Le giallo 2ème partie: Des années 80 à nos jours
Après avoir atteint son apogée au début des années 70, le giallo allait alors entamer une lente période de déclin avant de connaitre ses ultimes soubresauts entre 1977 et 1979 avec une poignée d'oeuvres de bien piètre mémoire qui tentaient en vain de maintenir en vie un genre qui n'en finissait plus de rendre son dernier souffle. Sans même tenter de redorer son blason ou de lui apporter un peu de sang neuf mais en l'agrémentant d'une surdose d'érotisme afin de faire oublier la vacuité de l'ensemble, les réalisateurs se contentèrent simplement d'appliquer une recette rongée jusqu'à l'os.
Le giallo allait pourtant connaitre un certain revival dés 1980 principalement sous l'égide d'un de ses principaux investigateurs, Dario Argento, mais également Lucio Fulci suivi de Lamberto Bava. Sans jamais atteindre ni la grandeur ni la folie d'autrefois, ces oeuvres n'en sont pas pour autant à négliger puisque d'une part elles s'ancrent parfaitement dans leur époque, d'autre part elles méritent toute l'attention de l'amateur quelques soient leurs défauts. C'est de celles ci que nous allons donc traiter dans la deuxième partie de notre grand dossier Giallo.
LE GIALLO AUJOURD'HUI:
Si le giallo fut au sommet de sa gloire entre 72 et 73, son déclin s'amorça alors lentement et commença à péricliter en 75. Le genre continua pourtant à exister à travers quelques oeuvres qui même si elles n'avaient plus l'éclat du passé n'en étaient pour autant inintéressantes, du moins pour certaines, même si ces dernières se faisaient avouons le assez rares. La plupart de la production était anodine voire sans guère d'intérêt.
Nous ne reviendrons pas sur Giallo a Venezia et La sorella di Ursula dont nous avons déjà parlé dans la section consacrée aux sexy gialli, respectivement sortis en 77 et, mais arrêtons un moment sur Il mostro / Criminalia de Luigi Zampa, un ennuyeux giallo bien trop bavard dont le seul intérêt est la découverte de l'identité de l'assassin lors des ultimes minutes. Avec sa réalisation mollassonne dénuée de tout suspens, ses acteurs viciblement peu concernés, Il mostro s'oublie aussitôt que le mot Fin apparait. Restent au crédit du film le choc final assez pertinent et la présence de la toujours jolie Sydne Rome.
En 1978, Alberto Negrin réalise Enigma rosso qui devait en fait clore la trilogie commencée par Massimo Dallamano avec Mais qu'avez vous fait à Solange et La lame infernale. Malheureusement le cinéaste décédera avant d'avoir pu tourner ce troisième chapitre. C'est Negrin qui reprit donc les rênes. Enigma rossa réutilise le thème de l'école de jeunes filles où se cache un mystérieux tueur, épiant inlassablement les jeunes étudiantes. Negrin utilise les bases argentesques avec notamment cet oeil dilaté effrayant qui observe continuellement, surveille les étudiantes. C'est avec acharnement qu'il décime ses victimes avec une violence plutôt étonnante même si Negrin opte le plus souvent cette fois pour une caméra suggestive lors des meurtres. Plus que sur les effets sanglants,il préfère s'attarder beaucoup plus à décrire la tranquillité des lieux, l'apparent calme de ce collège, à souligner la psyché des personnages tous insoupçonnables qui derrière le masque de la sérénité et de la sagesse cachent non seulement les pires perversions mais également le vice et la corruption. Se crée ainsi un climat morbide, rempli de secrets inavouables qui lentement, mis bout à bout, apporteront la terrible lumière sur les motivations du tueur dont on étouffera l'identité puisqu'il touche à ce qu'il y a de plus innocent au monde, une enfant qui tue afin de punir les amies de sa soeur assassinée. Intéressant giallo mené par Fabio Testi, Enigma rosso, saupoudré de dialogues crus, rappelle par bien des aspects les deux gialli de Dallamano dont il reprend la morale finale mais il est pour sa part plus enclin que Dallamano à filmer la nudité de ses adolescentes qu'il fait participer à de sordides orgies.
Antonio Bido nous proposa en cette fin d'années 70 deux gialli plutôt intéressants, l gatto dagli occhi di giada et Solamente nero respectivement tournés en 77 et 78. Il gatto dagli occhi di giada avec son titre emprunté à Argento pourrait être vu comme une sorte de montage-remontage de Profondo rosso y compris dans l'identité de son tueur. Si on pourra dénombrer quelques scènes rappelant le film de Argento dont le meurtre d'une femme le visage plongé dans de l'huile bouillante, Bido va tenter de mettre en oeuvre toute une série de schéma narratifs originaux. Ainsi chaque meurtre est commis sur une musique particulièrement obsédante à la fois mélancolique et lugubre afin de mieux symboliser les motivations du tueur. Bido joue avec cette partition pour également conditionner le spectateur et mieux le faire rentrer dans son univers mais surtout lui faire ressentir cette terreur. La musique devient un élément essentiel au mécanisme de la peur et du suspens. On retrouve ce travail sur le son pour la voix du meurtrier, pas une voix déformée cette fois mais un hurlement strident, assourdissant. Cela crée un climat particulier, bizarre, aidé par le lieu de l'histoire, un petit bourg où tout le monde connait tout sur tout le monde mais où personne ne parle, préférant cacher soigneusement les affres du passé. De là nait le malaise, la peur devient presque palpable, oppressante. Les passages se déroulant dans ce bourg sont certainement les plus aboutis du film, ce malaise si tangible se mêlant à la tristesse des lieux, climat sublimé par la scène où le héros tente de tirer des informations d'une vieille femme à l'agonie, incapable de parler jusqu'au moment où une douce musique comme venue du passé se fait entendre, faisant naitre en elle un dernier sursaut de vie, tentative désespérée de fuir l'appel de la mort. Bido transforme quelque peu les données gialliques en leur donnant une dimension métaphysique, sorte de labyrinthe inextricable, un peu comme ce bourg énigmatique et crépusculaire presque surréaliste, où se cache la clé du mystère qui mènera au final qu'on aurait aimé un peu plus cathartique et réjouissant.
Solamente nero connu chez nous les titres Ombres sanguinaires et Terreur sur la lagune se rapproche des gialli de Argento auxquels il fait référence tout en y intégrant des éléments empruntés notamment à La maison aux fenêtres qui rient de Pupi Avati, l'ambiance provinciale, le prêtre, et Non si sevizia un paperino de Fulci pour son final sur lequel plane également l'ombre de Psychose de Hitchcock, Bido se permettant même un caméo dans le rôle d'un géomètre. Hormis son titre qui se veut l'antagonisme de Profondo rosso, le coté alambiqué de son scénario et le tableau comme pièce centrale de l'énigme à l'instar de L'oiseau au plumage de cristal, Solamente nero s'inspire de Argento pour parvenir à créer un véritable suspens, une atmosphère de peur et d'angoisse tout en focalisant toute son attention sur le réalisme des personnages. Délaissant le coté sanglant des meurtres, Bido se concentre principalement sur la personnalité respective de ses protagonistes ainsi que sur la tension qui précède chaque crime. L'angoisse est quant à elle renforcée non seulement par la très jolie et obsédante partition musicale signée Stelvio Cipriani qui rappelle les Goblins mais également par l'aspect étrange, embrumé et totalement imprécis des décors d'une Venise grise qu'une photographie plutôt fade rend encore plus mystérieuse. Les deux principaux héros semblent ainsi perdus au milieu de nulle part, dans un lieu où on croit encore à la magie, où la religion est omniprésente. Solamente nero met en scène toute une galerie de personnages aussi ambigus que tortueux, tous détenteurs de secrets ou abonnés au vice, du prêtre mystique dont la mort rappellera celle de Marc Porel dans Non si sevizia un paperino au professeur homosexuel et pédophile. Le héros lui même cache au plus profond de sa conscience ses tares les plus inavouables. A la différence de Il gatto dagli occhi di giada, tous les protagonistes contribuent à leur façon à alimenter la folie du tueur. Ils sont à leur façon impliqués dans cette série de crimes dont le plus marquant restera celui qui sert de séquence pré-générique, le viol filmé au ralenti d'une petite fille dans une prairie dont il ne restera que la poupée décapitée gisant sur le sol après que l'assassin ait commis son abominable acte. On peut regretter le coté homophobe sous-jacent du film. Une fois de plus l'homosexualité est considérée comme une aliénation dangereuse doublée cette fois d'une tendance à la pédophilie à laquelle on l'assimile malheureusement. Derrière le faste et le raffinement de l'homosexuel se cache forcément un être malade qui doit être châtié. Il finira donc empalé par une lance comme victime d'une justice divine. Malgré ses qualités évidentes, rien ne vient pourtant sortir Solamente nero d'une certaine routine. Bido signe en fin de compte un giallo traditionnel en usant avec un certain bonheur des grosses ficelles du genre. Il ne fait que suivre une trame déjà mille fois vue pimentée de rebondissements sur lesquels il trébuche. Certains points de l'intrigue demeurent parfois assez flous et ne trouvent guère de réponse au fil de l'histoire. On aura le plaisir de retrouver Lino Capolicchio dans la peau du principal héros aux cotés de Massimo Serato dans la défroque du vieux professeur homosexuel et Stefania Casini qui interprète la belle journaliste investigatrice et nous gratifie de quelques plans de nu intégral. Nonobstant ses défauts, Solamente nero est un giallo de fin de course discret, honnête, sans véritable surprise pour l'amateur qui bien que inférieur à Il gatto dagli occhi di giada se laisse voir sans déplaisir.
