Simona
Autres titres: Passion
Real: Patrick Longchamps
Année: 1972
Origine: Italie / Belgique
Genre: Drame / Fantastique
Durée: 82mn
Acteurs: Laura Antonelli, Maurizio Degli Esposti, Margot Margaret, Raf Vallone, Patrick McGee, Marc Audier, Jo Maxane, Michel Lechat, Ramon Berry, Quentin Milo, Yvette Merlin, Germaine Pascal...
Résumé: Alors qu'elle assiste à une corrida, la jeune et belle Simona se remémore les bons moments qu'elle a passé avec George, un adolescent de 17 ans. Ils étaient devenus les meilleurs amis du monde et donnaient vie ensemble à leurs fantasmes sexuels. Un jour ils firent la connaissance de Marcelle, l'étrange fille d'un taxidermiste, qu'ils firent participer à leurs jeux en ignorant le drame qu'elle vivait. Devenus inséparables, ils découvrent qu'elle était en danger. Si son oncle, responsable de la mort de sa mère, avait déjà eu des relations sexuelles avec elle, son père, fou, la vénére jusqu'à la priver de toute vie sexuelle pour mieux l'avoir à lui. Prisonnière de sa folie, lorsque Marcelle veut s'enfuir, c'est à un massacre qu'elle assiste. Personne n'y échappera...
Tardivement sorti en 1974 sur les écrans italiensSimona, premier et unique film du réalisateur belge Patrick Longchamps, fut en fait tourné bien avant alors que Laura Antonelli n'ait atteint le statut de star que lui apporta le succès inattendu de Malicia. Suite aux conseils avisés de Salvatore Samperi qui le trouvait trop singulier le film put être distribué grâce à l'accueil reçu en jouant justement sur la présence de Laura au générique mais après avoir été remonté et amputé de nombreuses séquences jugées trop hérétiques par le Vatican et la censure italienne.
Parler de Simona est un difficile exercice tant le film est irracontable sur le plan visuel. Il met en avant toute une symbolique qui pourra échapper à bon nombre de spectateurs, déconcertés, déroutés par cette suite de tableaux plus fous les uns que les autres. Si Simona est tiré de l'oeuvre de George Bataille, L'histoire de l'oeil, le film est également une des adaptations les plus fidèles des écrits de l'auteur dans laquelle on retrouve toute la folie de son univers qui mêle de façon quasi sublime érotisme et religion dans un contexte philosophique souvent empreint d'hérésie.
Simona est un conte sur l'éveil de la sexualité, un coming of age movie étonnant qui prend comme personnage principal une jeune fille, la splendide et libérée Simona. Elle vit une relation très spéciale avec Georges, un superbe adolescent de 17 ans, qui est à la fois sa "muse" et son jouet sexuel avec qui elle peut donner vie à tous ses fantasmes les plus débridés. Il existe entre eux une véritable passion, sauvage, obsédante, destructrice où amour et mort se confondent parfois. Lorsqu'ils font la connaissance d'une étrange jeune fille, Marcelle, leur univers va lentement s'effriter jusqu'au drame inéluctable. En s'unissant à leurs jeux et fantaisies sexuelles, elle leur permet d'aller toujours plus loin dans la débauche en formant u dangereux trio. Ils ignorent pourtant le terrible drame que vit Marcelle. Fille d'un
taxidermiste qui vit seul dans son lugubre manoir au bord de la plage Marcelle a vu mourir sa mère tuée par son oncle dans un accident de voiture alors qu'elle n'était qu'une enfant. Vénéré par un père qui l'isole et l'aime d'un amour quasi incestueux, elle a également en secret des relations sexuelles avec son oncle. Lorsqu'elle découvre que son père vient d'empailler son oncle et garde dans son grenier un horrible mannequin à l'effigie de sa mère, Marcelle tente de s'échapper mais il est trop tard. Par une nuit d'orage, elle trouvera la mort en même temps que Georges venu la secourir. Simona a tout perdu et se retrouve désespérément seule. Lors d'une corrida elle se remémore les moments plus forts de cette relation. Ainsi s'ouvre et s'achève le film, rétrospective d'une relation suicidaire et passionnée.
Simona combine avec adresse l'art et l'érotisme dans ce qu'il a de plus sensuel dans un cocktail explosif de sexe, de poésie, de folie et de volupté. Chaque scène est une forme de peinture qui illustre les fantasmes de Simona alliant onirisme, esthétisme, sensualité et grotesque tout en embrassant très souvent le surréalisme. Situé au bord d'une station balnéaire belge, Simona utilise à merveille les longues et tristes plages sablonneuses aux teintes grises lors de somptueux ébats d'une rare beauté, véritables poèmes mis en images, fascinants, troublants comme en témoigne la sublime séquence où le trio s'étreint et se mélange sur un lit d'algues. A ses scènes imparables s'ajoutent tout un lot de séquences qui échappent à toute notion de temps: les statues vivantes, l'orgie carnavalesque... et d'autres qui atteignent quant à elles les confins du surréalisme: la danse des toges blanches au milieu du lac, les animaux empaillés qui prennent vie et s'échappent par la fenêtre, les soutanes suspendues aux arbres... .
Outre ce contexte d'érotisme torride, Longchamps injecte au film une dose de folie qui va crescendo et trouvera son point culminant lors du final grandiloquent où Simona, prisonnière de son père, tente de fuir. Du corps embaumé de son oncle duquel elle retire avec effroi la paille du ventre au mannequin sordide à l'image de sa défunte mère avec lequel danse son père, Longchamps instaure un climat de terreur fantastique où les hurlements de peur succèdent désormais aux délicats soupirs d'extase.
Comme toute oeuvre de Bataille, Simona baigne dans une atmosphère franchement hérétique puisque le film est également une moquerie contre l'Eglise catholique et les prêtres, fortement malmenés. Simona est en fait une sorte de thérapie bienfaisante contre la répression sexuelle dictée par l'Eglise. Il se terminera d'ailleurs par une citation de Alberto Moravia: On peut tous être des saints, tant dans le sens religieux qu'érotique. Avec Simona, Longchamps tente aussi de montrer qu'à travers le sexe, l'Homme tente de combler sa solitude en multipliant les expériences, en dépassant à chaque fois ses limites. il se perd dans l'illusion de l'amour pour mieux se retrouver seul quand tout s'arrête, toujours plus seul face à ses souvenirs.
Doté d'une superbe photographie et d'une partition musicale tout aussi magnifique, Simona bénéficie d'une excellente interprétation à la hauteur des ambitions du scénario. Laura Antonelli, désinhibée et sensuelle, est envoutante aux cotés du jeune Maurizio Degli Esposti une fois de plus voué à un personnage d'adolescent difficile. Margot Margaret, la propre épouse du réalisateur, interprète Marcelle, sauvage et névrosée. Patrick McGee est égal à lui même, toujours aussi fou, incarne le père tandis que Raf Vallone se glisse dans la peau de l'oncle, carnassier et repoussant.
Simona est une véritable expérience cinématographique, un moment inoubliable à la fois beau, déroutant, hypnotique, terriblement sensuel. Voilà un exercice d'art qui devrait pleinement séduire tout ceux qui aiment un certain type de cinéma érotique autre, philosophique, cérébral, certes hermétique mais totalement fascinant.