Nel piu alto dei cieli
Autres titres: In the highest of skies
Real: Silvano Agosti
Année: 1976
Origine: Italie
Genre: Drame / Fantastique
Durée: 90mn
Acteurs: Livio Barbo, Edy Biagetti, Clara Colosimo, Giogio Bonora, Francesca Romana Coluzzi, Gisella Burinato, Francesca Cacciolati, Francesco Costa, Marcella Michelangeli, Jorge Krimer, Alberto Cracco...
Résumé: Un groupe de 14 personnes se prépare à rendre visite au Pape à qui le saint-Père a accordé une audience spéciale au Vatican. Ils prennent un ascenseur ultra moderne afin d'atteindre la salle papale mais celui ci ne s'arrête plus de monter. Ils atteignent bientôt ce qui semble être le 473ème étage et se retrouvent bientôt bloqués à l'intérieur. Les heures puis les jours passent. Chacun va alors doucement laisser libre cours à ses pulsions les plus bestiales. Ils rétrogradent lentement et deviennent des animaux, des êtres n'ayant plus aucune valeur morale. Ils s'entretuent, se violent, se transforment en cannibales, certains se suicident dans le chaos le plus total. Au milieu du sang, de l'urine, des excréments, de la chaire humaine, Dieu (ou le Diable) fait alors son apparition dans l'ascenseur...
Poète et humaniste, le metteur en scène Silvano Agosti déclarait que chaque être humain est un véritable chef d'oeuvre à explorer à l'infini, ajoutant que ni l'Homme ni la nature n'était mauvais. Etonnant donc est ce film qu'il réalisa en 1976 où il montre à travers un groupe de quatorze individus enfermés un temps indéterminé dans un lieu clos que l'Homme ne peut que régresser et redevenir un véritable animal, oubliant toute valeur morale jusqu'au Chaos absolu. Radicale est sa vision des choses et Nel piu alto dei cieli risque d'en choquer plus d'un. Voilà un film totalement impensable aujourd'hui, un témoignage d'une époque où l'Italie ne reculait devant aucun effet pour bouleverser les choses et heurter les convictions du spectateur notamment sur le plan religieux et politique, les deux étant souvent étroitement liés.
Prendre les appartements papaux comme lieu d'action était déjà en soi osé mais les transformer en véritables chambres à fornication dans lesquelles les pèlerins vont lentement perdre la raison et régresser vers le stade animal était d'une rare audace, une idée d'autant plus hérétique que la moitié des pèlerins sont des ecclésiastiques. C'est pourtant le point e départ du film. Quatorze individus, un prêtre marxiste, un sacerdocien, une institutrice, un syndicaliste, une femme enceinte, une sourde et muette, deux adolescents, un avocat, un journaliste et quelques nonnes se rendent à une audience exceptionnelle avec le saint-Père.
Le rendez-vous doit se tenir dans une des salles papales au Vatican. Ils prennent un ascenseur ultra moderne qui malheureusement ne semble plus vouloir s'arrêter. Selon leur calcul, ils seraient arrivés au 473ème étage et l'ascenseur continue toujours de monter. Bloqués à l'intérieur durant des jours, peut être des semaines, ils ne vont cesser de régresser, de se transformer en monstres dénués de toute valeur morale, l'état animal, les instincts primaires, prenant rapidement le dessus jusqu'au plus indescriptible des chaos. L'ascenseur papal devenu un répugnant charnier va être le théâtre d'actes pédophiles, de cannibalisme et de scatologie, de viols, de meurtres sauvages...
