Subconscious cruelty
Autres titres: Bethlehem - Schatten Aus Der Alexanderwelt
Real: Karim Hussain
Année: 2000
Origine: Canada
Genre: Horreur
Durée: 82mn
Acteurs: Sophie Lauzière, Anne-Marie Belley, Mitch Davis, Vrea Asher, Eric Levasseur, Ivaylo Founev, Scott Noonan, Sean Spuruey, Nancy Simard, Anna Berlyn, Nadia Simaani, Christopher Piggins, Annette Pancrack, Eric Pettigtew, Martine Viale, Sylvain Rivard...
Résumé: Et si jamais l'hémisphère droit du cerveau prenait un jour le dessus sur le gauche, qu'arriverait il? L'Homme éprouverait alors des désirs irréfrénables pour le sexe et le sang. Voilà ce que tente d'illustrer le réalisateur à travers quatre histoires. Celle d'un homme qui éprouve des désirs incestueux envers sa soeur enceinte, de personnes nues se livrant à des orgies afin d'enfanter la terre, d'un cadre qui se masturbe devant un film pornographique avant que son double accusateur n'apparaisse pour détruire son hémisphère droit et enfin celle du Christ se faisant violer et dévorer par des succubes anthropophages au coeur d'une église...
Jeune réalisateur canadien, Karim Hussain secondé par son ami et producteur Mitch Davis à qui on doit le subversif Divided into zero mit plus de cinq années à réaliser ce film d'horreur injustement méconnu qui à ce jour fait partie des oeuvres les plus cruelles que le genre nous ait un jour offert. A la limite du film expérimental, Subconscious cruelty est un film particulièrement difficile d'accès, une vertigineuse plongée dans les méandres les plus sombres de l'esprit humain. Quoi de plus complexe que le cerveau, essence même de la nature humaine où s'y tapissent pernicieusement les faces les plus obscures de l'être: folie, perversion, haine, mensonge, envie, désir... le tout régi par les diktat pervers de la religion et de notre société et ses nombreux tabous, plus exactement ici la pornographie, le parricide, le cannibalisme, l'infanticide, la profanation, l'inceste et les déviances sexuelles.
Cauchemar blasphématoire à la croisée du cinéma de Lynch et de Jodorowsky, Subconscious cruelty est une représentation cinglante, à la limite de l'insoutenable, de la face la plus obscure de l'âme humaine, un véritable poème macabre dont la peinture en sont les fluides corporels, le sang et le sperme, et la toile la folie et l'hérésie. C'est également une représentation de la bête qui sommeille en chacun de nous, de la cruauté latente qui se tapit au plus profond de l'être pour mieux exploser le moment opportun, de nos tares et de nos peurs exacerbées par les carcans dans lesquels on s'enferme.
Subconscious cruelty se découpe en quatre vignettes dénuées quasiment de trame narrative évidente. Ce sont quatre tableaux totalement abstraits qui à leur façon repoussent de plus en plus loin les limites de l'effroyable mais présentent avant tout de très nombreux liens entre eux tous mus par une symbolique extrêmement complexe que chaque spectateur pourra plus ou moins interpréter à sa façon selon ses croyances, ses convictions, sa sensibilité en ayant toujours à l'esprit l'idée conductrice du film: qu'arriverait il si l'hémisphère gauche de notre cerveau prenait le dessus sur la partie droite, à savoir si le désir, les émotions l'emportaient sur la raison et la morale.
La première histoire, la plus succincte, intitulée Ovarian eyeball, met en scène une femme qui allongée sur une table s'apprête à se faire ouvrir le ventre au scalpel. De l'entaille une main en sort alors un oeil accroché à son nerf optique. De cette césarienne nait l'oeil terrible, l'oeil de Caïn, celui qui sommeille au fond de tout être humain, symbole de sa conscience, du mal qui l'habite, du péché, du remord, de ce à quoi on ne peut échapper. Cette mini ouverture donne non seulement le ton du film mais en représente également la terrible préface, un voyage au coeur de la face la plus sombre de l'Homme.
