Barnens ö
Autres titres: Children's island
Real: Kay Pollak
Année: 1980
Origine: Suède
Genre: Dramatique
Durée: 105mn
Acteurs: Tomas Fryk, Anita Ekström, Ingvar Hirwall, Börje Ahlstedt, Lars-Erik Berenett, Hjördis Petterson, Sif Ruud, Malin Ek, Majlis Granlund, Lena Granhagen, Christer Bancke, Sune Bergsten, Bissa Abelli, Per Carlessen...
Résumé: Reine Laarson a 11 ans. Il vit avec sa mère qui travaille dans un hôpital et son beau-père qu'il déteste. Il doit passer les vacances d'été dans un camp mais cette idée ne l'enchante guère. Reine a en effet décidé de ne jamais devenir adulte. Obsédé à l'idée d'avoir bientôt des poils pubiens, signe de son entrée dans le monde adolescent, il vérifie chaque matin au réveil si aucun n'est apparu. Il sait pertinemment que c'est son dernier été en tant qu'enfant et compte bien en profiter puisqu'il a en tête de mourir le jour où il sera pubère. Grâce à un subterfuge, il évite le camp et part vivre toute une série d'aventures à travers Stockholm dont il sortira de plus en plus déçu et désillusionné ce qui le conforte dans son idée de ne jamais entrer dans le monde des adultes...
Si le thème de l'enfant qui refuse de grandir avait déjà fait l'objet de quelques films mémorables, ce sujet souvent bien difficile n'avait encore jamais été traité de manière aussi insolite et surtout explicite. Est ce étonnant lorsqu'on sait que Barnens ö, littéralement Children's island, nous vient droit de Suède, le cinéma suédois à l'instar de la Norvège et du Danemark n'ayant jamais réellement été prude en matière d'homosexualité et plus précisément sur l'éveil de la sexualité pré-adolescente. En témoignent des oeuvres souvent difficiles telles que Is-lottet ou You are not alone sans oublier les films de Svend Vam. Barnens ö ne fait pas exception et parle sans détour ni tabou des premiers tourments et émois sexuels d'un garçon de 11 ans, Reine, qui à la veille des vacances d'été a décidé de ne jamais devenir adulte afin d'éviter d'avoir un jour des relations sexuelles.
Sur un sujet aussi délicat le scénariste-metteur en scène Kay Pollak signe un film étrange, à la fois tendre et cruel durant lequel on suit au quotidien les aventures et les désillusions du petit garçon qui découvre un peu plus chaque jour l'univers cruel des adultes dont le sexe semble en être l'essence même. Obsédé par l'apparition de ses premiers poils pubiens, il vérifie chaque matin qu'aucun ne soit apparu durant la nuit et peut donc ainsi continuer à vivre pleinement ce qui pour lui sera son dernier été en tant qu'enfant, un enfant pur qu'il associe à un ange. S'il enregistre sur un magnétophone chacune de ses péripéties, ses propres commentaires sur la vie, il s'est surtout donné pour objectif de mourir le jour où ses premiers poils auront poussé sur son pénis et ses testicules afin de ne jamais devenir impur. Il veut donc profiter de ce dernier été dans ce corps d'enfant mais c'est de plus en plus déçu qu'il finira, trompé, abusé, exploité par les adultes qu'il rencontre au fil de ses aventures.
Rien n'est vraiment facile pour Reine. Il n'a jamais connu son père biologique qui lui manque cruellement, il déteste son beau-père, un homme méchant et violent qui semble être avec sa mère uniquement pour le sexe. Cette dernière, trop souvent absente, prise par son travail d'infirmière, lui manque et il refuse de partir dans le camp d'été où elle veut l'envoyer. Par un habile subterfuge qui se retournera malheureusement contre lui, il parvient à l'éviter, se sauve et décide de visiter Stockholm toujours dans la phobie de se réveiller un matin avec ses premiers poils. Il va alors rencontrer tout un tas de personnes bizarres en qui il croit innocemment mais qui vont trahir ses illusions et lui faire haïr de plus en plus tant les adultes que le sexe, le confortant dans sa décision radicale.
Ainsi il découvre que la jeune paralytique à laquelle il s'est attaché a pour lui des pensées équivoques, il surprend une des saltimbanques du cirque dans toute son indécente nudité alors qu'elle dort, un chômeur déchu l'abandonne en pleine nature pour s'offrir les charmes d'une jeune délurée ivre. Lorsqu'il pense enfin avoir trouvé une jeune et jolie fille à es yeux pure puisque chauve et glabre il la surprend dans les bras d'un homme comme il avait surpris sa mère dans le lit conjugal avec son beau-père. Dépité, meurtri, imbibé d'alcool, ayant perdu tout espoir d'échapper un jour à la terrible menace qui pèse sur sa future existence, il se laisse embarquer par trois adolescents punks pour un ultime défi rencontrés une nuit sur un bateau.