Filipo Walter Ratti réalise Vizi morbosi di una governante / Vices morbides d'une gouvernante en 1977. Cet étrange hybride entre le film d'horreur gothique, le thriller et le giallo si cher au cinéma italien. L'influence gothique se retrouve ici surtout dans le décor, un vieux château et ses secrets familiaux, ses ornements parfois effrayants, ses longs corridors et son mystérieux souterrain. Le décor planté, on fait connaissance avec tous les protagonistes réunis en ces lieux, personnages tous plus dégénérés ou anormaux les uns que les autres, chacun ayant ses propres tares et secrets, portant en eux les germes du vice et de la méchanceté. Le principal défaut du film est qu'on sent que Ratti ne sait pas vraiment quelle orientation prendre, quel genre il aimerait privilégier. Il donne naissance à un curieux film bâtard dont il jette malheureusement trop vite les cartes, n'entretenant guère de suspens. L'identité du ou des tueurs est donc tout aussi évidente que 1+1=2, la découverte finale ne sera donc guère une surprise. Mais passé ces défauts, I vizi morbosi di una governante dégage un charme certain parvenant même à surprendre le temps de quelques séquences. D'une part, par la brutalité des meurtres très ancrés dans la tradition giallique. L'assassin ganté et muni d'un couteau tue de sang froid, nous gratifiant de quelques plans gore très réussis dont une poitrine transpercée, une gorge tranchée et surtout ces traditionnelles mais toujours aussi horribles énucléations, le meurtrier s'emparant des globes oculaires de ses victimes qu'il garde dans un sachet. Outre ces meurtres cruels, le point le plus intéressant du film reste sa galerie étonnante de personnages tous plus pervers les uns que les autres. Ratti semble prendre un malin plaisir à étaler les tares familiales et le vice. Il y a le vieux baron paralytique, engoncé dans sa chaise roulante et sujet aux crises cardiaques, sa fille Ileana de retour au château avec un groupe d'amis et qui se laisse aller à des jeux saphiques impudiques avec sa meilleure amie, le Docteur Olsen qui épie, surveille et enfin ces deux étranges gouvernants Hans et Berta. Mais le personnage pivot de l'histoire est le jeune Leandro, fils du baron, qui jadis eut une relation incestueuse avec sa mère. La nuit où il la surpris avec le jardinier, il les tua tous deux. Aujourd'hui adolescent, il est forcé à vivre reclus dans une chambre au fond du souterrain dans laquelle il passe son temps à embaumer des animaux et vénérer les yeux de sa mère qu'il a arraché de la dépouille mortelle et garde secrètement dans un autel. Muet, il vit sous le joug autoritaire de Hans, de son oncle Rolf et de la gouvernante qui se donne à lui pour satisfaire ses besoins sexuels. Plutôt mou dans sa réalisation, lent dans son développement et assez avare niveau érotisme, I Vizi morbosi di una governante dont il émane un charme évident se rattrape par son esthétisme, un grand soin ayant été apporté à la photographie et aux décors très bien mis en valeur. A la croisée de différents courants, ce film s'il ne parvient jamais à réellement passionner et surtout être crédible n'en demeure pas moins une curiosité qui se laisse voir sans déplaisir aucun. On aurait aimer juste qu'il soit à la hauteur des personnages qu'il dépeint et de leur univers où se mêlent des zestes d'inceste, de morbidité, de nécrophilie, de vices et de complots.
Francesco Barilli après un étonnant Il profumo della signora in nero réalisa un étrange et fort morbide giallo en 1978 Pensione paura avec Luc Merenda et Leonora Fani. Pensione paura est un giallo atmosphérique, étrange et envoûtant, sordide et morbide, un film schizophrène à l'univers claustrophobe et névrosé, jonché de personnages aussi bizarres qu'inquiétants. Il se rapproche des univers glauques de Pupi Avati et y inclut des éléments empruntés à Argento (les jeux d'ombres et de lumières dans l'immense pension inquiétante) et à Fellini pour ses personnages monstrueux et dépravés. Le film joue beaucoup sur ces jeux d'ombres et de lumières. Barilli projette ces ombres sur les murs des couloirs décrépis alors que les tons rouges viennent jeter un peu de chaleur sur la pension. Tout le film est basé sur ce principe. Barilli fait lentement monter la tension, très lentement jusqu'à l'explosion de folie en dernière partie. Construit en deux parties, le film distille dès le début un parfum vénéneux, une aura de mort tant au sens propre qu'aux personnages, dépeint les lieux avec précision, la caméra léchant chaque détail. Situé durant la deuxième guerre mondiale, cette ambiance à couper au couteau où luxure et folie se mêlent est amplifiée par le bruit des bombes et avions au loin. Le malaise, la peur est autant à l'extérieur qu'à l'intérieur de l'hôtel. Gigantesque bâtisse grise tombant en ruine aux murs décrépis et sales, symbole de décadence et de pourriture/dégénérescence à l'image des pensionnaires, La pension des Sirènes s'étalent sur plusieurs étages comptant un nombre impressionnant de recoins, de chambres aux lits infestés de cafards, d'escaliers se perdant au coeur de la nuit comme pour mener aux Enfers, de sous-sols et pièces putrides, délabrées. Les clients sont à l'image du lieu, personnages remplis de secrets, vivant coupés du monde, macérant dans ce microcosme comme hors du temps et de la réalité, tous plus dépravés les uns que les autres. Leurs comportements va de pair: du vieillard ricanant prenant des bains dans d'immondes baignoires remplies d'eau croupissante au milieu d'une salle d'eau putrescente à Rodolfo, le Dom Juan pervers marié à une femme acariâtre et obsédé par l'innocence de Rosa. Rosa et sa mère sont tout aussi étranges. La mère cache un amant interdit dans une des chambres, témoin muet de la folie qui s'empare de l'hôtel tandis que Rosa, adolescente perturbée mais qui incarne l'innocence et la pureté dans cet univers de perversions attend le retour de son père parti à la guerre. Tout va tourner autour de cet élément. L'obsession de Rosa pour ce père absent, seule image masculine qu'elle connait et surtout accepte jusqu'à vivre à travers lui. A la mort de sa mère, accidentelle ou non- Rosa n'aurait elle pas tué sa mère pour détruire toute image féminine au détriment de l'image paternelle- l'adolescente va se retrouver seule à la tête de la pension, proie des locataires, proie de sa propre folie. Dans la seconde moitié du film Barilli fait exploser toute cette violence et folie dans un climat de plus en plus oppressant et sordide. Sauvagement violée par Rodolfo devant sa femme complice, Rosa vit désormais dans la terreur, guettant fiévreusement le retour de son père qui clame t-elle la vengera. Mais une ombre coiffée d'un chapeau et affublée d'un imperméable erre la nuit dans l'auberge silencieuse et va tuer Rodolfo, offrant au film une de ses séquences les plus violentes. Après avoir découvert le corps, l'adolescente, suffocante, va traverser les dédales de couloirs en trainant le corps ensanglanté qui n'en finit pas de mourir, allant de pièces noires en escaliers interminables comme si elle l'emmenait aux Enfers avant de le jeter dans une baignoire remplie de boue immonde où surnagent déjà d'autres