Bambulè
Autres titres:
Real: Marco Modugno
Année: 1978
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 94mn
Acteurs: Marco Modugno, Dario Silvagni, Cico Diaz, Fulvia Midulla, Pia Attanasio, Loris Bazzocchi, Michele Soavi, Elio Cesari, Alina DeSimone, Laura Franci, Argento Migliore, Nerina Montagnani, Benedetto Rocchi, Sergio Saffrati, Dario Bellezza...
Résumé: Après une nouvelle altercation avec ses parents qui ont découvert non seulement ses absences répétées au lycée mais également qu'il fumait de la marijuana, Dario quitte le foyer familial et part rejoindre ses amis Marco et Cico. Ils décident de se réunir et ensemble, sans but précis, n'attendant rien de particulier de la vie, ils s'enferment lentement dans un monde qui leur est propre, coincés entre rêve et réalité. Leur objectif serait de partir au Brésil et d'y rejoindre leur ami Claudio, leur fournisseur attitré de marijuana. Mais ce qui pour eux serait le nirvana serait d'atteindre un état imaginaire appelé Tarana, un endroit où existerait l'extase infinie. A ses fins, ils vivent de petites forfaitures, volent leurs parents, tentent de travailler et vont de connaissances en connaissances mais c'est un tragique destin qu'ils se dirigent inexorablement...
Bien peu de réalisateurs ont su aussi bien mettre en images le désespoir et le mal de vivre de la jeunesse romaine des années 60 et 70 que Pasolini notamment dans Accatone. Dés 1976, quelques réalisateurs se sont à leur tour lancés dans ce filon créant une sorte de sous genre de la drugsploitation dont l'objectif était de montrer à travers des films à la limite du documentaire social l'univers de cette jeunesse désillusionnée qui grâce à l'héroïne trouvait
une échappatoire à leur triste vie. De la trilogie aujourd'hui rarissime de Gianni Minello (Nel cerchio, Un ragazzo come tanti, I ragazzi della periferia sud) à des oeuvres encore plus marginales (Non contate su di noi, Eroina) en passant par le cinéma fracassant de Marco Risi (les tragiques Mery per sempre et sa suite Ragazzi fuori), Aurelio Grimdali (Le buttane, La discesa di Acla a Floristella), Claudio Caligari dont on gardera surtout en tête Amore tossico et un cinéma un peu plus grand public mais tout aussi violent (Atto di dolore de Pasquale Squiltieri), on trouve de temps à autres quelques films quasi oubliés, totalement méconnus, restés longtemps invisibles dont Bambulè est un parfait exemple.
Tourné en 8mm puis gonflé en 35 par un tout jeune Marco Modugno, le fils du célèbre chanteur Domenico Modugno, dont c'était là les premiers pas dans l'univers du cinéma, Bambulè est en fait un film quasi amateur fait entre amis dont le tournage s'étala sur quasiment six mois entre décembre 1977 et juin 1978. On y suit les errances de trois jeunes romains, Dario, Marco et Cico, trop immatures pour jouer les rebelles mais déjà trop vieux pour pouvoir continuer à vivre de façon insouciante décident de quitter le foyer familial et de vivre leur vie à leur façon. S'ils ne sont pas totalement à la dérive, ils ne veulent tout simplement pas s'intégrer à la société, Si selon eux il est impossible de faire ce qu'on veut dans cette société, ils ne savent justement pas ce qu'ils voudraient faire. Ils s'enferment alors dans leur propre monde avec pour principal objectif d'aller un jour au Brésil où vit un de leurs amis qui leur fournit de la marijuana ou mieux encore connaitre Tarana, un pays imaginaire où existerait l'infinie extase.
Et le rêve, cette dimension de semi-réalité, est justement le moteur de leur existence puisque c'est à travers lui qu'ils parviennent à exister, vivant dans l'espoir de partir un jour ensemble. Pour survivre et concrétiser ces projets utopiques ils commettent de petits larcins, volent de temps à autres leurs parents, essayent de travailler notamment dans l'industrie du cinéma porno, vont de connaissances en connaissances et font également usage de drogues. Malheureusement, si le titre laissait présager un film sur l'usage radical de l'héroïne et autres drogues, Bambulè se centralise beaucoup plus sur le manque d'idéaux et d'objectifs d'une
jeunesse laissée à l'abandon que sur la toxico-dépendance elle même qui au final reste ici à l'état embryonnaire. Le film se transforme très vite en une sorte de voyage semi réaliste dans l'univers de ces trois jeunes pas totalement à la dérive puisqu'ils ont eux mêmes choisi leur marginalisation et conserve leur place au sein de leur famille respective. Jamais réellement désespérés, ils ne sont que des rêveurs, des utopistes emplis d'une certaine joie de vivre qui par instant les transforme en gentils trublions. Ils ne savent tout simplement pas ce qu'ils veulent ni ce qu'ils attendent vraiment de la vie et se perdent dans des rêves où liberté est le mot clé.
