Rückenwind
Autres titres: Pente douce / Light gradient
Real: Jan Kruger
Année: 2009
Origine: Allemagne
Genre: Drame
Durée: 72mn
Acteurs: Sebastian Schlecht, Eric Golub, Denis Alevi, Iris Minich, Rainer Winkelvoss, Bianca Wiedersich...
Résumé: Deux jeunes amants, Johann et Robin, vivent une relation faite d'amour et de sadomasochisme. Ils décident de travers la forêt de Brandeboug en vélo. A peine arrivée à l'orée des bois, toute une série d'étranges mésaventures va leur arriver. Leur tente les lâche, une colonie de fourmis attaquent leurs vivres, on leur vole leur vélo puis ils se perdent. Ils découvrent alors une vieille ferme, y pénètrent mais Henri, un adolescent, les y enferme et les retient prisonniers. Lorsque sa mère arrive,il les libère. Commence alors une troublante relation à quatre. La femme se rapproche de Robin qui lui rappelle son défunt mari, troublé par leur homosexualité l'adolescent est attiré par les deux garçons. Un jour, Johann surprend Robin entrain de séduire Henri. Blessé, choqué, Johann ne pardonnera cet écart. Il décide de quitter Robin et continuer seul le voyage...
Venu du court métrage et après deux films inédits en France, le jeune réalisateur allemand Jan Krüger signait en 2009 Ruckenwind / Pente douce, une oeuvre assez étrange qui hésite entre un certain cinéma vaguement auteurisant et la fable gay sensiblement fantastique. Autant dire que Ruckenwind est plutôt déroutant et devrait laisser le spectateur plutôt déconcerté, mi-figue, mi-raisin, une fois le générique de fin tombé.
Le film s'ouvre sur une séquence intrigante, celle d'un jeune homme apparemment enfermé dans un établissement hospitalier indéterminé. Assis seul sur une chaise il nous raconte en voix off l'histoire d'un renard entrain de chasser un lièvre à travers les bois. Qui des deux animaux sera le plus malin? Brusquement la caméra s'envole et se fixe sur un train duquel descendent deux garçons, Johann le narrateur et Robin, son bel amant, qui s'apprêtent à traverser en vélo la forêt de Brandebourg. Ils semblent alors pénétrer dans un monde un brin étrange où toute une série de mésaventures va leur arriver. Certains férus de fantastique pourraient songer à Long week-end et sa nature qui se retourne contre l'homme. Ici c'est d'abord leur tente qui cède les obligeant à dormir à la belle étoile, puis leurs sac à dos sont envahis par les fourmis qui dévorent leur ravitaillement, ils se font voler leur vélo, Johann est malade en mangeant des groseilles sauvages puis enfin ils sont retenus prisonniers par un
adolescent qui les enferme dans une grange jusqu'à l'arrivée de sa mère. Aucune explication n'est donnée, on en appelle au sort, au destin, la malchance. Pourtant en quelques jours, la relation des deux amants va changer, se détériorer jusqu'à la rupture, une relation ambigüe faite d'amour et de sadomasochisme. Robin donne l'impression de dominer Johann à travers des jeux de soumission, une certaine autorité. Johann est exclusif. La rencontre de cet adolescent introverti secrètement attiré par les deux garçons va faire basculer leur histoire. S'il n'a encore jamais eu d'expérience homosexuelle il se laissera tenter un jour en pleine forêt alors qu'il est en compagnie de Robin, ignorant que Johann les a surpris. Blessé, il sera incapable de pardonner à Robin cet écart et le quittera. Les ultimes images n'apporteront aucune réelle explication quant à cette troublante aventure boisée. Robin rejoint Johann pour continuer ce voyage bizarre, initiatique, lorsque la caméra s'envole de nouveau pour nous replonger au coeur de cet établissement hospitalier non identifié où Johann clôt son récit de façon évasive juste avant que le générique de fin ne tombe.
Ruckenwind / Light gradient n'est en fait qu'une illustration imagée du conte que narre Johann. Reste à savoir qui des deux garçons est le renard, qui est le lièvre, qui est le chasseur qui est le chassé. Ce n'est jamais qu'une allégorie sur les relations souvent fragiles et destructrices entre dominants et dominés saupoudrées d'une touche, d'un nuage de fantastique dans un milieu totalement naturel, presque bucolique, la forêt de Brandebourg. On ne saura rien des deux amants hormis qu'ils s'aiment encore moins de l'adolescent et de sa mère qui vivent perdus dans cette forêt. Tout juste apprend t-on que son père était un bel homme, un superbe danseur que cette jeune veuve semble revoir à travers Robin, provoquant la jalousie de son fils peu ravi de voir sa propre mère attirée par ces deux jeunes hommes qui l'attirent de manière troublante. C'est peut être là le plus intéressant du film, cette ambiguïté des sentiments, cette relation triolique naissante tout en demi-teinte qui inexorablement ronge les trois garçons chacun de leur coté.
Malgré cette ambiguïté, l'étrangeté de son atmosphère, un scénario intéressant, il est assez difficile cependant de rentrer totalement dans ce petit film (72 minutes) comme il est un peu dur de s'attacher aux personnages. Il manque une véritable âme à l'ensemble. Il serait injuste de dire qu'on s'ennuie, on attend simplement en vain quelque chose qui n'arrive pas. Certains diraient que Rückenwind est une oeuvre intimiste mais pénétrer l'intimité d'une relation demande un peu moins de superficialité.pour justement accrocher le spectateur, le toucher, afin de mieux l'aider à rentrer dans la peau des protagonistes, leur esprit, leur univers. Est ce étonnant que Rückenwind ne rencontra guère de succès à sa sortie, boudé par le public?
Reste un film délicat, pudique, tout en nuances, parsemé de scènes d'un homo-érotisme léger empreint de poésie champêtre qui allie la beauté de la nature aux plaisirs du sexe viril. On retiendra notamment la très belle séquence où, nus dans la lumière déclinante, les deux amants admirent la magie des lieux juste avant que Robin ne fesse Johann au bord du lac, la baignade des trois garçons qui finiront endormis nus sur le petit ponton de bois, le rapprochement presque irréel entre Robin et l'adolescent dans les feuillages et la brutale étreinte sadomasochiste entre les deux amants au coeur de la nuit en pleine nature.
Les trois jeunes interprètes, Eric Golub, Denis Alevi et Sebastian Schlecht, ne laisseront pas le spectateur indifférent. Sans être des canons de beauté ils ont suffisamment d'allant, de charme pour retenir l'attention d'autant plus que Kruger sait filmer leur courbes juvéniles et laisser poindre le temps de furtifs instants leur intéressante virilité (la ludique douche au jet d'eau). On regrettera qu'il n'ait pas jugé bon de déshabiller entièrement Denis Alevi dont il se contente de lécher le torse de sa caméra sans jamais lui faire enlever son bermuda de bain.
Présenté au festival du film gay de Berlin, Rückenwind s'il prouve une fois de plus tout l'intérêt du cinéma gay adolescent allemand est une petite fable bucolique, un joli voyage forestier et sexuel , une mise en bouche un peu fade tout en sensualité et délicatesse qui loupe de peu son objectif, celui de faire réfléchir tout en éveillant les sens du spectateur. La pente est douce, trop douce malheureusement. Gageons qu'il donnera cependant de jolies envies de promenades forestières coquines à bon nombre d'entre vous.