Tranquille donne di campagna
Autres titres:
Real: Claudio Giorgi
Année: 1980
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 90mn
Acteurs: Silvia Dionisio, Philippe Leroy, Carmen Scarpitta, Christian Borromeo, Rossana Podestà, Germana Savo, Serena Grandi, Silvano Tranquilli, Mario Maranzana, Daniel Gohl, Antonio Serrano, Elisa Mainardi...
Résumé: 1936. Italie du Nord. Guido Maldini , patriarche tyrannique et cruel, administre d'une main de fer le domaine de sa cousine Fioretta, une ex-chanteuse d'opérette. Il fait régner la terreur au sein de sa famille, rabaisse son épouse en la contraignant à des actes sexuels humiliants lorsqu'il ne va pas au bordel local pour y rencontrer des prostituées afin de prouver sa suprême virilité. Exaspéré par cet homme indigne, son fils Alberto, adolescent émotif et puceau, tente de fuir. Il est rattrapé par son père et battu. Alberto trouve un peu de sérénité dans les bras de la bonne puis auprès de sa cousine Gloria venue passer quelques jours au domaine. Ayant découvert que son fils projette de partir à Milan avec elle, Guido la viole sous les yeux de sa famille. Cet ultime acte va sceller le terrible destin de cet homme sadique...
Acteur, scénariste et metteur en scène, on doit à Claudio Giorgi plus connu sous son pseudonyme Claudio De Molinis, une version très italienne de La fièvre du samedi soir, La febbre americana avec Mircha Carven et Zora Kerowa dont c'était le premier film en Italie, une sexy comédie insipide et tardive avec Lilli Carati, C'è un fantasmo nel mio letto, et une dramatique érotique mielleuse et surtout ratée malgré un scénario sexuellement audacieux, Candido erotico, avec une Lili Carati pervertie et un Mircha Carven en prostitué impuissant. Tranquille donne di campagna est très certainement son film le plus abouti et surtout le plus intéressant tant au niveau de l'histoire que de l'interprétation.
Nous sommes en 1936 quelque part dans les campagnes de Padanie. Alors que l'Italie vit à l'heure de la lente montée du fascisme, Guido Maldini régit d'une main de fer les terres de sa cousine Floriana, une ex-chanteuse d'opérette aujourd'hui déchue. Véritable tyran sadique, implacable et pervers Guido fait régner la peur au domaine. Il oblige son épouse Anna à des actes sexuels humiliants et terrorise ses enfants, Elisa et plus particulièrement Alberto, un garçon sensible qu'il déteste même s'il a pour lui de grandes ambitions professionnelles. Ne supportant plus cet homme qu'il hait le garçon a tenté de l'abattre, Alberto considéré désormais par ce père indigne comme malade tente en vain de fuir le domaine.
Abject, Guido a mis au point un terrible rituel particulièrement humiliant pour son épouse. Tous les quinze jours, il se rend au bordel local pour se payer des prostituées et par la même en faire profiter son fils qu'il voudrait enfin voir devenir un homme. En plein éveil sexuel, l'adolescent encore vierge oublie ses déboires auprès de la bonne et se console dans les bras de sa tante avec qui il entretient une relation trouble jusqu'à l'arrivée de Gloria, sa jeune cousine qui lui fera quelque peu oublier cette vie de plus en plus insupportable. Lorsque Guido découvre que son fils veut fuir avec elle à Milan, il viole Gloria sous les propres yeux d'Alberto afin de lui prouver sa virilité. Par cet acte ignoble, le patriarche va irrémédiablement mettre le feu aux poudres. Sa famille, écoeurée, est cette fois bel et bien déterminée à mettre un terme à sa tyrannie même s'il faut pour cela le tuer.
N'ayant pas bénéficié d'un énorme budget, Giorgi n'a guère pu représenter au mieux cette Italie des années 30 encore moins approfondir le contexte socio-politique d'alors. La montée du fascisme et les premières rumeurs d'une guerre sont uniquement évoqués dans les journaux et à travers quelques brèves discussions. Giorgi plante donc son unique décor dans la campagne de Padanie, à Tivoli, plus exactement un domaine auquel on a donné un air d'époque. Rudimentaire certes mais efficace puisque cela fonctionne. Si on pourrait croire que derrière ce titre égrillard se cache une comédie érotique rurale de plus, il n'en est cependant rien. Nous sommes définitivement face à un drame familial sur fond de guerre
naissante agrémenté d'une bonne dose d'érotisme plutôt pimenté. Tranquille donne di campagna n'est qu'une nouvelle peinture d'une certaine bourgeoisie dépravée, déliquescente incarnée par ce patriarche despote, violent, obsédé par sa virilité qui administre la propriété de sa cousine de manière tyrannique tout en rabaissant les femmes qui l'entourent, son épouse la première.