Marco Modugno a choisi la sincérité, évité toute hypocrisie, toute forme de dramatisation au profit d'un ton beaucoup plus familier et surtout plus ludique. On est donc loin de l'atmosphère hyper réaliste des films de Pasolini et du coté dramatique d'oeuvres choc telle que Amore tossico ou l'allemand Moi Christiane F.. Modugno a préféré amuser son public, le divertir à travers les aventures de ses trois héros qui virent par moment au grotesque (la visite au bureau des démocrates chrétiens, l'audition presque surréaliste dans les studios de Cinecitta, le personnage de Avellino, un marginal drogué qui garde auprès de lui une
poule nommée Siddharta...) mais s'imprègnent également de temps à autre d'une pointe d'onirisme (la fête donnée à l'auberge par la propriétaire outrancière, peut être le passage le plein glauque du film, la visite de Dario des différentes chambres de l'auberge, les délires et visions du jeune homme après avoir fumé chez Avellino). Bambulè n'est jamais que le reflet des peurs, des désillusions, des déceptions, des espoirs, des vices et travers de ces trois garçons sans ambition, un périple où se croiseront l'amour et la mort puisque c'est vers un destin tragique et révoltant qu'ils ne méritaient pas que ce voyage les conduira.
Malheureusement malgré toute la sensibilité de Modugno, cette fraicheur qui caractérise le film, Bambulè ne parvient pas vraiment à convaincre encore moins à émouvoir. Faute en revient d'une part à l'amateurisme de la mise en scène et surtout de l'interprétation incapable de donner une certaine épaisseur, une dimension humaine aux personnages qui assez vite indiffèrent. Il est bien difficile de s'attacher à eux, de ressentir pour ces adolescents de la sympathie ou de l'antipathie, ne serait ce qu'une quelconque émotion ou d'être simplement touché par leurs déboires et leur mal de vivre tant l'ensemble souffre d'un profond manque de mordant, de cette force dramatique qui fait le piquant de ce type de cinéma. A vouloir traiter
son sujet avec trop de légèreté, Modugno rate son objectif et l'ennui prend rapidement le pas sur l'émotion d'autant plus que l'indolence de la mise en scène ne vient guère relancer un rythme déjà peu existant. C'est dire que tout l'intérêt du film s'effondre assez vite et ne restent que la beauté juvénile du ténébreux Marco Modugno et l'angélique Dario Silvagni, quelques jolis moments, une ou deux images choc (le junkie qui se shoote dans sa chambre, la scène d'homosexualité), le final dramatique et inattendu et la vision d'une Rome triste, grise et délabrée guère mise en valeur par une photographie terne et le grain de l'image loin des vues touristiques pour tenir en éveil le spectateur.
En grande partie financé par le père de Marco et l'entourage amical du jeune acteur-metteur en scène, tourné le plus souvent en semi clandestinité dans les rues de la capitale italienne, Bambulè est un film d'amis fait entre amis (Dario Silvagni qu'on reverra ensuite uniquement dans deux sexy comédies, La lycénne séduit ses professeurs et La lycéenne fait de l'oeil au proviseur, et Cico Francisco Diaz qui continuera à travailler essentiellement dans la production sont deux amis intimes de Marco) qui malgré les bonnes intentions de départ échoue là où il aurait du frapper. A trop forcer sur l'aspect poétique tout en donnant un coté candide à l'histoire, Marco Modugno ennuie plus qu'il ne touche même si l'idée au départ était louable. Le manque de professionnalisme achève de tuer ce petit film qui demeure cependant une gentille curiosité issue d'un autre temps longtemps restée difficilement visible. On sera donc magnanime et sans être jamais transcendé, il faut avouer que Bambulè possède suffisamment de charme pour capturer un tant soit peu l'attention de l'amateur de drugsploitation et teensploitation qui aura le plaisir de retrouver un tout jeune Michele Soavi, également assistant-réalisateur de Modugno, dans le rôle exquis d'un jeune attardé psychotique. On apercevra également le temps d'un caméo Dario Bellezza.