cadavres. Rosa n'aura jamais aussi bien incarné la terreur pure, la Peur, réellement impressionnante. Les évènements vont se précipiter et le film prend alors des allures quasi-irréelles. Rosa se retrouve jeter au milieu d'une orgie surréaliste entre tous les pensionnaires comme devenus fous, vieillards et bourgeois décadents voulant la violer dans un baquet d'eau lorsque survient un inconnu qui les massacrera tous. Le mystérieux Messie avoue alors être un ami du père de Rosa et lui annonce sa mort, ce que Rosa ne peut croire. Entre l'amour qu'elle semble éprouver pour cet individu surgi de nulle part et sa folie obsessionnelle et schyzophrène, elle le tue après lui avoir révélé son terrible secret et celui de la pension, réponse à toutes les énigmes du film qui se clôture sur la vision de Rosa s'enfermant à clé dans l'hôtel. Ces terribles images ne sont que le reflet symbolique de son irrémédiable folie, Rosa attendant d'autres pensionnaires et son bien aimé père. Sombre, sale, glauque, oppressant, morbide, Pensione Paura est un magnifique giallo atmosphèrique et psychologique que pourtant le réalisateur déteste et dont il n'aime guère parler. Barilli y symbolise parfaitement la névrose d'une adolescente perturbée, le centre du film tournant autour des problèmes psychiques de Rosa dont l'esprit est à l'image des méandres et dédales de cette pension, véritable labyrinthe mental aussi délabré que le lieu lui même comme si Rosa ne faisait qu'une avec cet hôtel. Chaque élément, chaque personnage se réfèrent aux troubles mentaux et sexuels de la jeune fille, obsédée par l'image de son père absent jusqu'à se substituer à lui. Mais a t-il un jour seulement existé? Lorgnant parfois vers Psychose, Pensione Paura distille du début à la fin un climat étouffant et claustrophobe où Barilli alterne les véritables peurs et la vraie violence avec les peurs plus irréelles et fantasmagoriques des personnages et de Rosa.
En 1978, Flavio Mogherini réalise La ragazza dal pigiama giallo qui tente lui de transposer une intrigue giallique sur le sol australien. Le film part de la découverte du cadavre d'une jeune femme horriblement carbonisée sur une plage. Seul indice: le pyjama jaune qu'elle porte. Tout le film est un long flash back sur les évènements qui ont conduit à cette horrible fin. La ragazza dal pigiama giallo est donc avant tout une longue enquête menée en savants flashes back. Mogherini s'attache aux détails, aux personnalités et même s'il ne se passe rien durant les 105 minutes du métrage, il n'en est pas moins intéressant si on aime un tant soit peu ce genre de cinéma-enquête qui par instant recèle de fascinants moments aussi macabres qu'oniriques. Ray Milland y promène sa débonnaire corpulence aux cotés de Dalila Di Lazzaro à la fois étonnante et bouleversante dans ce rôle tragique, un de ses meilleurs si ce n'est le meilleur à l'écran, Michele Placido et Mel Ferrer. Et reconnaissons aussi à cette Fille en pyjama jaune l'image d'un des cadavres carbonisés les plus impressionnants du cinéma.
En 1979, Sergio Corbucci nous invite à Naples pour Giallo napoletano / Mélodie meurtrière en compagnie d'Ornella Muti et Marcello Mastroianni. Délicieux petit mélange de Hitchcock et ses faux coupables et de comédie italienne à la Toto, Giallo napoletano tente avec succès de mélanger une intrigue policière et la comédie en dénonçant une fois de plus le vice et la corruption dans la société napolitaine. Le rire provient de ses personnages tous plus irrésistibles les uns que les autres et du pauvre Marcello Mastroianni, balloté comme un fétu de paille entre tous ces cadavres qui s'amoncellent autour de lui, dépassé par les évènements qui se passent. On ne cherchera pas une explication rationnelle puisque le final est totalement abracadabrant. Cela nous est égal car ici les explications ne sont pas importantes, Corbucci n'ayant aucune prétention réaliste. Les meurtres confèrent au film une aura baroque du meilleur aloi. Giallo napoletano n'est pas sans défaut mais ceux ci semblent bien peu comparés aux trouvailles dont Corbucci truffe son film. S'il est parfois un peu lourd dans son comique comme lors du travestissement de Mastroianni on reste cependant indulgent. Corbucci s'en donne à coeur de joie afin de dénoncer les travers de la société et de son climat ambiant d'alors.
DES ANNEES 80 A NOS JOURS:
Les années 80 s'ouvrirent avec Riccardo Freda qui réapparut justement en 1980 avec Murder obsession / Follia omicida qui vit le retour du célèbre réalisateur dans le monde de l'horreur et de l'angoisse. Murder obsession renoue en effet avec ces atmosphères qui caractérisèrent jadis des oeuvres telles que L'effroyable secret du Pr Hitchcock et Le spectre du Pr Hitchcock, typique des films gothiques italiens de la fin des années 60 et du début des années 70. Ici, l'aspect gothique est revu dans un cadre giallique aux réminiscences fantastiques et horrifiques. On retrouve un lieu clos d'où il est impossible de s'échapper, une villa habitée par des personnages tous symboliques et voués à être tués. Freda met en exergue la terrible culpabilité qui nous habite, celle qui plus ou moins consciemment motive nos actes à laquelle s'ajoutent les fantômes du passé, personnifications d'un mal absolu. Il en résulte un climat étrange et morbide, d'autant plus inquiétant que Freda tisse une étrange relation mère-fils quasi aveugle, comme dominée par de terribles forces occultes. En fait, Murder obsession se concentre essentiellement sur la personnalité totalement faussée de ces deux personnages-clé. Comme dans la plupart des thrillers italiens, la motivation du tueur est l'amour, un amour fou, quasi obsessionnel, ici celui d'un fils qui n'a qu'une idée, ne jamais être séparé de sa mère, éliminant tout ceux qui pourraient empêcher leur réunion. Freda se laisse aller à une certaine violence dans les meurtres mais sans jamais en aucun cas effleurer le splatter movies. On notera même une certaine désinvolture dans sa façon de filmer ses morts.
Si Freda n'oublie pas de donner à ses personnages une dimension psychologique et utilise tous les éléments du thriller traditionnel, il donne également à son film une dimension horrifique comme lors de la séquence où Debora est face à son persécuteur, véritable cauchemar à vocation onirique empreinte d'une aura satanique. L'onirisme fait bel et bien partie de Murder obsession et se retrouve également au détour de quelques scènes, mélangeant réalité et rêve. Au bout du compte Freda réussit à insérer le doute dans l'esprit du spectateur. Tout cela est il vrai ou tout n'est il qu'un cauchemar? Notre propre réalité n'est elle pas le mal elle même, réalité où se tapit le vice, se cachent toutes les perversions humaines. Le Mal existe et tout cela pourrait donc réellement arriver. Freda, fidèle à lui même, donne comme d'accoutumée à son final une aura pessimiste et tragique en réunissant certes la mère et son fils mais en les emprisonnant dans leurs propres rêves. Bercé par des musiques de Liszt et de Bach, Murder obsession fut le chant du cygne de Freda ainsi que celui de la belle Anita Strindberg qu'on retrouve aux cotés de Silvia Dionisio, Laura Gemser et John Richardson.
