La noche del terror ciego
Autres titres: La révolte des morts vivants / Tombs of the blind dead
Real: Amando De Ossorio
Année: 1972
Origine: Espagne
Genre: Horreur
Durée: 97mn
Acteurs: Lone Fleming, Maria Silvia, Cesar Burner, Joseph Thelman, Helen Harp, Maria Helena Arpon, Rufino Ingles, Veronica Llimera, Simon Arriaga, Francisco Sanz, Juan Cortes, Antonio Orengo...
Résumé: Deux amies se retrouvent par hasard. L'une fait des avances au compagnon de l'autre ce qui la rend d'autant plus jalouse que les deux femmes ont quelques années auparavant entretenu une relation plus qu'intime. Elle saute alors du train, traverse la campagne et décide de passer la nuit dans un village en ruines totalement abandonné et réputé maudit. La nuit venue, elle est attaquée par une horde de spectres, ceux des templiers jadis pendus pour leurs méfaits. Les squelettes encapuchonnés la tuent et la dévorent Le lendemain, ses amis arrivent et apprennent par la police que son corps à été mutilé selon des pratiques satanistes. Ils veulent en savoir plus mais les templiers fantômes veillent...
Après que George Romero ait ouvert en 1968 le très juteux filon du film dit de morts vivants, nombre de réalisateurs s'y engouffrèrent alors avec plus ou moins de bonheur. L'Espagne ne loupa pas le coche et c'est Amando De Ossorio qui le premier s'y attela avec ce qui allait devenir une des tétralogies les plus fameuses du cinéma d'horreur ibérique. Il ouvre ainsi le bal en 1972 avec La noche del terror ciego / La révolte des morts vivants qui aujourd'hui demeure le plus réussi des quatre films suivi de près par La chevauchée des morts vivants.
Dans une Espagne fortement marquée par le régime franquiste, il était assez difficile pour les cinéastes de pouvoir tourner en toute quiétude. Afin d'éviter tout déboire avec la censure particulièrement sévère, c'est au Portugal que De Ossorio planta donc sa caméra afin de mettre tranquillement en scène cette histoire de zombis somme toute classique et guère originale mais cependant fascinante sur bien des points. L'un des principaux atouts du film sont ses superbes décors naturels. De Ossorio utilise avec intelligence les inquiétantes ruines médiévales d'un village abandonné qui se dressent au milieu de la campagne déserte plongée dans un silence angoissant que seul le bruit d'un petit train vient briser. C'est là que la jeune héroïne décide de passer la nuit après s'être disputée avec son petit ami et avoir sauté du train avec pour seule compagnie celle d'un petit transistor.
De Ossorio ne pouvait mieux trouver comme décor pour faire surgir d'outre tombe ses morts vivants, la deuxième grosse surprise de cette tétralogie et c'est peut être là que réside le secret de son succès. Loin des zombis de Romero et de ceux de Lucio Fulci quelques années plus tard, ce sont cette fois les spectres aveugles des templiers qui sortent de leur tombe à la nuit tombée, des squelettes impressionnants encapuchonnés qui portent la bure des chevaliers. On est très proche de l'image populaire et particulièrement effroyable de la Mort à qui il ne manque plus que la longue faux. Poussiéreux, recouverts de toiles d'araignées, ils portent l'infâme marque du temps, des siècles passés sous terre. Outre cette représentation originale, De Ossorio les fait monter leurs fiers destriers et parcourir la campagne dans de somptueux ralentis afin de mieux renforcer l'effet de terreur. Il en découle alors une vision presque onirique de la peur, de l'effroi qui devient vite fascinante, hypnotique, sublime. Pour couronner le tout, le cinéaste espagnol accompagne chacune de leurs apparitions par des chants moyenâgeux inquiétants entrecoupés de sons macabres alors que résonne au loin le glas. Apportant un soin tout spécial aux maquillages, aux détails, De Ossorio est parvenu à créer tout un visuel mortuaire unique tout aussi contemplatif que religieux qui sera la marque définitive de cette série inégale mais aujourd'hui encore somptueuse.
Si on s'amusera d'une relation saphique totalement inutile entre deux des héroïnes, il faut cependant signaler que le réalisateur fut un des premiers à intégrer dans un film une note d'homosexualité en Espagne, une chose alors impensable sous le régime franquiste. Cette idée particulièrement audacieuse prend alors tout son sens dans un pays régi par une implacable censure au même titre que les rares effets sanglants distillés ça et là tout au long du métrage notamment lors de la séquence aux réminiscences sadomasochistes où les templiers torturent une jeune fille dénudée en la lacérant à coups d'épée avant de lui trancher la poitrine et boire son sang. Ce sera la seule véritable scène gore puisque la majorité des autres effets horrifiques reposent sur les apparitions spectrales des templiers maudits, déambulant dans les ruines ou chevauchant la campagne.
La révolte des morts vivants souffre malheureusement d'une direction d'acteurs plutôt approximative et de dialogues souvent risibles, le point commun entre les quatre films de la série, on passera également outre les nombreuses incohérences, les situations bien improbables et les comportements souvent farfelus des protagonistes mais la simple présence des templiers squelettes et leurs mornes déambulations nocturnes suffit à faire oublier tous ces défauts tant on reste fasciné... ou qui sait terrifié! On appréciera également le final puisque De Ossorio se permet un no happy end ouvert, sombre et pessimiste qui laisse libre cour à l'imagination du spectateur.
Devenu culte au fil du temps pour de nombreux amateurs, La révolte des morts vivants tout maladroit soit il par moment allait marquer l'ère du film de morts vivants par cette inoubliable représentation du mythe, parfaite symbolique de la peur, une peur viscérale presque divine, une peur avec un P majuscule comme issue de nos pires cauchemars. Le film sera suivi l'année suivante par Le retour des morts vivants puis Le monde des morts vivants, le plus raté des quatre, et enfin La chevauchée des morts vivants, qui suit de près ce premier volet.
Signalons aux novices qu'il est préférable de visionner cette tétralogie dans sa version originale espagnole, les versions françaises ayant été pour la plupart amputées de bien dix bonnes minutes.