Le second segment nommé Human larvae, de loin le plus abominable puisqu'il dépasse en atrocités et perversions tout ce que le cinéma nous avait jusqu'alors offert, nous plonge dans les méandres de l'esprit d'un homme dérangé qui envisage de commettre l'acte le plus barbare, le plus ignoble qu'on puisse imaginer dans le but extrême de toucher du bout de sa lame de rasoir l'essence même du Mal, de pénétrer au plus profond la conscience humaine dans ce qu'elle a de plus sinistre.
Hussain met en scène ici un amour incestueux, celui d'un frère pour sa soeur, un amour morbide, destructeur, obsessionnel. Il lui fait l'amour observé par un homme nu qui se
masturbe en psalmodiant une oraison funèbre. Cet homme n'est que la projection de ce frère pervers qui visualise ses pensées. Il est le témoin virtuel de ses actes abominables, incapable d'échapper à ses pulsions, à sa folie, il est Caïn dont le sperme s'écoule entre ses doigts comme la vie qui peu à peu lui échappe. Il s'en badigeonne le corps en imaginant les tortures qu'il infligera à sa soeur, le plaisir de faire souffrir tout en souffrant de plaisir. Ce n'est jamais qu'une nouvelle illustration de la fascination quasi masturbatoire qu'engendre la perversion et le mal, cette jouissance née de cette souffrance extatique au sens biblique voire sadien du terme.
Le cerveau rongé par des vers, il se met à s'occuper de sa soeur allongée sur un lit prête à accoucher tandis que des images de bébés putrides défilent dans sa tête. Enceinte, il se prépare à l'arrivée du fruit de leur amour interdit. Elle se met soudainement à se vider de son sang. Ce sont des ruisseaux d'hémoglobine qui s'écoulent de son vagin qu'il doit calfeutrer avec des chiffons comme on calfeutre une fuite de plomberie.
L'accouchement en lui même restera sans nul doute une des scènes les plus barbares et traumatisantes jamais tournées. Dans une cacophonie de hurlements, la tête du bébé encore engluée sort du vagin. L'homme la saisit à l'aide d'un hameçon de pêche, la découpe au rasoir sous les yeux de sa mère terrorisée qui continue de se vider puis lui arrache l'enfant du ventre dans un déluge d'images surréalistes sur fond de mer de sang et de chairs rongées par les larves.
Il finit par croquer à pleines dents le cordon tandis que la femme meurt, épuisée, exsangue, face aux lambeaux de ce qui fut son bébé. Son frère place alors un ver dans ce qui reste de son vagin, se couche prés d'elle. Heureux, il l'aime.
C'est bien logiquement que la troisième histoire se nomme Rebirth. Plus solaire et surtout écologique, elle est pourtant tout aussi étrange et cruelle. On y voit des hommes et des femmes nus s'adonner à des bacchanales dans un champ sous un ciel vierge dans un paysage aussi lumineux que fascinant. Ils font l'amour à la Terre afin de l'enfanter. Ce segment qui bien par des aspects fera penser aux délires de Jodorowky est une sorte d'ode au surréalisme dans laquelle Hussain met une fois encore en avant le sang et le sperme. La semence se mêle à la terre qui se transforme en un corps vivant, une sorte de vagin béant empli de sang putride, noir magma dans lequel l'Homme plonge ses mains pour mieux se badigeonner le corps de ce mélange nauséabond. La Femme quant à elle suce une branche phallique qui éjaculera du sang alors que les arbres se mettent à saigner. Cette redéfinition hérétique et inversée de la genèse est accentuée par ce couple, incarnation de Marie et Jésus, tout de blanc vêtu. C'est l'homme qui suce la femme, un poignard acéré en guise de phallus planté dans son vagin qui à chaque succion lui déchire un peu plus les chairs et les
joues. Il n'est pas surprenant que l'ultime segment ait pour titre Martyrdom et reprennent à sa façon le martyr de Jésus que Hussain prend un plaisir à massacrer dans un jet d'images sulfureuses d'un hérésie stupéfiante. Un homme d'affaires se masturbe devant un film pornographique. Au moment où il éjacule, son double surgit sous la forme d'une main noire, symbole de sa mauvaise conscience, de sa culpabilité, lui rappelant que Dieu interdit tout plaisir solitaire est interdit et doit être puni. La main munie de hameçons lui arrache le pénis tout en continuant de le masturber. Il se détache lentement de son bas ventre qui se déchire sous le regard de statues et d'icônes religieuses réunies devant la croix. La main lui injecte alors une drogue dans le cerveau afin de détruire définitivement son hémisphère droit.