En 1982, Sergio Martino revient au genre avec L'assassinio al cimitero etrusco / Crimes au cimetière étrusque. Il faut savoir que ce film est un condensé de 97 minutes de la série télévisée éponyme sorti alors pour l'exploitation en salles. Si au départ ce condensé nuit beaucoup au film, il a surtout tous les défauts inhérents aux séries télévisées, sa mollesse d'une part et d'autre part ses retournements de situations téléphonés et prévisibles.
Sergio Martino est ici à cent lieues des gialli qu'il signa jadis. Crimes au cimetière étrusque souffre beaucoup de sa réalisation paresseuse et guère inspirée. Martino tente maladroitement de marier le thriller et le cinéma d'horreur mais l'ensemble tourne vite court et bien souvent on se retrouve perdu dans cette histoire de légendes étrusques qui ne tire jamais avantage de ses décors naturels dont l'indispensable grotte, lieu toujours aussi idéal pour entretenir le mystère et s'y faire dérouler d'atroces morts. Martino semble faire de nombreux clins d'oeil au cinéma d'horreur italien notamment au Masque du démon avec cette histoire de réincarnation psychique de l'héroïne mais sans jamais retrouver ce petit coté pervers qu'avait le genre et ces oeuvres.
Inutile d'ajouter que le suspens et la tension sont absents et que d'avoir condensé la série en un film nuit beaucoup aux personnages dont beaucoup se retrouvent totalement inutiles ici, déambulant sans intérêt aucun. Crimes au cimetière étrusque dont la partition musicale est signée Fabio Frizzi et le scénario Dardano Sarchetti et Ernesto Gastaldi peu inspirés cette fois, se laisse voir surtout pour son étonnant casting réunissant Paolo Malco, Claudio Cassinelli, John Saxon, Antonio De Teffé, Jacques Stany, Franco Garofalo et le vétéran Van Johnson fort mal utilisé ici. Ils sont entourés d'ex- sexy stars ou starlettes dont Sonia Viviani, Marilu Tolo, Angela Doria et la regrettée Elvire Audray bien peu charismatique interprète Joan semblant totalement indifférente aux événements.
Malgré quelques efforts et la présence de certains éléments empruntés à Fulci, Assassinio al cimitero etrusco tombe à l'eau et s'avère être d'un ennui total.
Dario Argento revient à ses premières amours en 1981 avec Ténèbres et en 1987 avec Opera / L'opéra de la terreur. En regardant de prés Ténèbres, le film de Argento est en quelque sorte un condensé du thriller italien en général. On sent ici le déjà vu, tout nous y apparait familier mais de façon voulue de la part de Argento. On retrouve l'assassin au rasoir et sa panoplie noire, les deux lesbiennes tuées pour leurs déviances, la maison où la Mort donne rendez-vous, le regard dilaté du tueur et les flashes-back inquiétants et révélateurs, la voix déformée au téléphone et bien entendu une police impuissante. Outre quelques clins d'oeil à Psychose notamment lors du premier meurtre et les massacres des victimes se passant en pleine lumière, on trouve dans Ténèbres quelques éléments innovateurs comme la mort d'Anthony Franciosa lors du final qui semble être un hommage à La baie sanglante.
Ténèbres pourrait donc être vu comme un hommage au travail de Bava qu'on devine sur le titre de travail du film qui était Sotto gli occhi dell'assassino, renvoi à Sei donne per l'assassino. L'intérêt du film provient donc cette fois de cette accumulation de styles du giallo, sorte d'immense condensé-hommage des thrillers italiens des années 70. Après sept ans d'abandon du genre, Argento le retrouve donc et avec ces sept années de retrait, il retrouve par la force des choses un monde qui a changé, un monde dépersonnalisé, plus froid, plus aliénant. C'est celui du yuppisme, de l'arrivisme. De ces changements provient également ce changement de ton dans les meurtres. Aux ambiances gothiques et décadentes font place des villas ultra modernes aux blancheurs immaculées. Mais la folie et la mort pénètrent aussi bien ces lieux hyper modernisés que les vieilles maisons d'antan et Argento se complait cette fois à maculer par des jets de sang ces étendues blanches. Ténèbres est certainement l'un des gialli les plus sanglants que le réalisateur ait commis. C'est quasiment un film autobiographique, l'écrivain du film n'étant jamais qu'une projection de Argento lui même. C'est donc la main du réalisateur elle même qui tue. Ce sont là les meurtres les plus sanglants du film, les autres le sont beaucoup moins, perpétrés par la main de ce qu'on appellera "la critique" notamment les premiers meurtres et à l'exception de la mort violente de Lara Wendel. C'est d'ailleurs Lamberto Bava qui filma ses meurtres, Lamberto qui était l'assistant d'Argento sur le film. Lorsque Argento reprend la main, il redevient maître du film, et par la même occasion se remet dans la peau de l'assassin, on retrouve ce déluge de violence typiquement argentesque. Ténèbres est donc intéressant à ce niveau de lecture. C'est une sorte de confession, une sorte de preuve d'amour pour un type de cinéma bien défini, un condensé d'un genre dont il fut avec Bava l'un des maîtres-inventeur.
Six ans plus tard, il met donc en scène Opera, lancé en Italie pour un budget considérable alors, mais qui restera inédit en salles chez nous malgré son passage au festival d'Avoriaz. C'est donc dans un théâtre où se joue Lady McBeth qu'Argento situe ce nouveau giallo alors qu'un mystérieux assassin décime la troupe avant de s'en prendre à la jeune vedette. C'est dans un décor flamboyant que le réalisateur reprend les grandes bases de ce qui fit jadis son succès: tueur à l'arme blanche dont la folie éclate au son de Verdi, violence des meurtres, étourdissants plans dont ces trombes d'eau sous laquelle court une jeune fille, incendie et surtout ces corbeaux lâchés dans la salle, témoins des actes du meurtrier; corbeaux oiseaux symboles de mort qui ici sont justement témoins de qu'ils symbolisent de façon si macabres. Cette fois, la camera est à l'image de ces oiseaux, elle tournoie, virevolte, s'envole, créant un mouvement de folie assez impressionnant. Et cette fois, la folie après l'avoir si souvent personnifiée, Argento décide de la visualiser, de plonger à sa source, le cerveau même du tueur. Il nous offre alors une vision délirante de son cerveau, se fixant sur la veine battante du psychopathe conduisant à la naissance même du mal, une tumeur.
Si Opera n'est guère sanglant, Argento déploie quelques séquences sadiques comme il nous y avait habitué jadis dont ces aiguilles plantées dans les paupières de l'héroïne, Cristina Marsillac, ou la visualisation de la balle tuant Daria Nicolodi. Malheureusement, Opera souffre d'un manque de cohésion et de cette accumulation d'effets qui au bout d'un moment perdent de leur efficacité. Argento semble cette fois en manque d'inspiration. L'opéra de la terreur même s'il se laisse regarder ne fonctionne qu'à moitié, son final raté et totalement absurde ne relevant pas le niveau de l'ensemble.
Dario Argento reviendra au genre avec Non ho sonno / Le sang des innocents en 2001 et Il cartaio / The cardplayer en 2004 mais il faut reconnaitre que le brio n'est plus là et que ces retours sont plus que décevant.
Si on retrouve dans Non ho sonno une certaine prédilection pour l'horreur graphique et le sadisme notamment lors de la séquence d'ouverture dans le train et celle où une une victime se fait briser les dents, le film se traine en longueur alternant de longs passages bavards avec les scènes de meurtres, d'où un rythme fort inégal qui amoindrit voire détruit une bonne part de sa force. L'enquête poussive d'un Max Von Sydow peu dynamique n'arrange guère ce manque d'énergie. On regrettera également le final où Argento semble cette fois s'être aller à la mode du Teen splatter movies puisqu'on songe quelque peu à Scream. Sans être mauvais, Non ho sonno s'éloigne de ce que le réalisateur sut nous offrir bien des années plus tôt et ce n'est qu'au détour que de rares séquences qu'on retrouve la maestria de ses oeuvres passées dont la sublime séquence d'ouverture où il filme la peur comme il sut bien le faire jadis, renouant avec ce coté claustrophobe, ces lieux publics qui soudain se transforme en un piège inextricable où la victime est plus seule que jamais face à une mort certaine, face à cette personnification du Mal comme le genre nous en offrit tant jadis.
