Do me evil
Autres titres:
Real: Toby Ross
Année: 1975
Origine: USA
Genre: Drame / X
Durée: 60mn
Acteurs: Mike Daniels, Glenn Parmley, Luke Anthony, Glen Gilman, Kathleen Sherwood, Jesse Hayvenhurst, Stockholminum Africanus, Grasshopper, Hank Alex, Popeye, Malcolm Fennel, Creepus, Phil Simmons, Ray Benston...
Résumé: Rodney et Luke sont frères et partagent un secret. Lorsqu'ils étaient enfants, Rodney, l'ainé, détestait Luke, beaucoup plus introverti et fragile, jaloux de l'attention et de l'amour que leur mère lui apportait. Sa jalousie l'a conduit à humilier verbalement et sexuellement son frère qui est devenu son jouet sexuel. Cette relation incestueuse a perduré à l'adolescence et continue encore aujourd'hui. Tout deux sont dépendants l'un de l'autre. Lorsque Luke se suicide, Rodney se retrouve seul, perdu. Il sombre dans la déchéance. Il commence par se prostituer puis sans argent devient un sans abri errant dans les rues...
Pionnier du film pornographique gay américain, Toby Ross a débuté dans le court-métrage avant de réaliser en 1974 son premier film Not another woman, un hardcore hétérosexuel, avant de définitivement s'orienter vers la pornographie homosexuelle avec Cruisin' 57, l'itinéraire plein de nostalgie d'un adolescent gay en quête de sexe dans les années 50, puis Do me evil dont le titre reflète parfaitement le contenu. Si Ross s'est petit à petit taillé une solide réputation parmi les amateurs d'un certain cinéma gay underground mettant en scène la jeunesse homosexuelle américaine des années 70 ce second film confirme bel et bien l'univers marginal du réalisateur qui ici traite de sujets complexes et surtout difficiles à travers une oeuvre étrange et audacieuse, certainement choquante pour quelques âmes chagrines et retorses.
Rodney et Luke sont frères. Enfants, leur père leur jouait du piano dans le salon en tenue d'Adam tandis que leur mère s'occupait beaucoup plus de Luke, petit garçon introverti et mentalement fragile. Rodney, jaloux de cette attention dont il ne bénéficiait pas s'est lentement mis à détester son frère qu'il maltraitait, humiliait et violentait sexuellement. Puis un jour leur mère est partie, ne leur laissant comme unique souvenir qu'une boite à musique. Devenus adultes, Rodney et Luke sont étrangement liés par ce passé malsain. S'il semble aller beaucoup mieux aujourd'hui, Luke ne peut cependant pas se passer des séances de domination sexuelle de son ainé. Un autre évènement à également profondément marqué Luke. Fasciné, il aimait observer secrètement leur baby-sitter, un jeune homme libre et sensuel, faire l'amour à son petit ami. Luke finit pourtant par se défenestrer. A la mort de son frère, Rodney n'est plus que l'ombre de lui même. Il sombre dans la déchéance, se prostitue, finit dans la rue, sans abri jusqu'au jour où dans une poubelle il retrouve la fameuse boite à musique.
Do me evil fait partie de ces films X qui savaient mêler la simple pornographie à des genres cinématographiques plus spécifiques donnant ainsi de véritables oeuvres plus ou moins développées certes mais toujours efficaces. Plus que de la pornographie on assistait alors à de véritables histoires où le sexe même si omniprésent n'était pas forcément la principale raison d'être du film.
