Comincerà tutto un mattino: Io donna tu donna
Autres titres:
Real: Angelo Pannaccio
Année: 1978
Origine: Italie
Genre: Thriller érotique / Drame
Durée: 69mn (version soft) / 92mn (uncut)
Acteurs: Anka Auling, William Berger, Mark Bodin, Alex Damiani, Sergio Jossa, Saverio Marconi, Giancarlo Marinangeli, Cristina Paladino, Danielle Palmieri, Ines Pellegrini, Elisabeth Tulin...
Résumé: Négligée par son mari, Nadia se réfugie dans les bras d'un jeune photographe et metteur en scène de films érotiques. Mais le bellâtre ne pense qu'au sexe. De plus en plus frustrée sur le plan émotif, Nadia se tourne alors vers sa meilleure amie, la superbe modèle Nicole, avec qui elle entame une relation saphique. Nadia fera ainsi payer à son amant son égoïsme. A travers cette vengeance, elle exorcise aussi sa haine des hommes...
Spécialisé dans l'érotisme bâtard, Angelo Pannaccio, réalisateur brouillon à qui on doit notamment deux classiques de l'exploitation, Il sesso della strega / Les anges pervers et Bacchanales infernales, tente en 1978 une timide incursion dans le film érotique auteurisant avec ce drame aujourd'hui quasi invisible, tristement oublié de tous.
Comincera tutto un mattino: io donna tu donna met en scène deux jeunes femmes, deux féministes convaincues qui chacune à leur façon déteste la gent masculine. Nadia est mariée à un homme qui la néglige. Elle se réfugie donc dans les bras de Tano, un jeune réalisateur de films érotiques. Malheureusement le cinéaste ne voit en elle qu'un simple amusement sexuel. Dépitée, sentimentalement frustrée, elle entame une relation amoureuse avec sa meilleure amie Nicole, une magnifique modèle, elle aussi fortement remontée contre les hommes. Non seulement son petit ami veut garder sa liberté et refuse de s'engager avec elle mais elle fut aussi témoin du meurtre d'une jeune fille assassinée par son fiancé, un fait divers qui provoque la colère des ligues féministes. Nadia et Nicole vont alors vivre diverses expériences sexuelles ensemble, tentant ainsi de trouver le véritable amour, la vérité unique, la communion parfaite avant que Nadia ne se venge de son bel amant après une longue nuit d'amour qu'il paiera de sa vie à l'aube d'un matin triste et mélancolique.
Si le titre est ainsi suffisamment explicite, il n'en va pas de même pour ce petit film étrange qui ne brille guère par sa cohérence. En tentant de mettre sur pied un récit ambitieux hautement philosophique qu'il ne maitrise pas vraiment, Pannaccio s'égare et s'embrouille dans un scénario parfois confus et pompeux. Il semblerait en effet qu'il ait confondu philosophie et complexité. Rien n'est jamais très clair ici pas même les explications finales qui restent assez ambigües. Faut il y voir une forme de suprématie de la femme sur l'homme, le triomphe du lesbianisme, la libération des sentiments par la mort qui au final n'apporte que solitude et désespoir? Ce dont on est certain c'est que tout commencera un
matin pour les deux héroïnes comme l'annonce le titre. On sent qu'il aimerait faire simple, il
n'y parvient pas, on sent l'intention, voilà qui est fort louable, mais Pannaccio n'a pas les épaules assez larges pour supporter une telle histoire. Il enrobe donc, complique et obscurcit la trame narrative pour lui donner un coté intellectuelle mais si l'amateur pourra accrocher, il risque plus d'ennuyer le spectateur lambda que de vraiment le passionner. C'est d'autant plus regrettable que Tutto comincera un mattino: io donna tu donna est loin d'être un mauvais film. Il en émane un charme certain grâce notamment à une très belle photographie, une jolie partition musicale et de magnifiques décors naturels, plus précisément ceux de Calabre.
Tutto comincera un mattino fait parfois penser à ces sexy thrillers maritimes alors en vogue en Italie dés la fin des années 60. On y retrouve en effet ces romances interdites et leurs lots de trahisons et de complots sur fond de soleil estival et de Méditerranée, ces amours lesbiennes entre femmes sournoises aussi libérées que déçues, cet érotisme sensuel et pervers qui donne à l'ensemble son piment sans oublier l'inévitable meurtre. Pannaccio parvient à créerpar instant une agréable atmosphère aussi érotique que vénéneuse qui flirte par instant avec un certain onirisme. Le repas et la longue scène d'amour sur le requiem de Mozart, la mort de Tano sur la plage, les flamboyants couchers de soleil ou les nuits bleutées sur lesquelles se découpent la silhouettes des deux femmes, les prières de Nadia lors du dramatique final alors que la mer se déchaine... sont autant de moments fascinants. Mais trop superficiel, l'ensemble n'est malheureusement jamais aussi malsain qu'il pourrait, devrait l'être tant il manque au récit cette force, cette tension dramatique. Il est donc un peu difficile de prendre en pitié, de haïr ou aimer, de ressentir de quelconques sentiments pour ces deux femmes en quête de pureté et d'amour véritable.
On saluera également une interprétation plutôt juste de la part d'une jolie brochettes d'actrices et d'acteurs, avec en tête la superbe et élégante Elisabeth Tulin (Holocaust 2), l'actrice fétiche du réalisateur dont le charme androgyne devrait en étourdir plus d'un et la blonde Anka Auling, deux comédiennes dont la carrière fut malheureusement plus que brève. La pasolinienne Ines Pellegrini ne fait quant à elle qu'une très brève apparition en endossant la peau de Eva, la jeune fille qu'on retrouve assassinée lors de la scène d'ouverture. A leurs cotés on aura le plaisir d'admirer la superbe plastique de quatre jeunes acteurs qui rivalisent de beauté: le regard de braise de Saverio Marconi qui fait une une apparition éclair, l'ex-prince du roman-photo Mark Bodin (Anthropophagous, Le monstre attaque), dans le rôle de Tano, Alex Damiani et le jeune Giancarlo Marinangeli découvert en 1974 dans Il saprofita / Le profiteur, ici délicatement dépucelé par Elisabeth Tulin lors d'une
longue promenade à cheval le long de la plage. Tous trois se reconvertiront par la suite dans la chanson à succès en Italie.
Comincera tutto un mattino: io donna tu donna aurait pu être un film audacieux, il l'est peut être quant aux scènes osées mais l'ensemble reste d'une tiédeur un brin décevante. En l'état le film de Pannaccio est une petite curiosité érotico-solaire par instant fascinante, étrange, visuellement très belle, une oeuvre mélancolique séduisante qui avec beaucoup plus de professionnalisme et d'approfondissements aurait pu devenir un petit chef d'oeuvre.
Difficilement visionnable désormais, l'amateur devra tristement se contenter d'une rarissime édition vidéo italienne de piètre qualité honteusement et très maladroitement amputée d'une bonne vingtaine de minutes soit la quasi totalité des scènes érotiques et autres plans de nu. Ainsi cisaillé, le film en devient encore plus obscur et bon nombre de séquences en sont alors totalement incompréhensibles.