Il cartaio quant à lui amplifie encore plus les défauts de Non ho sonno. Ce sera d'ailleurs deux cuisants échecs pour Argento en Italie. Il cartaio malgré un scenario intéressant prend vite des allures de téléfilm quasiment dénué de tout suspens et truffé d'incohérences scénaristiques. Si par instant au détour de quelques séquences ou plan, on retrouve une fois encore un certain éclat passé qui parvient à faire illusion, une certaine griffe du maitre, la majeure partie de Il cartaio souffre beaucoup trop de son manque d'énergie et de traitement ainsi que de dialogues parfois ridicules et de personnages inconsistants ou stupides sans parler d'un final hautement décevant et attendu. On retiendra par contre la belle prestation de Stefana Rocca qui s'évertue à donner un peu de relief à l'ensemble et s'en tire avec brio. C'est d'un oeil à demi-clos que le spectateur suivra cette partie de poker meurtrière menée via un ordinateur par le tueur.
Quatrième et tardive incursion dans l'univers du giallo pour Lucio Fulci qui après Perversion story, Le venin de la peur et Non si sevizia un paperino réalise en 1982 le très décrié Lo squartatore di New York / L'éventreur de New York avant de s'atteler à Murderock.
L'éventreur de New York est sans nul doute avec Non si sevizia un paperino avec qui il partage quelques points communs dont la figure du fameux "canard" un des thrillers les plus développés, les plus terrifiants et surtout le plus sombre du réalisateur qui crée pour les besoins du scénario le personnage du "canard-tueur" mû par de terribles et douloureuses motivations. C'est donc dans la ville de New York, ville maudite, décadente, où se cachent la dépravation et les pires perversions et vices que Fulci situe l'action. Violence, sexe et pornographie sont partout, au détour de chaque rue. L'érotisme n'a ici rien de séduisant, il est à l'image des personnages, maladif parfois très osé (la scène de bondage et du foot-fucking, le show porno à l'issu duquel une strip-teaseuse se fera tuer, un tesson de bouteille enfoncé dans le vagin). Il n'est par contre jamais gratuit cette fois puisqu'il s'inscrit parfaitement dans le cadre de l'histoire. Tous les protagonistes sont ici des personnages ambigus en proie aux dépravations les plus diverses, gigolo, maniaques sexuels, sadomasochistes, prostituées, drogués, nymphomanes, homosexuels et pervers... qui semble t-il assouvissent leurs pulsions les plus viles, les plus primaires cachés derrière une apparente normalité. Et ce n'est là que le moyen qu'utilise Fulci pour illustrer la face cachée d'une Amérique puritaine. Parmi tous ces dépravés se trouve l'assassin qui ne tue cependant que les femmes qu'ils considèrent trop belles pour qu'elles puissent vivre. En les assassinant, il tue ainsi leur beauté, la supprime.
On retiendra également de L'éventreur de New York ses nombreuses scènes d'horreur, ses meurtres sauvages et le plus souvent complaisants qui le rapprochent beaucoup du slasher voire du psycho killer urbain. Ceux ci atteignent leur point culminant lors de la séquence dans le cinéma où on découvrira subrepticement le visage de l'assassin comme autrefois dans Le venin de la peur. Si Fulci parvient à créer une sorte de long rêve particulièrement macabre, à donner au film l'impression d'être un long cauchemar d'une violence inouïe, le plus intéressant dans ce nouveau triller est finalement l'étrange relation qui unit le psychopathe avec sa petite fille alitée sur un lit d'hôpital. Il lui téléphone régulièrement pour lui raconter des histoires qui ne sont jamais que la transposition minutieuses des horribles meurtres qu'il commet. L'ultime séquence du film est un véritable tour de force où explose toute l'amertume de Fulci alors que la petite fille éclate en sanglots au téléphone désormais muet puisque le tueur-canard est mort. "S'il te plait, répond moi. Papa, je suis ton petit canard. Ne m'abandonne pas." murmure t-elle mais elle n'a que le silence comme réponse alors que la caméra s'envole par delà les gratte-ciels et les rues de cette ville barbare et inhumaine.
Si on retrouve dans L'éventreur de New York tous les éléments inhérents au giallo à savoir la folie, la douleur d'évènements passés, la voix déformée au téléphone, les meurtres commis à l'arme blanche, l'intrigue et l'enquête qui déboucheront sur ce douloureux final, Fulci les transpose dans le contexte moderne d'une ville crasse, déprimante, baignant dans la débauche qui épouse parfaitement le sujet et se prête merveilleusement bien à l'histoire. Ou quand le giallo se mêle à l'univers de Lustig! Malheureusement on pourra reprocher au film son intrigue alambiquée. Fulci semble vouloir faire compliqué et se perd quelque peu dans les méandres d'une intrigue pas toujours très claire ou cohérente qui tente de camoufler l'identité du tueur qu'on aura tôt fait d'identifier malgré la tentative trop évidente de focaliser l'attention du spectateur sur un faux coupable.
On regrettera également une interprétation un peu trop faible voire inconsistante qui fait quelque peu perdre au film de sa force et de sa crédibilité. Malgré tout on appréciera une superbe affiche composée de quelques grands noms du cinéma transalpin Howard Ross en tête dans la peau d'un pervers sexuel amputé de deux doigts. A ses cotés Jack Hedley campe un magnifique inspecteur de police aussi désillusionné que désespéré, parfait reflet de cette société sombre que le cinéaste tente d'imager. Le jeune Andrea Occhipinti est un peu trop fade malheureusement dans la peau de l'assassin, parvenant mal par instant à parfaitement jouer sur les différentes facettes de son personnage. Paolo Malco est quant à lui un psychologue homosexuel obsédé par les échecs. Comment ne pas mentionner les présences de Alessandra Delli Colli, bourgeoise perverse et nymphomane, adepte du foot-fucking, à qui on doit les scènes érotiques les plus glauques du film, de Zora Kerowa, strip-teaseuse qui finira pénétrée par un tesson de bouteille, de Cinzia De Ponti et de , Antonella Interlenghi dissimulée sous le pseudonyme de Almanta Suska.
L'éventreur de New York rythmé par une partition musicale signée Stelvio Massi qui cette fois ne fit pas l'unanimité est très certainement le dernier vrai bon film que réalisa le Maestro, une oeuvre sombre, désespérée, cruelle, radicale certes pas toujours à la hauteur des thèmes qu'elle veut traiter mais qui reste un des meilleurs gialli d'une période où le genre était depuis longtemps moribond. Le film fut malheureusement un échec commercial causant d'importantes pertes financières à la maison de production qu'elle ne réussira pas à combler. Elle entrainera Fulci avec elle, le lent du déclin du Maitre commença alors.
Signalons que le film subit jadis les foudres de la censure dont il souffrit particulièrement jusqu'à purement et simplement être banni en Angleterre, rejoignant ainsi la liste des video-nasties à la grande colère de Fulci.
En 1986, Fulci signe Murderock, ultime retour à un genre moribond s'avère assez décevant tant il semble peu inspiré. Murderock se contente d'aligner tous les éléments du genre sans grande ingéniosité. On y retrouve une école de danse, des jeunes modèles assassinées par une silhouette tout de noir vêtue rodant dans les couloirs, un imbroglio de fausses pistes mal agencées avec leur twist final. Fulci applique la recette sans jamais faire preuve d'une quelconque imagination ni renouveler le genre. On est loin des visions macabres et de l'onirisme de sa trilogie des zombis tout comme on ne reconnait quasiment plus la griffe du maître si ce n'est lors de trop rares séquences comme celle du cauchemar où Olga Karlatos, toute drapée de voile blanc est poursuivie par le tueur armé d'une énorme épingle à chapeau.