Si on retrouve les personnages récurrents aux comédies légères, la femme soumise, la bonne peu farouche, la tante acerbe au glorieux passé, l'innocente cousine et le fils puceau qui attend impatiemment le jour où une jouvencelle le déniaisera, les deux principaux protagonistes du film demeurent cependant ce père odieux et son fils autour desquels toute
l'histoire repose. Et c'est bel et bien leur relation qui donne au film tout son intérêt. Une fois l'arrière-plan politique gommé Tranquille donne di campagna est avant tout le portrait d'un homme rigide, réactionnaire, pervers, cruel, incestueux et fasciste, un véritable patriarche dans ce que le terme a de plus brutal tel qu'il pouvait encore en exister dans le monde rural de ces sombres années, un homme si détestable que tous aimeraient le voir mort. Face à lui se dresse son fils, un adolescent parfaite anti-thèse de son père, un garçon doux et charmeur, à des centaines d'années lumière de cette virilité si prisée du vieil homme. Si le pays tremble à l'idée d'une éventuelle guerre, c'en est une autre qui semble avoir éclaté entre
le père et le fils, brutalisé et humilié pour d'une part ne pas être l'homme que le père voudrait qu'il soit d'autre part pour avoir osé vouloir s'enfuir du domaine. S'il trouve un peu de réconfort blotti contre la poitrine de sa tante, c'est avant tout à travers ses jeux érotiques avec la bonne puis avec sa belle cousine qu'Alberto parvient à garder une sérénité salvatrice, à contenir cette haine qu'il nourrit envers son père. L'érotisme est donc très présent tout au long du film, un érotisme souvent osé qui avoisine par moment une certaine forme de cinéma d'exploitation. On gardera notamment en tête la scène où Alberto caresse le sexe de la bonne avec un brin de paille, Giorgi insistant sur l'intimité de la jeune fille grimpée sur une
échelle, Les agressions sexuelles sous les yeux le plus souvent du fils ou en présence de la famille sont souvent odieuses tandis que les quelques fellations ou masturbations sont toutes suggérées. On gardera à l'esprit la scène où Alberto, contraint par son père de se faire masturber par une vieille catin lui vomit sur le visage, le coeur au bord des lèvres, avant de s'enfuir, écoeuré d'être ainsi violé dans son intimité. Les amateurs de nudité seront donc déçus puisque le metteur en scène reste fort pudique et se contente ici de quelques poitrines dénudées et ces gros plans sur le sexe de la servante. Précisons qu'il existerait une version plus salace agrémentée d'inserts hardcore tournés par des doublures.
La grande force du film outre son érotisme est la magistrale composition des acteurs plus particulièrement celle du toujours très professionnel Philippe Leroy, impressionnant dans la peau de ce patriarche ignominieux face à une incisive Carmen Scarpitta. Plutôt étonnant est l'angélique Christian Borromeo qui incarne Alberto. S'il s'est trop souvent fourvoyé dans de petits films érotiques ou d'exploitation, Christian qui aujourd'hui renie l'intégralité de son passé cinématographique, sans être un immense acteur, n'en possède pas moins un certain talent qu'il laissa exploser au travers d'oeuvres telles que le morbide et très beau Quella strana voglia d'amare, Moeurs cachés de la bourgeoisie et Tranquille donne di campagna.
Il y campe un Alberto tout en justesse, adolescent coquin et émotif exaspéré par cet homme qu'il déteste et voudrait tuer même s'il reste en lui une part d'amour qui s'envolera définitivement en fin de bande. A leurs cotés on aura le plaisir de retrouver une Rossana Podesta plus en retrait, soumise et résignée en épouse bafouée, le charme de Silvia Dionisio dont on retiendra le viol et une Serena Grandi dont c'était la toute première apparition à l'écran, méconnaissable, impudique et désinhibée, dans le rôle de la bonne. On regrettera surtout que Giorgi n'ait pas réussi à mettre en place une véritable atmosphère qu'on aurait aimé lourde, nauséabonde, à l'image même de son protagoniste central ni à créer une réelle tension. L'ensemble pourra donc paraitre un peu lisse parfois maladroit. Giorgi veut choquer sans vraiment choquer. Il est un peu difficile dans ces conditions de
réellement s'attacher aux personnages, les aimer ou les détester. Voila qui est dommage dans un film dont l'amour et la haine sont les principales composantes.
Nonobstant ses défauts auxquels s'ajoutent une certaine lenteur et un manque de suspens, il est facile de deviner l'impitoyable conclusion de ce drame aussi cynique mais logique soit elle, Tranquille donne di campagna, rythmé par une belle partition musicale de Nico Fidenco, est un joli drame érotique en costumes qui parvient néanmoins à retenir toute l'attention du spectateur par la violence du récit, le jeu sans faille de comédiens investis et ses cotés malgré tout attachants... sans oublier la beauté candide de Christian Borromeo.