Le thème de la régression humaine dans des circonstances bien particulières n'est pas nouveau. Ce qui est novateur voire inédit est d'avoir voulu l'illustrer cette fois dans un endroit aussi sacré que le palais du Vatican lui même, lieu saint par excellence où bonté, pardon et piété sont les maitres mots. De quoi sont capables des êtres humains enfermés de surcroit en vase clos sous l'emprise de la peur? De bien des choses cela va de soi le plus souvent des plus inattendues selon les individus. En voilà une sulfureuse preuve d'autant plus blasphématrice que nous sommes en milieu saint en présence pour la plupart d'hommes ou de femmes de Dieu. Cet ascenseur représente en fait l'Enfer dans lequel va surgir toute la dégénérescence humaine mais également l'hypocrisie soigneusement dissimulée derrière
un titre, un rang, une profession. Les masques vont très vite tomber et révéler la véritable nature humaine, toutes ses tares dans une succession de scènes toutes plus odieuses et sacrilèges les unes que les autres. Le moins qu'on puisse dire est qu'Agostini n'y va pas avec le dos de la cuiller. Chacun va être confronté à l'autre, à ses idéaux, les problèmes vont rapidement surgir engendrant désordre, désaccord et haine. Il y a le désir de survie au détriment de son prochain, l'angoisse, la peur et la claustrophobie qui mènent à un premier meurtre involontaire. Un premier cadavre au milieu des treize survivants que la folie guette. A partir de cet instant Nel piu alto dei cieli devient assez indescriptible. Agosti va aller
crescendo dans la dépravation et l'horreur la plus totale, égratignant plus particulièrement les ecclésiastiques, peut être parce qu'ils sont à ses yeux les faux, les plus débauchés sous leur soutane. Le sacerdocien va ainsi déflorer l'adolescente, consentante, lors d'un long et très sournois foot-fucking tandis qu'il se masturbe, sous les yeux impassibles de ses partenaires d'infortune avant qu'ils ne réagissent enfin et le ligotent, une scène aux limites de la pédophilie filmée avec complaisance qui risque d'en heurter plus d'un vu son contexte très spécial. Mais l'adolescente modèle n'est certainement pas aussi innocente que sa sage robe blanche voudrait le faire croire puisqu'elle sera la première à uriner face à ses
camarades. A partir de cet instant plus rien ne sera épargné au spectateur même si les images les plus brutales restent suggérées. Il faudra attendre le final, soit les vingt dernières minutes, pour assister à une véritable apocalypse, une vision inoubliable de la dégradation humaine que le cinéaste filme sans détour. Les cadavres s'entassent, l'ascenseur se transforme en un véritable charnier, les survivants agonisant au milieu du sang, des excréments, du sperme et de la putrescence ont recours au cannibalisme, commettent les actes les plus immoraux tant physiques que sexuels. Restera longtemps gravé dans la mémoire du spectateur la scène particulièrement graveleuse du sacerdocien entièrement nu entrain de déféquer et se torcher avec une aube au milieu de l'ascenseur sous les yeux de
l'adolescente hagarde et de la sourde muette entrain d'être sexuellement abusée pour son plus grand plaisir. Il ne restera qu'une seule survivante, la femme enceinte, lorsque l'ascenseur s'arrêtera enfin. Est elle arrivée au Paradis ou est elle en Enfer, quoiqu'il en soit un homme inquiétant tout de blanc vêtu, une figure religieuse, apparaitra au milieu de ce bourbier humain, s'avancera vers elle alors qu'elle implore sa pitié. Est ce Dieu, est ce le Diable? Chacun se fera son opinion puisque Agosti n'apportera aucune réponse. Les ultimes images, peut être un brin décevantes après cette avalanche de tableaux nauséabonds, dérangeants, foudroyants, nous ramènent au début du film. Les portes de l'ascenseur s'ouvrent et laissent sortir les quatorze pèlerins. Toute cette folie n'était qu'imaginaire, un horrible et hypothétique cauchemar. Le petit groupe se prépare alors à être reçu par le Pape.
