanglante fusillade. L'un des terroristes est abattu par la police mais les deux autres parviennent tout de même à échapper aux forces de l'ordre. Ils trouvent refuge dans un vieil appartement inoccupé et suivent les évènements qui vont suivre la mort du ministre. Ils vont alors s'affronter. Ont ils encore leur place dans cette vie?
Ecrit avec l'aide de Morando Morandini Jr, Italia: ultimo atto? se veut une vision froide et nihiliste du terrorisme, une sorte de film-documentaire apocalyptique, une virulente critique du régime politique alors en place que Pirri voudrait totalement réaliste tout en délivrant une oeuvre d'exploitation faite également pour satisfaire certains des bas instincts du spectateur, un peu comme Calamo et L'immoralità. Malheureusement, si l'intention est louable, le résultat ne suit pas forcément. Italia: ultimo atto? s'avère trop ennuyeux pour réellement captiver, trop inconsistant pour vraiment convaincre. Pirri signe un film brouillon privé de
rythme qui se révèle vite être un échec tant par sa forme que par son contenu. Ses trois fanatiques ont bien du mal à nous persuader du bien fondé de leurs agissements tant leurs motivations profondes restent à l'état de simple ébauche. Non seulement on ne sait rien de leurs idéaux si ce n'est que chacun d'eux a un objectif et une vision des choses différents mais ils ne sont surtout que des silhouettes, des esquisses de personnages sans épaisseur dans les mains desquels on a mis une mitraillette. Privé de toute dimension, ils n'ont aucun intérêt et on se moque bien de ce qu'ils font ou pourraient faire d'autant plus que
leur objectif est tout aussi confus, jamais très bien développé. C'est donc dans une quasi indifférence qu'on suit les différentes étapes de cet attentat, de sa préparation, la plus longue, à son exécution, la plus courte, n'en retenant que le coté exploitatif, par conséquent quelques séquences et situations aussi scabreuses que malsaines, seul véritable intérêt de cette condamnation du terrorisme et de ses effets collatéraux qui permet au spectateur de tenir éveillé. Il est vrai que Pirri tente de créer une atmosphère un peu particulière en utilisant par exemple des séquences d'agressions, de fusillades propre au polizesco mais aussi
d'émeutes, de violence de rue très réalistes filmées en super 8 qui mettent assez mal à l'aise comme celle notamment qui ouvre le film. On ne se prépare plus bien tapi chez soi mais dans des toilettes publiques crasses aux murs ornés de dessins obscènes qu'on observe et imite à son tour. On retiendra également la scène durant laquelle Bruno se masturbe avec frénésie, sa mitraillette à la main, face à un magazine pornographique, l'agression de Ferruccio par deux motocyclistes hargneux, l'attentat lui même, particulièrement sanglant, filmé à la manière d'un reportage pris sur le vif et le final, inattendu, désespéré qui flirte avec la pure anticipation. Quelques jolis éclats bien sombres qui viennent ça et là rehausser un film trop léthargique. De quoi faire regretter que l'ensemble n'ait pas eu cette poigne.
Italia: ultimo atto? n'est cependant jamais aussi noir et cru qu'il voudrait l'être, les différents éléments le composant étant beaucoup trop dispersés, filmés sans réelle énergie et désamorcés par des dialogues délirants souvent ridicules et une interprétation d'une platitude exaspérante. Rarement avait-on connu Luc Merenda aussi mou et translucide, à l'instar même de ses deux partenaires d'infortune Marcella Michelangeli (Et le vent apporta la violence, Les assoiffées du sexe, Nel piu alto dei cieli) et Andrea Franchetti, un jeune acteur qui ne tourna que pour Pirri, dont la voix pourra en irriter certains. Lou Castel fait quant à lui une apparition extraordinaire dans la peau d'un militant d'extrême gauche tandis que la
pasolinienne Ines Pellegrini irradie l'écran le temps d'une scène plus que brève.
Massimo Pirri a perdu ici une occasion de donner une vision sans concession du terrorisme à l'italienne, de signer un film coup de poing aussi sombre que puant au détriment d'une petit bande sans grand intérêt dont seule la fadeur restera à l'esprit du spectateur. Seuls son coté prophétique et ses quelques pointes d'audace exploitative simili-trash pour lesquelles on aime tant le cinéma de genre transalpin le sauvent du gouffre. Voilà qui est bien dommage.
Il faut tout de même souligner qu'il existe en fait deux versions du film. Le montage présenté sur la seule véritable version vidéo italienne existante à ce jour est bien différent du montage
original aujourd'hui quasi invisible. L'ouverture du film se concentrait essentiellement sur les moments qui suivirent l'attentat et la fuite de Luc Merenda et Marcella Michelangeli à travers la ville jusqu'à la découverte de l'appartement dans lequel ils se réfugient pour y suivre le déroulement des opérations policières. La préparation et l'exécution de l'attentat y sont simplement montrés en rapides flashes-back tandis que dans la version en circulation ceux ci occupent la majeure partie du film. L'éventualité d'une guerre civile, les images de révolte et de soulèvement du peuple suite à la mort du ministre étaient dans le montage original très présents et montrés en flashes-forward. Il n'y en a par contre quasiment aucune trace dans la version courante si ce n'est lors des dix dernières minutes. On peut donc dire qu'il existe deux films différents, deux Italia: ultimo atto? dont un aujourd'hui pratiquement introuvable. Un nouveau Graal pour tout amateur.