Tiré du roman de P.C Jersilds, Children's island est avant tout l'histoire d'un enfant meurtri, marginal, en quête de son identité sexuelle encore toute fraiche, qui nourrit une peur quasi obsessionnelle envers le sexe, symbole à ses yeux d'impureté. Il refuse donc d'intégrer un jour le monde des adultes qu'il observe avec son propre regard d'enfant durant ses diverses péripéties et en sort à chaque fois un peu plus désespéré mais aussi de plus en plus certain de ses positions. Il s'enferme donc toujours un peu plus dans sa propre dimension faite de rêves et d'espoirs qu'il sait vains, une manière en quelque sorte de prolonger un peu plus chaque jour cette enfance qui s'enfuit.
Si Pollak avait déjà traité des peurs de l'adolescence avec son premier film Elvis Elvis, avec ce second long métrage il va un peu plus loin dans son analyse et c'est avec une certaine intelligence qu'il met cette fois en avant l'innocence perturbée, l'enfance mise en danger dans un environnement où les adultes semblent inlassablement toujours avoir les mauvaises réponses aux bonnes questions, celles que se pose justement Reine du haut de ses 11
ans. Intrépide et surtout chanceux puisqu'il sort indemne des situations les plus déplaisantes, sa quête tout en ombre et lumière se transforme en un curieux voyage dans la capitale suédoise où il va connaitre de bons et de mauvais moments, le bonheur comme le malheur dans la laideur comme dans la beauté.
Joliment mis en scène, avec tact et sensibilité, Barnens ö n'en est pas moins un film facile d'accès. Il n'est pas toujours évident d'y adhérer et certains pourront assez vite se détacher de ce petit personnage aux cheveux blonds tant son univers est parfois étrange, fantasque. Barnens ö est tout simplement un film épidermique où drame et comédie se croisent et se décroisent. Pollak oscille constamment entre la légèreté, l'humour et le tragique, l'angoisse créant ainsi un sentiment de confusion à l'image même de l'esprit de Reine. Selon l'humeur et les prédispositions du spectateur l'émotion ne sera peut être pas toujours au rendez-vous mais cela n'enlève rien aux qualités du film qui prouve une fois de plus combien le cinéma nordique a toujours traité avec brio de l'enfance, de la puberté et de la sexualité.
Même si Barnens ö reste très pudique malgré son sujet particulièrement audacieux les âmes chagrines et les plus puritains risquent d'être fortement surpris voire même choqués par la permissivité dont fait preuve Pollak lors de deux scènes de nudité frontale pré-pubère, notamment l'érection de Reine lorsqu'il épie la saltimbanque entrain de dormir, aujourd'hui totalement impensables, ceci afin de nous rappeler la liberté d'esprit et la liberté morale dont les pays scandinaves ont toujours fait preuve au cinéma en matière de sexe. Devenues cultes, elles donnèrent au film sa sulfureuse réputation. Joliment amenées et très bien ancrées dans le récit, ni vulgaires encore moins obscènes, elles ne sont que le reflet des angoisses du jeune héros en pleine mue, se transformant irrémédiablement en petit adulte.
Pour son premier rôle au cinéma, on saluera la prestation de Tomas Fryk plus âgé que son personnage puisque le jeune comédien avait alors 14 ans. Toujours juste, jamais mièvre, à la fois tendre et froid, il apporte au film une certaine sensibilité et sait jouer sur une palette d'émotions assez large. Particulièrement difficile, il maitrise parfaitement ce rôle ingrat, visiblement à l'aise même lors des scènes les plus difficiles. Si Tomas connaitra par la suite une petite carrière au cinéma c'est essentiellement à la télévision suédoise qu'on le verra le plus. Hingvar Hirwall qui interprète le beau-père de Reine reçut quant à lui le prix du meilleur acteur. Plus surprenant est l'utilisation des musiques de Jean- Michel Jarre en guise de bande originale, l'album Equinoxe plus précisément, qui donne au film un coté parfois étrange, presque onirique, gentiment décalé.
Barnens ö remporta un succès conséquent à sa sortie en Suède et y remporta un Gulbagge award soit l'équivalent d'un César. Il fut également présenté en 1981 au festival du film gay de Berlin. Le film de Kay Pollak fait bien évident aujourd'hui partie des classiques du teensploitation