Do me evil n'est jamais qu'une illustration des liens ténus qui souvent unissent la victime et son tortionnaire dans ce cas précis deux frères qui depuis l'enfance ont développé une relation malsaine faite d'amour et de haine engendrée par la jalousie et le sentiment
d'abandon. Rodney n'a en effet jamais supporté que leur mère s'occupe plus de son cadet psychologiquement plus faible. C'est pourquoi il se vengeait sur lui en l'humiliant verbalement et en abusant de lui sexuellement, parfait petit esclave de ses jeux pervers. Rodney ignorait cependant une chose: son frère épiait par le trou de la serrure leur baby-sitter, un séduisant garçon, entrain de faire l'amour à son amant lorsqu'ils étaient seuls au salon. Fasciné par leurs ébats, il prit goût au sexe et par conséquent à être le jouet des instincts pervers de
Rodney. Et le temps a passé, les enfants sont devenus des adolescents puis des adultes, les jeux se sont poursuivis jusqu'au jour où Luke se donne la mort laissant seul Rodney, désemparé, perdu. En se suicidant il a tué une partie de son frère qui sombre alors dans la prostitution. C'est désormais lui qui est l'instrument des ses clients, de vieux vicieux qui s'amusent de sa disponibilité dans des chambres d'hôtel. De la prostitution à la rue, de la rue aux poubelles il n'y a qu'un pas que Rodney franchit vite.
Ross ne prétend pas dresser un portrait psychologique détaillé de ses deux protagonistes. Tout va très vite. C'est par flashes-back filmés de manière originale sous forme d'un écran de télévision qu'on assiste au passé de ces deux frères comme c'est par touches qu'on découvre les tares du milieu dans lequel ils vivent:. Ross n'y va pas avec le dos de la cuiller et accumule les vices: inceste, voyeurisme, humiliation verbale et abus sexuel... auxquels s'ajoutent des éléments plus bizarres: le père joue du piano nu au milieu du salon face à ses enfants, la mère quitte le foyer familial en ne laissant qu'une boite à musique comme seul souvenir d'elle. C'est d'ailleurs cette boite jouant la fameuse Lettre à Elise qui clôturera le film, image d'un passé à jamais révolu.
Le plus dérangeant ici, du moins ce qui risque de faire sourciller les trop bien pensants, est la présence d'enfants dans un film à caractère pornographique. Ils ne sont bien entendu pas impliqués dans les scènes de sexe, ils ne sont présents que lors des flashes-back mais leurs apparitions régulières pourra en faire tiquer certains. Indispensables à la trame narrative du film, cela nous rappelle combien le cinéma des années 70 était permissif et audacieux puisque cela serait aujourd'hui totalement impensable. Do me evil est un film mélancolique, désespéré mais cependant lumineux dans sa première partie du moins.
Jamais crasse ni sordide, il dépeint ces deux personnages, bourreau et victime, comme des êtres complémentaires qui vivent en symbiose, à jamais liés, jusqu'à la disparition tragique de l'un deux. La deuxième partie est plus sombre sans pourtant tomber dans le glauque. Rodney se zombifie, erre dans la rue, se métamorphose au fil des images. Chambres d'hôtels minables, sous sols sinistres, rencontres d'une heure et orgies clandestines, telle est la vie du jeune homme qui finit dépenaillé et sans abri soudainement assailli par un
éclair du passé qui ressurgit. Cela nous vaut une scène assez morbide durant laquelle Rodney massacre à coups de couteau une horrible poupée posée sur la cuvette des toilettes sous les yeux de son frère et de sa mère horrifiée.
Les scènes de sexe, très nombreuses, sont toujours belles, viriles, filmées et photographiées avec soin, les phallus magnifiques en feront rêver plus d'un à l'image même des courbes parfaites des corps juvéniles d'une tout aussi superbe distribution d'éphèbes aux cheveux longs et pattes d'éph', le blond Mike Daniels en tête dans la peau de Rodney.
Même si peu fouillé psychologiquement, Ross est néanmoins parvenu à correctement retracer le dramatique parcours de ces deux frères incestueux grâce à une mise en scène intelligente, démonstrative, imagée et une interprétation convaincante. Do me evil fait partie de ces petits trésors vintage de l'âge d'or du cinéma porno gay américain aujourd'hui oubliés que l'amateur de tragédies tordues et déviantes prendra grand plaisir à découvrir au même titre que ces autres perles de nacre du cinéaste que sont notamment Cruisin' 57, The diary, White trash, Reflections of youth ou encore Schoolmates, véritables voyages au coeur même de l'homosexualité adolescente de cette décennie bénie que furent les années 70.