Nel piu alto dei cieli (littéralement Dans le plus haut des ciels) est un film d'auteur ambitieux très courageux qui tente de dénoncer avec férocité les institutions, l'hypocrisie de l'Homme que méprise Agosti. Il dénonce avec véhémence l'orgueil de ceux qui trop souvent se positionne au dessus des autres de par leur rang ou leurs idées tout simplement parce qu'ils ont décidé qu'il en serait ainsi. L'Eglise, omniprésente dans nos vies, est littéralement massacrée et montrée comme une des institutions les plus fausses qui soit tant et si bien que pour Agosti les plus saints ne sont pas les religieux mais les anticléricaux. Voilà qui est d'autant plus cynique que les actes les plus barbares sont rythmés par les commentaires sacrés d'un des annonceurs de Radio Vatican accompagnés d'une douce musique religieuse diffusés en continu dans les hauts parleurs de l'ascenseur. Ce sont d'ailleurs eux qui forment la majeure partie de la doucereuse bande musicale totalement décalée du film composée par Nicola Piovani. Aussi décalée que la photographie est lumineuse y compris dans les moments les plus apocalyptiques comme si le Paradis était en fait l'Enfer. Dieu est partout, Dieu est parmi nous, il doit donc être également dans ce lieu clos où entre un viol, un meurtre, un suicide et quelques actes sexuels déviants, on se gave d'hosties et boit goulument l'huile sainte et le vin de messe.
Il n'est pas absolument pas question de plaisanter ici, Agosti se veut sérieux, très sérieux même si l'histoire est absolument improbable car prise sous l'angle fantastique. Cela n'apporte t-il pas une part de rêve (ou de cauchemar) à l'ensemble, attisant la curiosité même du spectateur? Certains jugeront aussi que le résultat est plus complaisant et voyeur que réellement approfondi dans son thème. La force des images est peut être tout simplement suffisante ici pour comprendre ce que veut exprimer le cinéaste. Nel piu alti dei cieli se coince sans mal entre le travail de Bunuel, de Arrabal, de Pasolini et de Ferreri même s'il n'en a pas totalement la force. Si la métaphore ne fonctionne pas toujours très bien, ne sont pas ces génies qui veut, il faut cependant reconnaitre que le film de Agosti est une
oeuvre fantastique téméraire, extrême, violente, blasphématrice, nauséabonde, fortement dérangeante encore aujourd'hui. Les plus vertueux risqueront d'être profondément choqués par ce monstrueux doigt accusateur et n'auront très certainement pas l'envie de connaitre la chute de cette incroyable débauche dégénérescente. Lors de sa sortie en Italie, Nel piu alto del cieli connut de graves problèmes avec la censure puisqu'il fut saisi et interdit pour d'une part blasphème, d'autre part pour son coté extrême. Il demeura très longtemps totalement invisible tandis que le nom de Agostini fut par la suite ajouté à la longue liste noire des metteurs en scène jugés indésirables part dame Censure.
Parmi les interprètes on reconnaitra entre autres la titanesque Francesca Romana Coluzzi, la jeune Clara Colosimo et Marcella Michelangeli, tous plus investis les uns que les autres dans leur rôle respectif souvent difficile. Méconnue, oubliée faute d'avoir été éditée si ce n'est par accident sur un vieux support vidéo italien qui devait en fait contenir un autre film du réalisateur, NP il segreto avec Irene Papas, Nel piu alto dei cieli dont on évitera les quelques copies censurées qui circulent ça et là comme on évitera le DVD remanipulé par Agosti lui même dans les années 80 qui retourna digitalement quelques scènes destinées à l'ouverture est un film fascinant non exempt de défaut (on aurait aimé ressentir beaucoup plus l'aspect claustrophobe notamment et passer plus rapidement sur certaines longueurs), qui devrait faire bondir de bonheur tous les hérétiques et amoureux d'un cinéma choc aussi métaphorique qu'intelligent. Comment résister à la vision d'un prêtre entrain de déféquer? Voilà un bel exemple de cinéma scandale italien hautement conseillé par le Maniaco.