Hormis cela, Fulci se contente de distiller un tout petit suspens, d'un classicisme à toute épreuve. Les victimes sont tuées dans le clignotement des lumières qui s'éteignent et s'allument créant un tout aussi petit effet de style. Murderock est d'une sobriété exemplaire quant à la violence et le gore, tout juste une épingle à chapeau perforant un épiderme. Sans jamais être vraiment mauvais juste d'une banalité décevante, le film de Fulci n'est pas exempt de certaines qualités. La photographie comme d'habitude est assez soignée, les séquences de suspens sont gentiment traitées et parviennent à fonctionner, agrémentées de quelques artifices décoratifs.
Cela masque donc l'indigence du tout et la banalité du propos. On regrettera surtout certains défauts comme cette abominable et insupportable bande son disco signée Keith Emerson et les interminables séquences de danse, particulièrement laides, la mollesse de l'enquête et le peu d'intérêt que les acteurs semblent donner à leurs personnages. On regrettera aussi la révélation finale quelque peu tirée par les cheveux et l'amoncellement de fausses pistes parfois d'une totale absurdité- l'assistante se prenant pour l'assassin- uniquement faites pour retarder un peu plus une intrigue plus que faible qui s'essouffle très vite.
Malgré ses défauts et si le Maestro est loin de ses oeuvres passées, Murderock se laisse regarder distraitement mais n'est pas non plus la catastrophe que certains voient. On y a le plaisir en outre d'y revoir les yeux de diamant de Olga Karlatos que Fulci ne cesse de mettre en valeur lors de ces gros plans sur son regard dont il a le secret, Ray Lovelock__, Cosino Cinieri, Claudio Cassinelli et Christian Borromeo__.
En 1982, Cesare Canevari accouche d'un Delitto carnale de bien triste mémoire dont nous avons déjà parlé dans la première partie de ce dossier lorsque nous avons traité le sexy giallo Nous ne reviendrons donc pas ici sur cet érotico-giallo de bien mauvaise mémoire dont il existe une version hardcore intitulée La pantera bionda afin de mettre en avant Moana Pozzi.
Lamberto Bava nous offrit quant à lui La casa dalla scala nel buio / La maison de la terreur, premier pas du réalisateur dans ce domaine. Avec ce film, Bava Jr nous livre un giallo des plus classiques qui se rapproche du giallo horrifique de par ses meurtres hyper sanglants dont on retiendra surtout celui se déroulant dans la salle de bains, d'un stupéfiant sadisme. Pour le reste Bava applique soigneusement la recette du genre. On y retrouve le lieu isolé, une villa au passé tortueux, où se retranche le héros afin de pouvoir y composer la musique d'un film, les meurtres perpétrés à l'arme blanche, la folie homicide du tueur ganté de noir qui ici trouve racine dans un traumatisme d'enfance et l'enquête par le héros qui découvrira l'identité de l'assassin grâce au film sur lequel il travaille, un schéma déjà vu moult fois. Bava tente également de distiller un petit climat de terreur parfois étouffant qui parfois fonctionne même si le plus souvent il s'effondre assez vite, faute à une interprétation peu convaincante et une mise en scène pas toujours à la hauteur alourdie comme trop souvent chez Bava par d'interminables dialogues.
Si on excepte quelques scènes particulièrement efficaces notamment celle du meurtre dans la salle de bains et la brillante ouverture qui ramène aux peurs les plus profondes de l'enfance avec ce petit garçon terrifié par la balle qui rebondit sur cet escalier sans fin qui semble descendre aux Enfers, La maison de la terreur manque singulièrement de force. On suit donc avec un certain intérêt cette histoire où Bava reprend tous les grands thèmes du genre y compris le travestissement du tueur mais le traitement du film aurait mérité beaucoup plus de poigne. Influencé par Ténèbres sur lequel il fut assistant-réalisateur il semble lui voler son esthétisme, cette luxueuse villa aux murs blancs sur lesquels tranche le noir des gants du tueur. Le film possède également ce petit second degré qui sera par la suite une des griffes du cinéaste. La maison de la terreur est en fin de compte un petit giallo inégal, esthétiquement très beau, contenant de belles scènes au sadisme raffiné mais qui pourtant n'atteint pas ses promesses, laissant un petit goût d'amertume chez le spectateur.
Six ans après La maison de la terreur, Lamberto retrouve donc en 1985 le giallo horrifique avec Morirai a mezzanotte / Midnight horror. Il s'agit en fait d'un des nombreux téléfilms que Lamberto réalisa dés le milieu des années 80.
Midnight horror sous un scénario signé Dardano Sacchetti tente à l'instar de son gaiallo suivant, Delirium, de renouer avec le genre jadis glorifié par Mario Bava.
Partant d'un scénario fort intéressant même si un peu anémique- un psychopathe mort brûlé jadis semble être revenu d'outre tombe pour faire de nouvelles victimes autour de l'inspecteur chargé de l'enquête- le film se saborde assez vite jusqu'à l'invraisemblable dénouement lorsque sera révélée l'identité du tueur. Pourtant, Midnight horror étonne par ses qualités visuelles, véritable point fort du film. Lamberto Bava a un sens de l'esthétique et de la photographie indéniable. A l'opposé de son père qui privilégiait souvent les tons chauds, Bava Jr aime les tons froids. Il privilégie ainsi dans ses décors les bleus et les blancs donnant au film un coté glacial comme il le fera également pour Delirium. On songe par instant à Ténèbres de Dario Argento avec ses pièces blanches maculées de sang lors de meurtres brutaux. Le film par instant devient même trichromatique comme lors de la scène de la plage où n'existent plus que le bleu, le gris et le blanc ce qui apporte une touche quasi surréaliste que renforce ce brouillard épais d'où le meurtrier peut surgir à tout instant.
Autre qualité du film, ses décors qui dans un certain sens rappellent là encore Argento, ces immenses espaces où se perdent les victimes: un musée, un opéra vide, un gigantesque hôtel fermé pour cause de hors saison ou une boutique de lingerie. Peut on y voir un clin d'oeil à l'atelier de couture de Six femmes pour l'assassin?
La caméra se ballade, voltige, les cadrages réussis parviennent à créer l'effet peur et on se surprend même à sursauter par instant. On sent chez Bava Jr l'intention de bien faire, la volonté de réussir et faire revivre un genre moribond en redorant son blason et le faire briller de son éclat passé.
Troisième atout de Midnight horror, ses meurtres tous pratiqués au pic à glace étonnamment violents et gore pour un téléfilm. On retiendra surtout l'assassinat de la jeune fille sous la douche particulièrement brutal qui restera un des grands moments du film.
Malheureusement à ses qualités s'ajoutent de nombreux défauts. Outre l'improbabilité du scénario, Bava accumule invraisemblances et incohérences afin de mieux brouiller les pistes et épaissir le mystère de cette énigme que tente de résoudre un inspecteur mou de façon tout aussi molle. Certes l'identité du tueur surprendra non pas parce qu'elle sera totalement inattendue mais surtout par son ridicule tant cela paraitra là encore bien impossible. Les invraisemblances que le spectateur aura pris soin de noter se voient soudainement multipliées. A force de vouloir surprendre, Lamberto Bava finit par décevoir et gâche le film par cet absurde retournement de situation.
Pour le reste, il a recours a tous les éléments du giallo traditionnel: tueur tout de noir vêtu, arme blanche brillant dans la nuit, héroïnes traquées dans des endroits déserts, caméra subjective, travelling à la Argento soulignés par une tonitruante partition musicale signée Claudio Simonetti.