Jésus Christ va alors être au centre d'une incroyable orgie. Trainé dans une église par trois harpies il est castré avant d'être dévoré vivant lors d'un festin anthropophage particulièrement efficace et surtout réaliste. Les furies cannibales lui arrachent la peau, déchirent ses chairs, leurs mains plongent dans ses entrailles dont elles se gavent puis lui arrachent la bouche. Le fils de Dieu est alors contraint de manger son propre corps découpé au rasoir et de boire son sang. Si cette représentation blasphématoire de la Cène n'est jamais qu'une relecture
de la communion, du symbole de l'hostie (Mange! ceci est mon corps. Bois ce vin, ceci est mon sang) c'est aussi une manière radicale de démontrer que la religion est partout, Dieu est omniprésent, il régit notre monde, nous enferme dans ses carcans, la foi chrétienne doit donc être détruite. Le sketch se conclura par la sodomie du Christ, l'anus réduit en charpie par un long bâton manipulé par une succube. L'acte sodomite est là encore symbole de la négation de toute vie, un acte hérétique contre-nature donc contre Dieu.
Accompagné d'une partition musicale évolutive signée Teruhiko Suzuki lancinante, planante, étrange, de sons stridents, Subconscious cruelty est une véritable expérience cinématographique, un film provocateur qu'on pourrait qualifier aisément d'expérimental qui
se rapproche d'une certaine forme d'art brut. Voilà une oeuvre indescriptible, qu'il est impossible de raconter tant elle est visuelle d'une part, symbolique d'autre part. Blasphématoire, dérangeant, obsédant, vomitif, effroyable, viscéral, le film de Hussain dont la mise en scène est spectaculaire et les effets sanglants saisissants de réalisme n'en est pas moins fascinant du moins pour ceux, aussi rares soient ils, à qui il ne donnera pas la nausée. Tout est ici calculé. Tant la voix off du narrateur atone, hypnotisante, mortuaire, que les couleurs, la musique, les éclairages, l'esthétique en général forment un tout créant une atmosphère onirique impressionnante dans laquelle le temps semble suspendu. Filmé sur un fond noir absolu, le néant, le film explose en mille tonalités chatoyantes où les tons
rouges, verts et bleus sont privilégiés donnant à l'ensemble un coté chaud-froid fracassant où prédominerait cependant un perpétuel sentiment de glace. Particulièrement subversif, Subconscious cruelty est une des tentatives les plus audacieuses jamais réalisées afin d'explorer la conscience de l'Homme. Voilà une introspection avant-gardiste inoubliable des méandres de l'âme humaine, de ses tourments, un essai hautement philosophique totalement unique, une oeuvre cérébrale imparable et incomparable d'une cruauté, d'une barbarie inouïe que beaucoup vomiront mais que les plus endurants ou tolérants affectionneront tout spécialement.
Ce film choc réservé à un public très averti fut réalisé sur plus de cinq ans suite à d'innombrables problèmes rencontrés lors du tournage avant d'être confisqué par les douanes canadiennes et interdit en Angleterre. Malgré cela, Karim Hussain et Mitch Davis n'ont jamais baissé les bras et allèrent au bout de leur projet donnant ainsi une toute nouvelle définition du cinéma dit extrême. Le résultat est sidérant et marquera encore très longtemps après la fin du visionnage le courageux spectateur... muni ou pas de son sac à vomi, ustensile que nous ne connaissons pas ici au Maniaco!