On regrettera une interprétation trop peu dynamique. Paolo Malco est un flic poussif qui traine sa pipe et son imper sans grande conviction aux cotés de Valeria D'Obici qui déblatère quelques thèses pseudo-psychanalytiques bien peu convaincantes et surtout très creuses. Seule Lara Wendel donne un peu de vie à son personnage et fait ce qu'elle peut pour sembler effrayer. Petite curiosité, celle de retrouver trop brièvement dans le rôle de Nicola Leonardo Treviglio qui jadis fut un surprenant Sebastiane dans le film éponyme de Derek Jarman.
Sans avoir fait revivre un genre alors défunt ni égaler ses maîtres, Morirai a mezzanotte est loin d'être un aussi mauvais film que les détracteurs de Lamberto Bava peuvent l'affirmer. Malgré ses regrettables invraisemblances et son final grotesque, Midnight horror demeure un thriller horrifique plutôt honnête et distrayant qui brille par ses qualités visuelles comme brille le pic à glace du coupable dans l'obscurité.
En 1987, il met en scène Le foto di gioia / Delirium qu'aurait du mettre en scène Dario Argento. Ce nouveau giallo ne réveillera sans doute pas un genre alors moribond mais il n'en demeure pas moins une oeuvre intéressante. Les producteurs voulaient au départ que le film soit un mélange novateur d'horreur et de sexe reposant sur une base de giallo d'où le choix de Serena Grandi dans le rôle de la protagoniste principale. Serena jouissait alors d'une très forte réputation dans le domaine de l'érotisme suite au succès de Miranda et Monella de Tinto Brass. Si sa présence était donc indispensable aux yeux des producteurs le scénario quant à lui plut beaucoup à Lamberto qui avait carte blanche pour y insérer ses propres idées. Ainsi naquit Le foto di gioia dans lequel l'amateur remarquera les nombreuses références dont le film est truffé.
On retrouve en effet le milieu de la mode que Mario Bava en son temps sut jadis si bien utilisé. L'atelier de couture devient cette fois un studio de jeunes modèles qui peut aussi renvoyer à Nude per l'assassino de Andrea Bianchi. Bava fait également référence à Fenêtre sur cour de Hitchcock lorsque le jeune paralytique observe à la lunette sa voisine, l'ensemble rythmé par une partition musicale empruntée à Bloody bird.
Mais ce qui définit avant tout le film c'est son érotisme souvent osé et particulièrement froid à l'image de ses très beaux décors admirablement bien mis en valeur par une superbe photographie. Cette magnifique villa en marbre blanc immaculé toute décorée de verre et de cristal fait irrésistiblement penser à Ténèbres sur lequel Bava fut d'ailleurs assistant directeur. A la transparence du cristal et la blancheur des lieux s'ajoute le bleu de l'eau qui achève de donner au film un coté résolument glacé épousant à la perfection un érotisme de luxe d'où émerge entre autres la séquence où Marco promène un bâton lumineux sous la nuisette de l'héroïne avant de la violer avec l'objet phallique. Peut être est ce là un probable clin d'oeil à une époque où l'Italie se permettait encore mille audaces.
Quant au personnage du tueur il rassemble une fois de plus toutes les caractéristiques propre au genre: voix déformée, vêtements noirs et arme blanche. Mû par une folie homicide, une haine féroce, son motus operandi est cette fois l'inceste. Il se complait également à photographier ses victimes puis envoie les macabres clichés à la malheureuse héroïne.
Si la violence des meurtres somme toute fort peu nombreux est assez étonnante pour l'époque, on retiendra tout principalement le premier. Tandis qu'il peut des cordes, une jeune modèle est éventrée à coups de pelle. Son corps se découpe alors sur le bleu glacé du décor. L'héroïne, terrorisée, témoin de l'assassinat, se précipite à son secours, la pluie laissant deviner ses pulpeuses formes sous sa nuisette blanche détrempée lorsque la caméra s'envole de manière étourdissante comme pour mieux la laisser seule face à sa terreur. Il est bien dommage que de telles prouesses visuelles ne se reproduisent plus par la suite.
Malheureusement, Le foto di gioia n'est pas exempt de défauts. Si on tentera d'oublier un scénario convenu et assez faible, des dialogues souvent risibles, on regrettera plus spécialement une mise en scène inégale, par instant maladroite qui s'amuse à perdre le spectateur dans un imbroglio de fausses pistes absurdes afin de dissimuler l'identité de son tueur le plus longtemps possible. Bava ajoute à cela un zeste d'homosexualité et de saphisme bien inutile cette fois tandis qu'il oublie de mener l'enquête. Le personnage du commissaire, crucial dans un genre tel que le giallo, devient vite aléatoire et ne fait finalement que acte de présence.
Le plus regrettable demeure ce final peu crédible qui tente de nous faire découvrir un amour incestueux particulièrement mal amené et surtout totalement improbable. Voilà qui achève de faire s'effondrer un scénario déjà bien bancal dés le départ.
On appréciera par contre les formes généreuses et non pas la récitation plus que médiocre de Serena Grandi qu'on aurait aimé plus impliquée dans son personnage. Serena dont les piètres talents d'actrice n'étaient plus à démontrer souhaitait à cette époque se débarrasser de cette image sexy qu'on lui avait collé. Elle avait ainsi refusé d'apparaitre nue et de jouer certaines scènes trop érotiques. Bava dut donc suivre les exigences de la star au détriment du scénario.
La présence de Sabrina Salerno plus connue sous son unique prénom en tant que future reine surpulmonée du Top 50, donna au film une petite réputation en France même si elle est trop vite assassinée dans sa salle par un essaim d'abeilles judicieusement caché par l'assassin. Qu'on se rassure, Bava aura tout de même pris le temps de la déshabiller avant qu'elle ne meurt.
Exalté par sa magnifique photographie très années 80, Le foto di gioia tout plaisant soit il à visionner n'en fait pas moins oublier ses trop nombreux défauts. On aurait aimé un peu plus de nerf et surtout de crédibilité à cette histoire d'où surgissent quelques bonnes idées qu'on prendra comme une sorte d'hommage au genre. Sans être entièrement raté ni jamais réellement ennuyeux le film de Bava reste une oeuvre anecdotique parmi ce genre qui jadis brilla de mille feux.
Lamberto Bava réalise en 1992 Body puzzle également connu sous le titre Misteria avec lequel il tente avec plus ou moins de succès de faire renaitre le genre tout en suivant les traces de ses derniers opus à savoir Delirium, La maison de la terreur et Midnight horror.
Sur une idée de départ plutôt originale, Bava ne nous offre malheureusement guère mieux qu’un téléfilm de bonne facture. En alliant les bases du giallo à celles du splatter movie alors en vogue depuis quelques années, il signe un honnête thriller horrifique qui prêche surtout par ses incohérences et son scénario décousu qui essaie tant bien que mal de perdre le spectateur sur de nombreuses fausses pistes jusqu'au coup de théâtre final aussi sanglant que peu convaincant. Cette dispersion et cet entêtement à accumuler les non sens scénaristiques nuisent beaucoup à la crédibilité de l'histoire alors que Bava semble vouloir opter pour un thriller à la Argento en lui empruntant le dédoublement de personnalité dont souffre son meurtrier dont on découvrira ici le visage dés les premières images, véritable incartade au traditionnel whodunit auquel Bava rend cependant hommage par le biais de nombreux clins d'oeil.
Peu original, souvent invraisemblable, Body puzzle dont l'action se situe dans les quartiers résidentiels de Rome sent le déjà vu d'autant plus que le manque de conviction de Bava et le coté prévisible des diverses situations font tomber à l'eau une bonne partie du suspens. Mais avant de rejeter la faute entièrement sur Bava, il faut savoir que le réalisateur rencontra que gros problèmes de désaccord avec les producteurs durant tout le tournage tant et si bien que le scénario et l'ambiance en pâtirent. Bava quitta le plateau à peine les derniers tours de manivelle donnés.
Il faut pourtant reconnaitre à Body puzzle ses qualités. Avec peu de moyens, Bava a tout de même réussi à concocter un honnête petit thriller certes guère palpitant mais cependant jamais ennuyant, ponctué de meurtres parfois sadiques même s'ils sont peu nombreux et, chose peu commune dans le genre, tous commis en plein jour. On retiendra quelques très bons moments également parfois audacieux comme notamment l'assassinat de l'institutrice dans la salle de classe face à des enfants non-voyants ou l'impressionnant assassinat dans la piscine.
Joliment photographié, bénéficiant d'une distribution internationale plutôt agréable, Body puzzle est un retour aux sources louable qu'on visionnera avec un certain intérêt. Après sa longue série de téléfilms plus ou moins réussis, Bava fait honneur au genre avec ce Body puzzle qui sans être un chef d'oeuvre parvient cependant sans mal à capter l'attention du spectateur. Ce sera son ultime film pour le grand écran.
Il nous faut également citer Sotto il vestito niente de Carlo Vanzina réalisé en 1985, un giallo qui se déroule à Milan dans le milieu de la mode, de la haute couture dans lequel sévit un tueur psychopathe qui s'attaque à de jeunes modèle en les tuant à coups de ciseaux. Un détective venu d'Amérique dont la soeur est mannequin à Milan mène l'enquête mais très vite il s'aperçoit que sa soeur a disparu. L'assassin est à ses trousses. Plutôt convaincant et bien mené le film connaitra une suite, Sotto il vestito niente 2, bien moins trépidante dirigée trois ans plus tard cette fois par Dario Piana avec Florence Guérin, alors sexy star de l'érotisme. Vanzina reprendra les rênes en 2011 en tournant Sotto il vestito niente 3: l'ultima sfilata, un troisième volet passé inaperçu totalement inutile.
Le milieu de la mode intéressa également Bruno Gaburro qui en 1989 réalise La morte è di moda / Crimes sur mesure, un petit giallo qui ressemble à s'y méprendre à ceux de Lamberto Bava notamment Morirai a mezzanotte et Le foto di gioia mais également à Ténèbres de Argento et aux thrillers de Lenzi pour sa critique de la haute bourgeoisie pervertie. Aux éléments traditionnels du giallo Gaburro y ajoute simplement un dose d'ésotérisme à travers les visions prémonitoires de l'héroïne et les séances d'hypnose. Simple divertissement à la réalisation trop télévisée La morte è di moda se laisse regarder avec un certain plaisir et s'oublie aussi vite. Il y eut bien pire que ce thriller téléphoné à la conclusion bien improbable et trop précipitée.
Ruggero Deodato en 1990 donne dans le giallo électro-ménager avec sa triste Washing machine / Vortice mortale. Force est de constater que Deodato s'est complètement fourvoyé avec ce thriller érotique malsain qui s'éparpille tout azimut. Au bout d'un moment il ennuie plus qu'il ne passionne avant de sombrer dans l'absurdité.
Deodato nous entraine dans l'univers étrange de trois soeurs qui un jour découvrent dans la machine à laver le cadavre de l'amant de l'une d'entre elles. Entre hallucinations et réalité, le but du film est de trouver qui des trois jeunes femmes l'a tué. Deodato inclut dans ce scénario une histoire de valise remplie de bijoux et de drogue. Certes le scénario est intéressant mais une telle confusion fait qu'on se perd très vite dans les méandres d'une histoire mal construite que les incessants va-et-vient entre les rêves ou fantasmes des héroïnes et la réalité vraie n'arrangent pas.
Au coté bancal s'ajoute l'échec total à créer un semblant d'atmosphère glauque et morbide pourtant recherché. Deodato aligne bel et bien les séquences malsaines d'un bout à l'autre du film mais tout tombe à l'eau tant par la platitude de la réalisation, son manque d'imagination et l'absence de conviction dans le jeu d'acteurs décevants. Et quoi de pire qu'une scène qui se veut dérangeante mais n'a pour seul effet que de faire rire ou sourire. Si Deodato reprocha à son film sa production bâclée et un casting décevant, cela n'excuse pas tout. Il est évident qu'il n'est pas très à l'aise dans un genre qu'il ne contrôle pas et se perd lui même dans son intrigue qu'il veut alambiquée, bouclant à la va-vite son film par une révélation aussi ridicule qu'improbable comme si à court d'idée et fatigué de se débattre dans son intrigue vaine, il y mettait un point final afin de s'en débarrasser. Tout cela est d'autant plus regrettable que The washing machine aurait pu être un bon film d'une glauqueur surprenante pour une époque désormais bien sage. The washing machine tire donc son seul potentiel de ses scènes érotiques malsaines qui combinent voyeurisme et perversion. D'assez étonnantes séquences érotiques assez osées parsèment le film dont celle où Vida se fait prendre dans le réfrigérateur ou sur la rampe d'escalier alors que sa soeur les espionne d'un oeil complice, la séquence du musée au milieu des aveugles ou les tourments sexuels dans lesquels le policier sombre lentement. A l'érotisme poussé s'oppose un manque cruel de gore, la seule scène sanglante étant celle où on découvre le cadavre démembré dans la machine à laver. Dommage que toutes les séquences soient d'une si pénible et désespérante innocuité par la platitude de l'ensemble.
Tourné à Budapest dont Deodato ne profite guère non plus, The Washing machine s'il partait sur de bonnes intentions s'effondre très vite et n'est au final qu'un giallo raté tenu uniquement par son érotisme pervers et ses trois actrices principales, Kashia Figura, Barbara Ricci et Ilaria Borrelli. Sans être transcendantes, elles font ce qu'elles peuvent pour rendre leur personnage crédible au milieu de cette débâcle. Ce n'est pas le cas de Philippe Caroit dont la transparence n'a d'égal que le bleu de ses yeux. Mais pouvions nous attendre autre chose de ce comédien insipide habitué aux séries télévisées. Si à la première vision Vortice mortale tire des larmes de déception, on lui trouvera quelques rares qualités lors d'une seconde vision mais quoiqu'il soit, le film demeure un cuisant échec.
On n'oubliera pas de mentionner les deux gialli que tourna Bruno Mattei en 1994, Omicidio al telefono et Gli occhi dentro. Si le premier s'avère vite être un bien pauvre film sans guère d'intérêt, le deuxième relève quelque peu le genre avec cette histoire de tueur s'attaquant à des baby-sitters avant de leur arracher les yeux. Les meurtres semblent s'inspirer d'un comics intitulé Dr Dark, son auteur allant vite être la cible du psychopathe dont le but est de la punir des crimes qu'elle a commis à travers ses histoires.
Gli occhi dentro se rapproche du thriller horrifique avec ses scènes d'énucléations assez sanglantes mais Mattei semble surtout avoir voulu rendre hommage aux gialli des années 70 en reprenant certains des thèmes récurrents d'alors y compris cette manie d'énucléer les victimes qui renvoie à certains classiques dont Gatti rossi in un labirinto di vetro. Si le scénario se tient cette fois et que Mattei s'évertue à entretenir un certain climat d'angoisse, force est de reconnaitre que Gli occhi dentro souffre de son budget minuscule et d'une interprétation fort médiocre que des dialogues souvent ridicules n'arrangent pas.
Il faudra attendre 2004, l'année où Dario Argento tenta un hommage à Hitchcock avec le très médiocre Ti piace Hitchcock?, un petit téléfilm sans aucun intérêt, pour que le giallo revienne en force sur les écrans avec Occhi di cristallo de Eros Puglielli avec le vétéran Simon Andreu et Luigi Lo Cascio. Puglielli nous met ici face à un psychopathe particulièrement vicieux et insaisissable, un serial killer impitoyable laissant sur ses victimes trois feuilles que traquent un inspecteur et sa collaboratrice qui en même temps doivent combattre les fantômes de leur passé.
Occhi di cristallo est un très bon retour au genre mâtiné de serial killer, un bel exercice souvent effrayant et glauque, un film sombre parsemé de scènes sanglantes où Puglielli appuie le coté psychologique de ses deux personnages principaux. On est ici face à un thriller qui se rapproche plus des tendances actuelles façon CSI et autres Experts que du thriller argentesque d'hier.